MONTRÉAL – Jakub Dobeš ne se serait lui-même pas décrit comme autre chose qu’un obscur projet au moment où le Canadien l’a sélectionné au repêchage de 2020.

« J’ai toujours eu confiance en mes habiletés, mais jusqu’à ma première année au hockey junior, j’étais inexpérimenté, j’étais encore un enfant. En fait, avec le recul, je dirais que mes trois premières années aux États-Unis, j’étais juste "so-so" », raconte avec candeur le jeune gardien d’origine tchèque.

Dobeš avait une feuille de route assez modeste avant de devenir un choix de cinquième ronde du CH. Une dizaine de matchs dans un circuit junior secondaire et 21 autres avec les Lancers d’Omaha en USHL. Ses statistiques à ce dernier arrêt avaient été ordinaires : une moyenne de buts alloués de 3,09 et un taux d’efficacité de ,891 pour une équipe qui avait pourtant conclu l’année au deuxième rang de sa division.

À la fin de cette saison, Dobeš entretenait peu d’espoir d’avoir convaincu une organisation professionnelle de s’approprier ses droits. « J’avais connu une bonne première moitié de saison, mais ça s’était gâté par la suite, puis la COVID avait frappé. Je me disais que mes chances étaient de 50-50. C’est finalement arrivé. Pour moi, ça m’a donné une bonne dose de confiance. »

La suite a donné raison au CH d’avoir lancé les dés avec le gaillard de 6 pieds 4 pouces. L’année suivant sa sélection, Dobeš s’est classé dans le top-5 de la USHL au niveau de la moyenne de buts accordés (2,48) et du taux d’efficacité (,908). Il a ensuite été en mesure de répliquer le même rendement dans sa transition vers le hockey universitaire. Présentement au milieu de sa première campagne avec les Buckeyes d’Ohio State, il domine les recrues de la NCAA dans la colonne des matchs joués (18) et des victoires (13). Son taux d’efficacité de ,926 le place au troisième rang parmi tous les gardiens de première division ayant passé au moins 1000 minutes devant leur filet.

Dobeš dévie humblement la conversation lorsqu’on le met au parfum de ses impressionnantes statistiques. « Mon ancien coach à Omaha, David Wilkie – qui est lui-même un ancien choix du Canadien – m’a toujours dit de me concentrer sur la victoire, peu importe où je vais, et le reste suivra. C’est une petite citation qui me suit chaque fois que je me retrouve devant mon filet. Je me fous du nombre de buts que j’accorde, je veux juste aider mon équipe à gagner. »

Il reconnaît néanmoins qu’il a fait des pas de géant au cours des deux dernières années.

« Maintenant, je sais ce que je fais. Je gagne en maturité et je me prépare pour les prochaines étapes, si je peux le dire ainsi. »

La vision d’Al MacInnis

Dobeš parle de son parcours sans se prendre la tête. Même qu’une certaine incrédulité teinte sa voix lorsqu’il raconte son ascension dans la structure américaine.

« À ma première année aux États-Unis, je n’avais aucune idée de ce qu’était le hockey universitaire. Comme probablement la plupart des jeunes joueurs tchèques, j’avais entendu parler des ligues juniors au Canada et de la USHL, mais personne ne nous parle vraiment de la NCAA. »

Le natif d’Ostrava avait 15 ou 16 ans, il n’en est plus trop certain, lorsqu’il a transporté ses grandes jambières de l’autre côté de l’Atlantique. Un entraîneur en Tchéquie l’avait mis en contact avec Lubos Bartecko, un ancien de la LHJMQ qui a joué quelques centaines de matchs dans la LNH et qui était alors impliqué avec une équipe U18 AAA dans la région de St. Louis.

« J’ai fait le voyage avec mon père et mon frère. J’ai participé à un camp de sélection et j’ai gagné ma place au sein de l’équipe. »

C'est bien connu que plusieurs anciens joueurs des Blues reviennent à St. Louis à la fin de leur carrière pour redonner à la communauté par l’entremise du hockey mineur. À sa deuxième année au Missouri, par exemple, Dobeš a été hébergé par la famille de l’ancien dur à cuire Kelly Chase. Son jeune frère Zdenek joue présentement sous les ordres de l’ancien défenseur Jeff Brown.

Dobeš n’avait pas encore bien saisi cette dynamique quand le père d’un coéquipier lui a demandé s’il avait l’intention de jouer dans les rangs universitaires, quelques mois après son arrivée aux États-Unis. « Je ne sais pas, probablement pas », se souvient-il d’avoir répondu. « Non, je crois que tu as du potentiel. On va s’assurer que tu y arrives un jour », s’est-il fait dire.

Comme à l’époque où il terrorisait les gardiens de la LNH avec son lancer frappé, Al MacInnis avait vu juste.

« Un an plus tard, j’avais réalisé que le hockey universitaire était vraiment où je voulais aboutir. Je suis si content d’être ici », s’enthousiasme celui qui considère lui-même déjà St. Louis comme un deuxième chez-soi.

Un trio prometteur dans le système

Dobeš a commencé sa première saison avec les Buckeyes sur le banc. Il a signé sa première victoire lors du troisième match de l’équipe, un gain facile de 7-1 dans lequel il n’a eu qu’à faire 17 arrêts. Mais le week-end suivant, il a été appelé en relève au vétéran Ryan Snowden en plein milieu d’un match contre UConn que son équipe a finalement gagné en prolongation. Le filet a été le sien depuis.  

« Je suis une recrue, alors je ne faisais qu’attendre patiemment pour ma chance. Elle est arrivée et comme à chaque fois qu’on fait appel à moi, je veux faire de mon mieux et gagner. J’ai abordé les choses un match à la fois à partir de ce moment et mon niveau de confiance n’a fait qu’augmenter depuis. »

Dobeš a peut-être livré sa meilleure performance juste avant le congé des Fêtes, réalisant 42 arrêts dans une deuxième victoire en autant de jours contre Bowling Green. À son retour de vacances, il a récolté son deuxième jeu blanc de la saison. Ses performances permettent pour l’instant à Ohio State d’occuper le 17e rang du classement national et le troisième rang du classement de la section Big 10. Son objectif pour la deuxième moitié du calendrier en est un collectif et il est ambitieux : déloger les puissants Wolverines du Michigan du sommet du Big 10. « Je n’ai pas de doute qu’on puisse y arriver », clame-t-il avec confiance.

Dobeš fait partie d’un trio de jeunes gardiens que le Canadien a repêchés tardivement au cours des dernières années et qui se tirent bien d’affaire chacun dans leur coin du monde. Frederich Dichow, un Danois de 20 ans recruté en cinquième ronde en 2019, excelle en deuxième division suédoise. Joe Vrbetic, un choix de septième ronde en juillet dernier, se démarque quant à lui avec le Battalion de North Bay dans la Ligue junior de l’Ontario.

Ça tombe bien parce qu’avec l’avenir moins que certain de Carey Price à Montréal et le vide apparent derrière son dauphin Cayden Primeau, une infusion de sang neuf sera probablement nécessaire à la position de gardien au sein de l’organisation.

« J’ai vu leurs noms sur les médias sociaux, je sais très bien qui ils sont, avoue Dobeš en souriant. J’espère qu’on sera coéquipiers un jour, mais pour l’instant, j’ai bien d’autres préoccupations. J’ai tellement à faire avant d’atteindre ce niveau. On verra ce qui arrivera dans le futur. Quand je serai prêt à passer à la prochaine étape, j’imagine que vous allez me voir. »