MONTRÉAL – Une chance que Benjamin St-Juste est solide au football, mais aussi entre les deux oreilles. À sa saison recrue dans la NFL, il a réussi l’exploit de jouer comme partant. Cependant, deux commotions cérébrales lui ont fait rater les neuf derniers matchs et son année 2021 s’est malheureusement terminée par un drame alors qu’il a été témoin d’un accident de la route qui a causé la mort de la copine d’un coéquipier. 

Avant d’aborder les épreuves vécues et sa résilience, laissons-nous rêver en parlant de ses accomplissements sur le terrain. Ça n’arrive quand même pas tous les jours qu’un Québécois accède à la NFL et obtienne un tel rôle aussi vite. Il a eu à se mesurer aux Aaron Rodgers, Patrick Mahomes, Davante Adams, Tyreek Hill, Stefon Diggs et Mike Williams de ce monde! Ce sont ces images et ces moments qui vont inspirer la relève à vouloir l’imiter. 

« Pour les premiers jeux de chaque match, même si je suis un adulte, je reste toujours un enfant qui a joué à Madden (le célèbre jeu vidéo) et qui écoutais le football le dimanche et le lundi avec mes parents au Québec », a réagi St-Juste avec le visage lumineux. 

« J’ai failli avoir ma première interception au Lambeau Field, c’était fou! C’était contre Davante Adams, Rodgers a lancé une petite passe soulevée et il ne m’avait pas vu en couverture 3. J’ai failli attraper le ballon à une main. Ç’aurait été un jeu parfait, j’aurais mis cette photo comme poster dans ma chambre! », a lancé St-Juste avec un grand sourire. 

« Il faut prendre le temps d’apprécier ces moments car ils vont partir vite. Je m’assure de le faire parce que je sais que ç’a été très difficile de se rendre à ce niveau. »

S’il était sur la touche pour le duel contre Tom Brady, il a adoré fouler la pelouse du stade Mile High à Denver. « C’était l’une de mes équipes favorites quand j’étais jeune, quand Peyton Manning était là », a-t-il précisé en donnant un coup de vieux à bien des partisans et à l’auteur de ces lignes. 

Ce fut son dernier match de sa – trop courte - saison recrue. Même si ce fut bref, les données recueillies ont confirmé qu’il pouvait exceller à ce niveau outre un premier match d’adaptation face aux Chargers de Los Angeles. 

« Je n’étais pas surpris de ce que j’ai pu faire parce que je suis arrivé avec la mentalité que je devais avoir un impact immédiat. Ça s’est bien passé durant le camp d’entraînement donc je savais que j’aurais beaucoup de responsabilités et j’étais prêt quand c’est arrivé. Je vais pouvoir reprendre où j’ai laissé la saison prochaine », a noté St-Juste qui veut continuer de développer sa polyvalence pour être inséré dans une multitude de schémas défensifs contre les équipes, comme les Chiefs ou les Bengals, qui déploient souvent plusieurs receveurs. 

L’anxiété de vouloir revenir à l’action rapidement

Dimanche dernier, St-Juste devait se contenter d’un rôle de spectateur alors que la saison de l’équipe de Washington a pris fin. Le Québécois de 24 ans était confiné dans cette réalité depuis plus de deux mois. Sa deuxième commotion cérébrale en l’espace de quelques semaines a poussé son entraîneur Ron Rivera à lui faire comprendre, sagement, que c’était préférable qu’il revienne en force la saison prochaine. 

« On est dans la NFL, c’est une business et c’est très froid dans plusieurs équipes. Ça ressemble à ‘Tu ne peux pas faire ceci ou cela donc on va passer à quelqu’un d’autre’. Mais Coach Rivera a un plan pour moi, c’est pour ça qu’il m’a repêché et il va continuer à prendre soin de moi. Il m’a dit de prendre mon temps, l’équipe veut que je sois en santé pour les trois prochaines années », a-t-il confié au RDS.ca.

On vous disait que St-Juste est fort mentalement, mais c’est aussi vrai car il est capable d’admettre sa vulnérabilité. En novembre, après sa deuxième commotion cérébrale, il voulait tellement revenir au jeu qu’il a composé avec de l’anxiété. 

« Le seul traitement pour une commotion, c’est d’être en mesure de ‘fermer’ son cerveau et de ne faire aucune activité pour relaxer. Mais moi, en tant que compétiteur, j’avais envie de jouer. J’avais beaucoup de temps de jeu, j’étais partant et je ne voulais pas échapper cette opportunité. J’ai commencé à en perdre le sommeil, je ne dormais plus et ça n’aidait pas mon rétablissement. C’est pour ça qu’ils m’ont dit de prendre mon temps, de ne pas me créer de l’anxiété », a avoué l’athlète de six pieds trois pouces. 

St-Juste n’avait jamais composé avec une commotion cérébrale et cette situation l’a, inévitablement, fait réfléchir. Après tout, autant qu’une carrière prometteuse se dessine sur le terrain, il possède également un très bel avenir à l’extérieur de celui-ci. 

« Chaque fois que je subis une blessure, je pense toujours à mettre un peu plus d’énergie sur mon plan B. C’est pour ça que j’ai vraiment pris au sérieux le côté académique quand j’étais à l’université. Dans quatre, huit ou dix ans, ce sera fini la NFL. Je vais être dans le trentaine et il va me rester 50 ans à vivre. Je pense toujours à ce que j’aimerais faire après le football, je n’ai pas envie que ce soit un choc quand ce sera la fin. J’essaie déjà de me créer une identité à l’extérieur du football », a reconnu celui qui a complété une maîtrise en gestion sportive et un baccalauréat en sociologie. 

Une tragédie qui fait réfléchir

À son âge, c’est déjà un signe de maturité qu’il réfléchisse à son avenir de cette manière. Mais, tout juste avant Noël, la vie lui a cruellement rappelé que c’est le moment présent qui importe. 

Son coéquipier Deshazor Everett a eu un accident de la route dans lequel sa copine a tristement perdu la vie. St-Juste et un autre coéquipier suivaient le véhicule d’Everett lorsque l’incident s’est produit. 

« C’est très triste... Deshazor traverse une grande épreuve mentalement. Ça m’a fait réaliser que toute chose est très précieuse, surtout la vie, donc il faut que tu fasses attention à tout ce que tu fais et tu dois apprécier chaque moment avec ceux qui t’entourent. Tu ne sais jamais si c’est la dernière fois que tu les verras. C’est difficile de trouver les bons mots, mais on va apprendre de cet événement. Ç’aurait pu arriver à n’importe qui, à moi ou un autre de mes coéquipiers. On est là, on le supporte beaucoup », a conclu St-Juste avec un discours qui prend encore plus de sens alors qu’il épousera sa fiancée au mois d’avril.