J'admets avoir été surpris quand le public du Centre Bell a répondu avec son enthousiasme habituel quand l'annonceur maison Michel Lacroix leur a demandé de bien accueillir les Canadiens, samedi soir. C'était le dernier match d'une saison misérable et de fidèles chrétiens avaient encore le goût de s'époumoner sur une équipe qui ne méritait certainement pas ce genre d'accueil. D'ailleurs, les joueurs, dans leurs messages d'au revoir, semblaient d'accord.

Sur le tableau géant, leurs messages étaient assez révélateurs. Des messages qui ressemblaient à des excuses tout en implorant la clémence du public.

« Nous aurions voulu vous en offrir davantage, mais des blessures et beaucoup d'adversité nous en ont empêchés. » Cet exercice de relations publiques s'est poursuivi dans le vestiaire et sur une tribune réservée aux hauts dirigeants de l'équipe aujourd'hui.

Faudrait quand même pas repousser sous le tapis toutes les raisons qui ont mené à cette débâcle. Le Canadien s'est écroulé bien avant que les blessures frappent massivement l'équipe. Certes, elles ont frappé fort avec les pertes de Carey Price et de Brendan Gallagher, mais une formation qui a du caractère et qui joue avec le couteau entre les dents ne s'affaisse pas au premier coup dur. Si c'était vrai, le Canadien ne serait pas l'organisation la plus titrée du hockey.

Et ce que nous avons entendu cet après-midi n'annonce rien de bon, j'en ai bien peur. Les joueurs rentrent à la maison l'âme en paix. Les balivernes qu'ils ont racontées étaient leur dernière mission futile de la saison. Pour eux, c'est terminé. Les mains sont lavées. La conscience est libérée. Le reste ne les concerne pas. C'est au directeur général de mieux structurer la prochaine saison.

À la suite du long point de presse accordé par Geoff Molson, Marc Bergevin et Michel Therrien, qui avait la physionomie du gars qui aurait tout fait pour pouvoir être ailleurs, on n'a pas la moindre indication que les choses vont changer pour la peine. Pour l'instant, l'espoir de jours meilleurs n'est qu'une rumeur. L'architecte en qui le propriétaire mise encore toute sa confiance a été très clair. Bergevin ne va pas tout chambarder parce que ça va mal. Ce qui revient à dire qu'il lui sera toujours aussi difficile de transiger, que la date du premier juillet ne l'excite pas davantage et que si jamais Price reprend sa place en étant rétabli à 100%, tout rentrera dans l'ordre.

Ce fut une soixantaine de minutes d'explications au cours desquelles on nous a débité plein de choses qu'on savait déjà. On le savait que ces trois-là aiment beaucoup leur équipe. On le savait que des jeunes ont marqué quelques points durant leur audition. Mais tous ces espoirs qu'on nous vante à tour de bras depuis des années et sur lesquels on compte pour bâtir l'équipe sur du solide, où sont-ils vraiment?

On avait une occasion unique de tous les voir et on est resté sur notre appétit. Quelques-uns d'entre eux ont démontré des choses intéressantes, mais personne ne nous a jetés par terre. C'était un peu prévisible. Une filiale qui manque les séries, année après année, ne peut pas nous faire boire de la crème. Faudra donc se contenter du petit lait pendant un bon moment encore.

Subban et Pacioretty

C'est juste un détail parmi tant d'autres, mais c'est étonnant tout ce qu'on peut nous raconter durant ce bilan au cours duquel joueurs et dirigeants essaient de se sauver les fesses. À un certain moment, Bergevin a été appelé à commenter le pied de nez que les joueurs ont fait à P.K. Subban en votant massivement pour Max Pacioretty en marge du trophée King Clancy remis annuellement au joueur de la ligue qui s'implique le plus dans sa communauté et dans diverses oeuvres humanitaires. On m'a dit que le vote avait été quasi unanime. Vous allez me dire que pas un seul coéquipier n'a retenu que Subban a fait un don de 10 millions de dollars à un centre hospitalier pour enfants? C'est évident, ils ont voulu lui passer un message très clair.

ContentId(3.1180054):Canadiens: P.K. Subban toujours au coeur de l'action
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Bergevin, lui, avait une explication différente. « P.K. est un joueur apprécié de ses coéquipiers. Les joueurs ont juste voulu reconnaître que Pacioretty fait de bonnes choses sur ce plan-là, lui aussi », a-t-il dit. Je trouve que cette déclaration est une insulte à notre intelligence. Elle nous donne une bonne idée du degré de faussetés qu'on peut nous raconter dans ce genre de bilan.

Comme prévu, le statut de Subban a meublé une bonne partie de la journée. Son impopularité dans le vestiaire, incitera-t-elle son patron à l'échanger? Bergevin jure que non, même s'il y a des sceptiques. Chose certaine, je ne crois pas qu'il s'agisse de sa priorité. Ce que j'ai moins aimé, c'est la bouffonnerie de Subban qui est allé se coller à Pacioretty pour plaire à la galerie. Un geste qui, à l'image de ce bilan de fin de saison, n'a convaincu personne.

Les gens ont mal réagi à ce point de presse parce qu'ils n'ont toujours rien à se mettre sous la dent. On s'attendait à ce qu'on leur raconte en détail ce qui n'a pas fonctionné. On voulait avoir une meilleure idée de ce qui les attend la saison prochaine. Geoff Molson, qui a admis ne pas avoir apprécié les derniers mois, a promis de mettre tout en oeuvre pour que l'équipe gagne. Il me semble qu'on l'a déjà entendu celle-là. Et plus d'une fois.

Bergevin a encore tous les outils

Ce fut trop mauvais, trop humiliant, pour qu'on puisse oublier aussi rapidement ce qui s'est passé et pour qu'on puisse se satisfaire d'un autre voeu pieux, même si le propriétaire est celui à qui l'élimination fait le plus mal. Un manque à gagner de plusieurs millions de dollars en étant exclu des séries, ce n'est quand même pas de la tarte.

ContentId(3.1180056):Canadiens: L'avenir de Michel Therrien est à Montréal
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Molson a signé un chèque en blanc à son directeur général il y a quatre ans. Il lui a permis d'embaucher tous les hommes de hockey dont il avait besoin pour gagner. Plus encore, il est actuellement d'accord pour qu'il les garde tous à son service. La longue prolongation de contrat qu'il lui a accordée il y a quelques mois a mis encore plus d'accent sur la confiance qu'il lui témoigne. Pourtant, son équipe vient de rater le rendez-vous des séries pour la seconde fois en cinq ans. Une troisième élimination en six ans inciterait probablement Molson à procéder à un ménage à la Ronald Corey, qui sait?

Le degré de confiance que le public et les médias avaient en Bergevin était très élevé à son arrivée. On aimait son attitude agressive et sa détermination à vouloir refaire du Canadien une formation gagnante. Il semblait aussi compléter un duo très efficace avec l'entraîneur qu'il avait choisi sur la recommandation de Serge Savard. Or, la situation d'Alex Galchenyuk a quelque peu fait baisser la cote de crédibilité du duo Therrien-Bergevin.

Alors que l'organisation était désespérément à la recherche d'un centre numéro et qu'on sentait parfois Bergevin prêt à effectuer une transaction pour résoudre ce problème, il y avait déjà un jeune et un très bon à son service. On a mis tellement de temps à se brancher pour en faire un centre numéro un que l'équipe, déjà hypothéquée par des malchances à répétition, a trouvé une raison additionnelle pour faire du sur place.

L'affaissement du Canadien est si sérieux et les solutions qui s'annoncent sont si cousues de fil blanc qu'il pourrait y avoir d'importantes répercussions ailleurs. L'une d'elles concerne les joueurs autonomes qui rêvent tous de se joindre à des aspirants à la coupe Stanley. Quand ils regardent ce qui se passe ici, ils ne peuvent pas être tentés par le Canadien en ce moment. Bergevin l'a dit aujourd'hui. Ils ont l'opportunité de choisir une destination idéale. Si c'est le cas, autant, ils auraient été intéressés par Montréal l'an dernier, autant ils seront difficiles à convaincre cet été.

La coupe Stanley, qui faisait rêver les fans après neuf victoires de suite en octobre, est redevenue ce qu'elle a été au cours des 23 dernières années : un simple rêve.