MONTRÉAL - Il n'a pas attisé la fibre sociale du Québec comme l'a fait Maurice Richard dans les années 50 et il n'a pas toujours affiché la diplomatie de Jean Béliveau. Ça n'a pas empêché Guy Lafleur, à sa façon, de se hisser à leur niveau pour former le plus illustre trio de joueurs de l'histoire du Canadien de Montréal.

Lafleur, l'un des hockeyeurs les plus électrisants et charismatiques de sa génération, qui est perçu par de nombreux observateurs comme le pilier de la dynastie du Canadien de la fin des années 1970, est décédé après une longue bataille contre le cancer. Il était âgé de 70 ans.

Sa soeur Lise Lafleur a été la première à confirmer la nouvelle, vendredi matin, dans une publication sur Facebook. « Guy Je t'aime, tu as fini de souffrir tu vas nous manquer énormément », a-t-elle écrit.

Né à Thurso, en Outaouais, le 20 septembre 1951, Lafleur, un ailier droit au dynamique coup de patin, au tir puissant et précis, a joué pendant 17 saisons dans la LNH au sein de trois organisations différentes, entre 1971 et 1991.

Avec le Canadien, les Rangers de New York et les Nordiques de Québec, il a amassé 560 buts et 1353 points en 1126 matchs en saison régulière. Il a ajouté 58 buts et 134 points en 128 parties éliminatoires.

Réclamé au tout premier rang du repêchage de 1971 après deux campagnes spectaculaires avec les Remparts de Québec dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, Lafleur a porté l'uniforme du Canadien de 1971 à 1984. Il a accumulé 518 buts et 728 aides pour un total de 1246 points en 961 parties.

En séries éliminatoires, il a totalisé 133 points en 124 matchs avec le Tricolore, incluant 57 buts, et contribué à la conquête de cinq coupes Stanley dont quatre d'affilée entre 1976 et 1979. Lafleur a aussi fait graver son nom sur le précieux trophée en 1973.

Lafleur vient au premier rang dans l'histoire de l'équipe pour les aides et les points en saison régulière et n'est devancé que par Maurice Richard (544) au chapitre des buts marqués. Il détient ou partage une vingtaine de records d'équipe.

Premier joueur dans l'histoire du Canadien à atteindre le cap des 100 points lors d'une même saison, Lafleur a été au sommet de son art entre les saisons 1974-1975 et 1979-1980 au point de devenir le joueur numéro un dans la LNH.

Durant cette période, Lafleur est devenu le premier joueur dans l'histoire de la LNH à connaître six campagnes consécutives avec au moins 50 buts et 100 points.

Pendant ces six saisons, il a mérité les trophées Art-Ross (meilleur marqueur) et Lester B. Pearson (joueur par excellence) lors de trois saisons d'affilée (1976, 1977, 1978). Il a ajouté deux trophées Hart, remis au joueur le plus utile à son équipe (1977, 1978), et le Conn-Smythe, en 1977, à titre de joueur par excellence pendant les séries éliminatoires.

Il a été nommé chaque année au sein de la première équipe d'étoiles.

En 1977, il a aussi mérité le titre d'athlète masculin de l'année de La Presse Canadienne.

Le 4 mars 1981 lors d'une victoire de 9-3 contre les Jets de Winnipeg au Forum, Lafleur récolte deux buts et une aide et atteint le cap des 1000 points à son 720 match.

À l'époque, aucun autre joueur n'avait atteint ce plateau en aussi peu de matchs. À ce jour, seulement cinq joueurs - Wayne Gretzky, Mario Lemieux, Mike Bossy, Peter Stastny et Jarri Kurri _ ont fait mieux que Lafleur.

Après une retraite-choc à l'âge de 33 ans en novembre 1984, à la suite d'un début de saison difficile et un déclin de ses performances au tournant des années 1980, Lafleur a fait un retour au jeu tout aussi inattendu en 1988.

Dans la foulée de son intronisation au Temple de la renommée, il signe un contrat d'un an avec les Rangers, alors dirigés par Michel Bergeron, après avoir participé à un camp d'entraînement à Trois-Rivières.

Après une seule saison à New York, Lafleur s'est joint aux Nordiques. Ce faisant, il retrouvait une organisation pour laquelle il est venu près de jouer, à l'époque de l'Association mondiale de hockey, en 1973.

Ce printemps-là, il avait plutôt paraphé un pacte de 10 saisons avec le Canadien pour une somme d'un million $.

Un homme adulé

Hockeyeur doté d'un sens inné du spectacle qui ne faisait jamais dans les demi-mesures, homme entier au franc-parler parfois très tranchant, le « Démon Blond » ou « Flower » - selon la langue maternelle de ses partisans - se classe parmi les personnalités les plus adulées dans toute l'histoire du Québec, au même titre que Richard et Béliveau, les deux autres grandes légendes francophones dans l'histoire du Canadien.

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Cet amour des Québécois pour Lafleur ne s'est jamais estompé et a peut-être même atteint son paroxysme près de 30 ans après la fin de sa carrière de sportif, dans des circonstances pour le moins inquiétantes.

Le 25 septembre 2019, le Québec tout entier a vécu un choc en apprenant que Lafleur allait devoir se soumettre à un quadruple pontage coronarien.

Puis le 28 novembre, Lafleur a subi une autre délicate opération, celle-là pour l'ablation du lobe supérieur de l'un de ses poumons après la découverte d'une tache cancéreuse.

Après des apparitions publiques au début de 2020 où il avait semblé en assez bonne forme, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal, qui avait procédé aux deux délicates opérations, a annoncé le 7 octobre de la même année que le légendaire hockeyeur luttait contre une récidive de son cancer.

Le 30 novembre, dans une vidéo, plusieurs anciens coéquipiers et rivaux de Lafleur se sont réunis pour lui offrir leur soutien.

Puis, à compter du début de mars 2021, Lafleur a effectué d'autres apparitions publiques, cette fois à titre d'ambassadeur de la Fondation de Centre hospitalier de l'Université de Montréal dans le but d'amasser plus de fonds pour la recherche sur le cancer.

Lors d'une rencontre virtuelle avec les médias, Lafleur y était apparu souvent à bout de souffle, parfois très émotif, mais aussi positif malgré le dur combat qu'il devait livrer.

« Heureusement, il y a du positif dans le domaine de la recherche et des traitements. Ça fait quatre, cinq mois que je suis des traitements, et la masse a diminué de 30 pour cent. Alors, c'est ça qui m'encourage à poursuivre. »

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Lafleur a également été aperçu au Centre Bell au moment où le Canadien vivait sa spectaculaire aventure jusqu'en finale de la Coupe Stanley, la saison dernière.

Il a effectué ses dernières apparitions publiques à la fin octobre dernier à Québec, dans le cadre de deux journées chargées d'émotions.

Le 27 octobre, Lafleur a assisté au dévoilement d'une oeuvre d'art honorant sa célèbre carrière sur l'allée commémorative de la place Jean-Béliveau.

Le lendemain, au Centre Vidéotron, il a reçu une ovation de plus de quatre minutes au moment où la Ligue de hockey junior majeur du Québec annonçait le retrait pour la postérité du numéro 4 qu'il avait porté avec les Remparts entre 1969 et 1971.

Puis le 9 mars dernier, Hockey Canada a honoré Lafleur en lui décernant l'Ordre du hockey, qui rend hommage à des individus pour leurs contributions ou services exceptionnels à la croissance et au développement du hockey au pays.

Lafleur a été un grand homme hors de la patinoire