MONTRÉAL – Marc Bergevin s’est attiré quelques railleries quand, dans deux conférences de presses distinctes, il a justifié les récents changements au sein du personnel d’entraîneurs du Canadien par le besoin de faire transmettre le message destiné à ses joueurs par de « nouvelles voix ».

C’est une explication qui peut paraître abstraite et un peu passe-partout. Mais pas pour Étienne Marcoux. En tout cas pas dans le cas précis qui concerne son vieil ami Marco Marciano.

« C’est le genre de gars qui va embarquer sur la glace pendant ton échauffement, tu vas faire une couple de bons arrêts et il va se mettre à crier parce qu’il est content, s’emporte Marcoux en décrivant le nouvel entraîneur des gardiens dans l’environnement du CH. C’est une énergie totalement différente de Stéphane Waite. C’est vraiment un autre monde. C’est un peu ça que Marc voulait dire : une nouvelle voix, une nouvelle énergie, essayer de changer le mal de place. Des fois, c’est juste ça que ça prend. »

« Je ne sais pas si les récents succès de Carey [Price] sont reliés à l’arrivée de Marco, mais depuis qu’il est là, il va super bien », constate-t-il.

Marcoux connaît surtout Waite de réputation, mais il parle en connaissance de cause lorsqu’il est question de Marciano. Les deux se sont connus dans l’organisation du Junior de Montréal en 2010 et ont travaillé ensemble à temps plein durant les deux années suivantes chez l’Armada de Blainville-Boisbriand. Leur union est devenue saisonnière quand Marcoux est passé chez les professionnels, mais ils se sont retrouvés en 2018, quand le gardien est venu terminer sa carrière dans l’organisation du Rocket de Laval. En 2020, la pandémie a interrompu une collaboration estivale vieille d’une décennie entre les deux hommes.

Marcoux a observé attentivement les premières images qui ont circulé, il y a deux semaines, de Marciano à l’entraînement avec Carey Price, son nouveau et plus célèbre client. Il revoyait les mêmes exercices, la même façon de communiquer, la même gestuelle que lors de leurs nombreuses interactions.  

« Marco, quand il fait des pratiques, c’est soit y a un but, soit tu gèles la rondelle. Des retours, il peut y en avoir jusqu’à la nuit. Je voyais des séquences où il montrait justement à Carey à fighter. Je pense que c’est un peu des fois ce qu’on reproche à Carey. Il a l’air un peu plus soft, entre guillemets, il ne fight pas trop parce que souvent il est tellement bien positionné qu’il n’a pas besoin de le faire. Mais des fois, on voudrait un peu plus agressif. J’avais l’impression que c’était un peu là-dessus que Marco travaillait. Parce qu’avec le talent qu’il a, s’il ajoute ça à sa game en plus, oublie ça! »

Les propos de Marcoux rejoignent ceux que Kim St-Pierre avait tenus sur les ondes de Hockey 360 lors de la première journée de Marciano dans son nouveau bureau. Sur le masque qu’elle avait porté aux Jeux olympiques de Vancouver, St-Pierre avait fait peindre le mot soft entouré d’un cercle rouge et rayé par un trait oblique de la même couleur.

« S’il apporte cette mentalité à Price, c’est sûr que ça va jouer en sa faveur, argumentait la membre du Temple de la renommée. Pour nous, c’était une façon de se garder à notre meilleur niveau. Pour moi, ça commence dans les pratiques pour démontrer ton intensité et après ça tu es capable de l’amener dans les matchs. »

Un psychologue sur le Red Bull

S’il demande de l’intensité de ses poulains, Marciano prêche par l’exemple. En pensant à son ancien tuteur, Marcoux décrit un homme enthousiaste et énergique qui ne compte pas les heures au travail.

« Pour sa première pratique avec Carey, connaissant Marco, si la pratique était à 10h, il devait être à l’aréna à 5h. Il avait fait la vidéo de son dernier match, il devait avoir bu une couple de Red Bull et il était prêt en maudit pour la pratique. C’est sûr et certain qu’il était excité. »

Le CV de Marciano est assez long pour couvrir le segment de la ligne orange qui relie les stations Montmorency et Lucien-L’Allier. Il a passé deux ans chez les Screaming Eagles du Cap Breton et deux autres chez les Voltigeurs de Drummondville avant de rejoindre l’équipe nationale féminine canadienne pendant deux ans. En 2013, il a quitté l’Armada pour accepter un poste d’entraîneur responsable de la vidéo avec le club-école du Canadien à Hamilton. Deux ans plus tard, il ajoutait à son titre celui d’entraîneur des gardiens lors du transfert de l’équipe à St. John’s. Il a ensuite fait partie du déménagement à Laval, où il était jusqu’à ce qu’il soit appelé d’urgence par le grand club.

On ne fait pas tout ce chemin sans détenir une tonne de connaissances et une expertise béton. Marcoux assure que Marciano est au fait de toutes les nouvelles tendances qui touchent le métier de gardien de but, mais il ne le présente pas comme un pédagogue dont l’enseignement est principalement basé sur la théorie.

« Au bout de la ligne, ce qu’il veut, c’est que t’arrêtes le puck. Il va te montrer les techniques, il va te montrer ce qui serait préférable que tu fasses, mais il ne veut pas trop que tu penses à la position que tu dois respecter dans telle ou telle situation. Il laisse beaucoup de place aux réflexes et au talent. Je pense qu’aujourd’hui, les entraîneurs demandent trop aux gardiens d’être robotiques. Il y a une façon de faire et c’est tout. Apprendre à lire le jeu et à laisser parler ton talent, c’est ce que Marco amène sur la glace. »

À ce sujet, les observations de Marcoux font écho à celles qu’avait partagées Louis Domingue, dans ces mêmes pages, lorsqu’on lui avait demandé de nous parler de Sean Burke, le nouveau supérieur de Marciano. 

« Tu sais, travailler avec Carey, c’est pas changer son style ou améliorer sa technique. Ça se passe entre les deux oreilles, soutient Marcoux. Plus tu vieillis, plus ton style est établi. Quand ça va moins bien, t’essaies de moins penser, de revenir à la base. Un coach des gardiens, c’est un peu comme un psychologue. Pour ça, Marco, il a tout le temps été bon. »