Max Pacioretty a toujours juré sur toutes les tribunes qu’il tenait à demeurer avec le Canadien; que lui et sa famille avaient fait de Montréal leur ville; une ville où ils vivaient 12 mois par année.

Le propriétaire du Canadien Geoff Molson et son directeur général assurent, quant à eux, que Pacioretty a plusieurs fois réclamé une transaction pour quitter le Tricolore et la Métropole.

Qui dit vrai? Qui dit faux? Qui a raison? Qui a tort?

Réglons une chose tout de suite : quand on constate à quel point le dossier Pacioretty s’est dégradé au cours de la dernière année, qu’il est passé de simple problème à véritable fiasco, une seule conclusion s’impose : tout le monde a tort. Au moins en partie.

Est-ce que Pacioretty a exigé une transaction? Une fois? Plus d’une fois? Cinq fois?

Je n’ai pas la réponse exacte à cette question. De fait, Pacioretty, Molson et Bergevin sont les seuls à connaître la vérité.

Je veux bien croire Pacioretty quand il assure ne pas avoir exigé de transaction. Mais j’aurais plus de facilité à le croire sur toute la ligne s’il avait profité des tribunes utilisées au cours des dernières semaines pour convenir qu’il a demandé à des «intermédiaires» de contacter au moins un autre club de la LNH pour savoir s’il s’intéressait à lui.

Ce club est les Panthers de la Floride. Pacioretty les a indirectement contactés tout juste avant la date limite des transactions l’hiver dernier.

Pourquoi les Panthers? Je ne sais pas.

Mais je sais comme tout le monde dans le petit monde de la LNH que le directeur général des Panthers Dale Tallon et Marc Bergevin sont de très proches amis. Il est donc clair et net que Bergevin a rapidement été mis au courant de cette quête d’information de Pacioretty à l’endroit des Panthers.

Est-ce que cette quête a été interprétée par le DG du CH comme un désir de quitter son organisation? Ça me semble évident.

Est-ce que Pacioretty a lancé cet appel parce qu’il savait depuis un bon moment que le Canadien tenait à l’échanger? C’est très possible également.

Ce qui nous ramène au partage des responsabilités.

Pacioretty est un excellent marqueur. Ses statistiques en témoignent avec éloquence. Il a aussi voulu être un excellent capitaine. Sur ce plan, il n’a pas aussi bien réussi qu’il l’espérait.

Max Pacioretty, si vous en parlez avec ses coéquipiers d’aujourd’hui, d’hier et d’avant-hier, est aussi un éternel insatisfait. Remarquez que ce n’est pas toujours un défaut de vouloir toujours se dépasser et d’exiger la même passion de ses coéquipiers.

Ça devient un problème, lorsque l’éternel insatisfait devient tout simplement un plaignard. Qu’il rechigne sur les joueurs avec qui il évolue; qu’il rechigne sur les stratégies à cinq contre cinq, sur le rôle qu’on lui impose en avantage numérique, sur l’horaire de travail, sur la nourriture mise à la disposition des joueurs dans le vestiaire avant et après les matchs et les entraînements, sur tout!

Selon ce que je comprends, Max Pacioretty est ce type d’éternel insatisfait. Ça ne fait pas de lui un mauvais joueur, voire un mauvais capitaine. Car au fond, plusieurs considèrent que ses nombreuses doléances étaient semées à tout vent justement pour l’aider et aider ses coéquipiers à mieux performer.

Un objectif noble on en conviendra tous, mais peut-être pas la meilleure façon de mousser ses chances d’atteindre cet objectif.

Quand on parle aux témoins les plus susceptibles d’être au fait des dessous de l’«Affaire Pacioretty», c’est cette opposition entre l’ancien capitaine et l’état-major qui refait vite surface. Une opposition que les deux parties ont, de toute évidence, été incapables d’apaiser. Une opposition qui s’est transformée en fiasco et qui a entraîné la transaction qui permettra à Pacioretty de poursuivre sa carrière à Las Vegas, dans un marché qui lui permet illico de faire plus d’argent et au sein d’une équipe avec laquelle il aura de bien meilleures chances de gagner à court et moyen terme.

Est-ce que Marc Bergevin, son entraîneur-chef Claude Julien et même le propriétaire du Tricolore Geoff Molson ont pris tous les moyens pour faire front commun avec leur capitaine au lieu de se livrer à un duel avec lui?

Le Canadien assure que oui. Évidemment, le clan Pacioretty assure que non.

Et lorsque, il y a deux semaines, les amis du capitaine se sont mis à fustiger publiquement le propriétaire du Canadien et à l’apostropher candidement en le sommant de traiter son capitaine avec le respect qu’il méritait et en lui faisant signer un contrat de la valeur qu’il méritait, le clan Pacioretty est allé trop loin. Il a franchi la ligne au-delà de laquelle il était impossible de trouver une solution négociée à ce conflit.

J’ai toujours aimé Max Pacioretty. J’ai souvent défendu le marqueur qui faisait l’objet de critiques acerbes dès qu’il connaissait une disette de trois ou quatre matchs et qui voyait ses périodes fastes être diminuées parce que ses buts ne voulaient rien dire. J’ai aussi souvent défendu le capitaine. Un capitaine dont le règne pourra maintenant être imagé par l’expression : «qui aime trop, mal étreint». C’est du moins ma prétention.

Mais en affichant un constant mécontentement et en l’affichant en crescendo comme il l’a fait l’an dernier, Max Pacioretty n’a jamais appuyé ses prétentions selon lesquelles ils voulaient demeurer toute sa carrière avec le Canadien et garder sa famille à Montréal. Au contraire, son attitude laissait transpirer un désir de passer à autre chose. D’aller jouer ailleurs.

Que Max Pacioretty ait réclamé ouvertement ou non à Marc Bergevin et/ou Geoff Molson une transaction importe peu. C’est l’impression qu’il leur a donnée avec les conséquences qu’on connaît maintenant.

Inversement, l’état-major du Canadien doit assumer sa part du blâme également, car il n’a pas été en mesure de tuer dans l’œuf ce «conflit» qui n’aurait jamais dû se rendre aussi loin. Ou aussi bas, selon votre façon de voir les choses.

Quel clan sortira gagnant? Celui qui saura le mieux profiter de la situation pour rebondir.

À court et moyen terme, on doit donner l’avantage à Pacioretty. Avec lui, les Golden Knights sont meilleurs qu’ils ne l’étaient avec James Neal et même David Perron. En plus, Pacioretty a obtenu – en tenant compte de tous les aspects financiers et fiscaux – les dollars qu’il tenait à recevoir (28 millions $ pour quatre ans, pour une moyenne de 7 millions $ alors qu’il en réclamait 8 au CH) même s’il a fait une concession quant au nombre d’années de son contrat.

À long terme, Nick Suzuki et le choix de deuxième ronde ajouté par les Golden Knights au nom de Tomas Tatar permettront peut-être au Canadien de prouver qu’ils ont eu raison de tenir tête à leur ancien capitaine.