Il en faut parfois très peu pour donner naissance à une rumeur. Quelqu'un imagine une situation, lui attribue une certaine valeur et la machine à cancans roule sur le corps de la personne visée comme un rouleau compresseur.

Paraît qu'il y a du grenouillage dans le vestiaire du Canadien. Pas une tentative de putsch contre l'entraîneur. Juste du grenouillage comme il y en a dans la majorité des organisations de sport. C'est bien possible. L'équipe joue plutôt mal depuis quelques semaines, obligeant ainsi l'entraîneur à brasser la soupe. La chaise musicale instaurée par Michel Therrien, visant à lancer des messages qui ne passent pas toujours facilement, a évidemment touché des vétérans. On dit souvent qu'un entraîneur doit avoir de solides arguments pour faire mal paraître ses vétérans. Or, pourquoi ne le ferait-il pas quand certains d'entre eux sont en bonne partie responsables des problèmes de l'équipe?

Ils sont plusieurs à avoir été victimes de son manque de patience et de son mécontentement : Desharnais, Brière, Bourque, Bouillon, Murray, Diaz, Parros et même Subban qui, lui, a été cloué au banc. Quand un mouvement de contestation s'organise au sein d'un groupe d'athlètes, il est forcément du côté des mécontents. Les chanceux, que l'entraîneur ne rappelle jamais à l'ordre, font leur petit bonhomme de chemin sans soulever de vagues.

Revenons sur les noms mentionnés. Je ne crois pas qu'il y ait de la graine de contestataires parmi eux. Bien sûr, il y en a d'autres qui pourraient ne pas apprécier Therrien pour sa façon corsée d'exprimer son autorité. Ces joueurs-là ont des amis qui leur sont solidaires. Ça peut faire des petits, parfois.

Therrien n'a pas beaucoup changé depuis ses débuts juniors. Il a toujours eu la poigne solide. Il a toujours parlé fort. On lui reconnaît des faiblesses sur le plan de la communication avec ses joueurs parce qu'il a tendance à occuper seul toute la place. Cela lui a valu de connaître des ennuis durant son premier stage avec le Canadien et plus tard avec les Penguins de Pittsburgh. Il est possible qu'il soit en train d'agrandir le cercle de ses dénigreurs, mais de là à penser que son poste soit en danger, il ne faudrait pas trop perdre de temps là-dessus.

Le Canadien a terminé la saison écourtée au deuxième rang dans l'Est l'an dernier, malgré une fin de saison misérable et une élimination en première ronde. Il occupe actuellement la quatrième position dans son association, le troisième rang dans sa division, mais sa priorité de neuf points, il y a quelque temps, a fondu à cinq points.

En plein le genre de glissade qui crée des tensions dans la chambre et qui incite certains joueurs à se cacher derrière des excuses. On peut admettre qu'un entraîneur soit controversé quand ça ne tourne pas rond, mais tout le blâme ne peut pas être déposé sur les épaules d'un seul homme. Quand une équipe ne gagne pas, il faut aussi regarder du côté des vrais responsables, les joueurs.

Le Canadien est une formation d'un seul trio. Quand le premier marqueur de l'équipe depuis le début du calendrier est un défenseur, c'est qu'il y a un problème. Comme si cela ne suffisait pas, l'équipe s'appuie aussi sur une passoire à la ligne bleue.

Trois joueurs sont très décevants : Rene Bourque, Daniel Brière et Lars Eller. Pour une raison inconnue, Brandon Prust a perdu de son mordant. On peut aussi se demander si une clause dans le contrat de Travis Moen lui interdit de marquer des buts. Il est peut-être efficace défensivement, mais il a marqué un maigre but tout en étant utilisé à toutes les sauces.

Si ces cinq joueurs connaissaient une saison productive, je ne dis pas une grande saison, juste une bonne campagne, pensez-vous vraiment qu'on serait en train d'évaluer le statut de Michel Therrien en ce moment?

Qu'en pense Marc Bergevin? Je suis pas mal certain qu'il se demande quelle mouche pique les médias au sujet de Therrien. Quand il est entré en poste, il a mentionné qu'il était temps d'instaurer de la stabilité dans le personnel de direction du Canadien. Depuis l'an 2000, le Canadien a eu cinq directeurs généraux et procédé à 10 changements d'entraîneurs. On aura remarqué qu'il n'a rien gagné malgré tous ces changements.

Pensez-vous vraiment que Bergevin, qui a acquis rapidement une belle crédibilité parmi ses pairs, risquerait d'être montré du doigt pour son manque de patience en congédiant, dans un geste de panique, un entraîneur qui n'a pas encore dirigé 100 matchs (98)? Surtout que son propre mandat est loin, très loin, d'être complété. Bergevin est probablement d'avis que Therrien, avec ses qualités et ses défauts, effectue tout un job avec l'équipe qu'il a à sa disposition. Avant le premier match de la saison, il aurait sans doute bien aimé qu'on lui prédise que sa troupe occuperait cette place enviable au classement à la fin de janvier.

Certains soirs, le Canadien ne fait pas le poids contre des adversaires lourds et intimidants. En d'autres occasions, comme ce fut le cas à Pittsburgh mercredi, on a la preuve qu'il n'a tout simplement pas le talent pour rivaliser avec les grandes puissances de la ligue.

Ça, c'est la responsabilité de Bergevin. C'est à lui qu'il appartient de faire du Canadien une organisation supérieure. Un directeur général consciencieux et honnête ne remerciera pas son entraîneur sans lui avoir fourni une véritable occasion de diriger une formation capable de se battre d'égal à égal avec les meilleurs.

En attendant, Therrien devra remplir son propre mandat, celui de relancer des joueurs en panne. Pas une mince tâche, mais personne n'a jamais prétendu que son job est de tout repos. En attendant, stoppez la machine à rumeurs, car Therrien est encore bien en selle.

La nouvelle génération

Les Bulldogs de Hamilton se produiront au Centre Bell le 21 février. La publicité nous invite à aller voir « la prochaine génération » des Canadiens en action.

Pourtant, les réserves sont assez minces merci à Hamilton. Quand Louis Leblanc a été rappelé, il avait marqué un but à ses 13 derniers matchs. A-t-il été rappelé au mérite ou s'il est là parce qu'il n'y en avait pas de meilleurs là-bas?