Le trophée Bill Masterton est l’un des trophées les plus difficiles à attribuer. Année après année, cinq, dix, vingt des candidats présentés par chacune des équipes de la LNH mériteraient le trophée remis au joueur ayant démontré le plus de détermination, de persévérance et d’esprit sportif.

Carey Price l’a reçu vendredi. Quand on considère tout ce que le gardien du Canadien a traversé au fil de la dernière année, ses ennuis de santé tout comme ses ennuis hors glace qui l’ont poussé à réclamer de l’aide pour arriver à les dompter, il est bien difficile de contester sa sélection.

Cela dit, le trophée qui permet à Carey Price de devenir le joueur du Tricolore le plus auréolé d’honneurs individuels différents de l’histoire – trophées Hart, Vézina, Jennings, Ted Lindsay et Masterton – aurait facilement pu se retrouver entre les mains de Zdeno Chara. L’ancien capitaine des Bruins qui, à 44 ans, a été bien plus qu’un géant figurant à la ligne bleue des Islanders de New York la saison dernière a d’ailleurs terminé au deuxième rang. Kevin Hayes des Flyers a terminé troisième.

Je n’ai pas donné mon vote de première place à Carey Price. Le nom du gardien du Canadien n’était d’ailleurs pas sur mon bulletin de vote.

Loin de moi l’intention de minimiser la persévérance affichée par Price au cours de la dernière année. Encore moins de minimiser tout ce qu’il a fait pour le Canadien depuis son arrivée à Montréal.

D’ailleurs, j’ai l’impression que les craintes toujours très présentes quant à la possibilité soit sérieusement menacée, voire compromise par la blessure au genou qui le hante depuis longtemps, ont moussé la candidature de Price cette année.

C’est loin d’être un reproche à l’endroit de ceux et celles qui ont voté pour lui. De fait, si ces collègues ont profité du trophée Bill Masterton pour auréoler la carrière de Price – ça ne remplacera pas une coupe Stanley et un Conn Smythe, mais ça demeure un grand honneur – et lui offrir un cadeau de retraite, je suis bien prêt à accepter cette explication.

D’autant plus que les réponses offertes par Price après l’annonce de sa victoire sont loin d’être rassurantes quant à un retour en force l’automne prochain devant la cage du Canadien.

Son père et son agent à son « dernier » match

Le 29 avril dernier, lors du dernier match de la saison, Price a signé une victoire de 10-2 aux dépens des Panthers de la Floride qui avaient envoyé une équipe C sur la patinoire afin de minimiser les risques de perdre des joueurs de premier plan à l’aube des séries.

Perdues dans la foule du Centre Bell, deux personnes chères au gardien avaient suivi cette partie avec grande attention : son père Jerry et son agent Gerry Johannson qui tenaient tous deux à être témoin de cette partie dans l’éventualité qu’elle puisse être sa toute dernière en carrière.

Si Price a effectivement disputé son dernier match en carrière le 29 avril, il l’aura fait dans le cadre d’une victoire convaincante qui avait permis aux partisans de célébrer la fin d’une saison aussi difficile qu’elle l’a été pour le gardien.

Bien que très heureux pour Price et bien que je comprenne et reconnaisse les motifs qui lui ont permis de gagner, je demeure surpris par sa sélection.

Le fait qu’il n’ait disputé que cinq matchs est un des facteurs qui m’ont incité à regarder ailleurs autour de la ligue pour offrir mes votes.

D’ailleurs, je considérais que la candidature de Price serait bien plus forte l’an prochain après qu’il soit allé défendre la cage du Tricolore 30, 40, 50 fois au cours de la saison.

Le spectre qu’il ne soit pas de retour et le fait que le gardien du Canadien soit plus vénéré encore ailleurs dans la LNH qu’il ne l’est à Montréal expliquent selon moi pourquoi plusieurs collègues du « Rest of the NHL » ont voté pour lui alors que la grande majorité des journalistes de Montréal a visé d’autres cibles.

Attention au chauvinisme

Pourquoi je n’ai pas surfé sur la vague Price cette année?

Premièrement, je trouve toujours difficile de voter pour un joueur dont je couvre les activités au quotidien. Ça peut parfois donner l’impression d’être un vote partisan. Et je tiens à demeurer le plus loin possible de cette impression fort négative.

Il est d’ailleurs intéressant de voir que les journalistes de Montréal sont souvent accusés d’être chauvins quand ils soulignent des éléments positifs chez le Tricolore et que de l’autre côté de la médaille ils sont tout autant accusés de lever le nez sur le CH quand ils n’offrent pas aux partisans les plus fidèles de la Sainte Flanelle une couverture assez élogieuse à leur goût.

D’où l’importance de toujours chercher à trouver le meilleur équilibre et la plus grande objectivité possible.

J’ai donné des votes de première place dans le passé à Saku Koivu et Max Pacioretty dans la course au Bill Masterton. Les motifs étaient clairs. Ils étaient même évidents bien que ces votes dénaturaient un brin la véritable raison d’être du Masterton qui est bien plus que le trophée remis annuellement au joueur ayant effectué le plus beau retour après une blessure sérieuse.

J’ai donné un vote de troisième place à Nick Suzuki l’an dernier dans la course au trophée Calder.

Je n’ai pas voté pour Price cette année. Comme je l’écrivais plus haut, il aurait certainement reçu un de mes trois votes l’an prochain après une saison complète avec le Tricolore.

Qui sait? Il le recevra peut-être, car si Price dispute une saison de 50 matchs l’an prochain, cela représentera un exploit bien plus grand que celui pour lequel il a été récompensé vendredi.

Killorn, Duclair, Getzlaf

Cette année, je considérais que d’autres candidatures méritaient davantage de considérations.

J’ai préféré Alex Killorn, du Lightning de Tampa Bay, Anthony Duclair, des Panthers de la Floride et Ryan Getzlaf des Ducks d’Anaheim au gardien du Canadien.

Pourquoi?

Killorn représente à mes yeux le parfait joueur de soutien qui se donne corps et âme match après match, à la cause de son équipe. La valeur d’un Killorn ne se mesure pas en buts et en passes. Elle se mesure en sacrifices multipliés sur la patinoire pour le bien de ses coéquipiers.

Le Lightning a gagné deux coupes Stanley de suite et pourrait en soulever une troisième consécutive parce qu’il compte sur des joueurs de grands talents. C’est indéniable. Mais il ne faudrait pas non plus lever le nez sur la contribution d’Alex Killorn et des autres joueurs de soutien qui, comme lui, font des « Bolts » une si grande équipe.

D’ailleurs, quand on se demande pourquoi les Hurricanes de la Caroline, les Panthers de la Floride, les Flames de Calgary et les autres très bonnes équipes du circuit qui n’arrivent pas à s’imposer en séries comme ils le font en saison régulière, la réponse est très souvent parce qu’il manque un Killorn au sein de leur formation.

Killorn est synonyme de dévouement pour son sport et pour son équipe. Des valeurs chères à Bill Masterton qui, est-il besoin de le rappeler, a donné son nom à ce trophée, car il est le seul joueur de l’histoire de la LNH à être décédé des suites d’une blessure subie lors d’un match.

Duclair?

La persévérance affichée par le Québécois au fil d’une carrière marquée de bien plus de bas que de hauts m’a incité à lui donner mon vote de deuxième place. Qui donc peut avoir oublié la sortie vitriolique de son ancien coach John Tortorella qui avait ouvertement lancé, avant un duel Blue Jackets – Canadien, au Centre Bell, ne pas être convaincu que le Québécois savait jouer au hockey, voire qu’il était intéressé à apprendre à jouer au hockey ou à faire les sacrifices nécessaires pour se faire une niche dans la LNH.

Après cet épisode dont plusieurs joueurs auraient été incapables de se remettre, après des escales qui sont loin d’avoir été auréolées de succès à New York, en Arizona, à Chicago, à Columbus et à Ottawa, Duclair s’est finalement fait une vraie place dans la LNH avec les Panthers de la Floride.

Cet exemple de détermination et de persévérance méritait un vote à mes yeux.

Son implication dans la campagne visant à mettre un frein au racisme dans le hockey a aussi pesé dans ma sélection.

Dans le cas de Getzlaf, il a obtenu mon vote après une longue semaine au cours de laquelle j’hésitais entre auréoler la carrière du capitaine des Ducks, ou celle de Chara.

J’ai opté pour Getzlaf. Plusieurs de mes collègues ont préféré Chara.

Et quand vous faites le tour des votes, vous réalisez vite que plusieurs joueurs moins connus, qui n’ont pas la réputation des Price, Chara et autres vedettes de la LNH, mais qui cachent des histoires sensationnelles témoignant leur courage, leur détermination et leur persévérance ont obtenu des votes eux aussi.

Et c’est tant mieux.

Car cela démontre que dans chacune des 32 équipes de la LNH se cachent des joueurs intéressants, associés à des histoires plus intéressantes encore, méritent l’attention du public et des journalistes dont les votes déterminent les résultats de la course au trophée Bill Masterton. Mais encore faut-il se donner la peine de les étudier au lieu de simplement s’accrocher à la candidature du joueur de l’équipe qu’on vénère ou pour laquelle on travaille...