MONTRÉAL – En devenant entraîneur dans l’ECHL, Éric Bélanger savait qu’il s’embarquait dans une aventure différente de celle de la LNH, mais il n’avait pas prévu vivre une scène digne du film La cloche et l’idiot

Dès que l’écran Zoom s’allume, on constate que Bélanger n’a pas repris toutes ses forces. Déclaré positif à la COVID-19, le 2 janvier, Bélanger n’a heureusement rien perdu de sa verve et de son franc-parler. 

Le récit rocambolesque des Lions s’est entamé au retour de la pause de Noël alors que trois joueurs sont revenus avec des tests positifs. Par après, ce fut au tour du directeur général Marc-André Bergeron et de l’entraîneur adjoint Pascal Rhéaume d’écoper. Ça s’est poursuivi avec un autre joueur. 

Vous avez raison, ça n’a rien à voir avec le Canadien comme éclosion, mais attendez la suite.  

« Le 30 décembre, on a quitté pour notre partie du 31 dans le Maine. On n’aurait jamais dû partir, mais c’est un autre débat... », lance d’abord Bélanger en visant la décision de l’ECHL. 

Privés d’une option plus sage, les Lions ont disputé ce match et ils ont repris la route, en autobus, le 1er janvier, en vue de leur rencontre du lendemain face au Thunder d’Adirondack et c’est ici que tout a dérapé. 

Plusieurs joueurs ressentaient des symptômes et Bélanger leur a refilé des tests rapides et les résultats positifs n’ont pas tardé à lui revenir. Déjà affaibli par une sinusite, l’entraîneur se sentait encore moins bien. Le test rapide a confirmé le pire et idem pour son entraîneur des gardiens, Alex Cousineau. Au bilan, neuf joueurs et les deux entraîneurs ont été déclarés positifs à la COVID-19. 

« Le match a été annulé, ç’aura pris 11 cas positifs pour que ça se fasse... », a noté au passage celui qui a été frappé plus fort qu’il avait pu le prévoir. 

« C’est sûr que je n’étais pas d’accord (pour ce voyage de matchs aux États-Unis). Comme entraîneur, ma priorité demeure que mes joueurs soient en sécurité et, à ce moment-là, je ne sentais pas que nous l’étions », a-t-il expliqué. 

L’autre problème était celui de revenir en sol canadien. Les joueurs qui ont eu des tests négatifs ont pu retourner en autobus avec le chauffeur, mais Bélanger et son adjoint ont dû multiplier les démarches auprès des agences de location d’autos et même de véhicules récréatifs. 

« Alex a finalement trouvé une succursale U-Haul qui avait 6 camions de 14 pieds et c’est la façon avec laquelle on a été capable de ramener les 11 personnes positives au Canada. C’était Dumb and Dumber dans le U-Haul pour revenir au Canada », a raconté Bélanger qui préfère aborder le tout avec humour alors qu'il mime de conduire le gros volant du véhicule des acteurs Jim Carrey et Jeff Daniels. 

Par la force des choses, les dirigeants des Lions ont scindé l’équipe en deux groupes – un géré par Rhéaume et l’autre éventuellement par Bélanger - en vue de leur reprise des activités, prévue le 21 janvier, à la suite de la pause obligatoire du Match des étoiles qui n’a pas été annulé jusqu’ici. À partir du 12 ou du 13 janvier, le club devrait être réuni à l’entraînement. 

Le travail de reconstruction avec Hillis

Si les Lions ont été touchés de plein fouet par la COVID-19, la pandémie n’a pas que provoqué de mauvaises nouvelles pour l’organisation de Trois-Rivières. L’effet domino, qui s’est amorcé chez le Canadien, a permis à l’attaquant Cam Hillis de disputer son premier match dans LNH. 

Cam HillisMême si le contexte demeure très particulier, Hillis et les membres des Lions ont savouré le tout. 

« On était tous très fiers et on a regardé quelques-unes de ses présences contre les Panthers. Les gars étaient contents, ils nous agaçaient en disant que c’était à cause des entraîneurs. Mais, honnêtement, Pascal a fait un superbe travail avec lui. Il passait beaucoup de temps supplémentaire avant et après les pratiques avec lui », a témoigné Bélanger. 

Dire que Hillis, un choix de troisième ronde du Tricolore en 2018, était détruit à son arrivée à Trois-Rivières. 

« Je vais rappeler toute ma vie de ma première rencontre avec lui. Il était sur le bord des larmes, il n’avait plus de confiance, il se demandait où il s’en allait. Avec Pascal et le groupe d’entraîneurs, on a eu à le reconstruire. Il a été très réceptif, on faisait une séance vidéo avec lui pour chacun de ses matchs et je lui montrais des choses éducatives », a confié Bélanger en vantant les efforts du hockeyeur de 21 ans. 

Ce phénomène s’est multiplié dans l’ECHL cette saison. Autour de 20 joueurs qui sont passés par ce circuit ont joué leur premier match dans la LNH en 2021-2022. Encore une fois, aucun joueur n’est dupe quant au contexte derrière cette réussite, mais Bélanger confirme que « c’est sûr que ça inspire les gars ». 

Inévitablement, les rappels ont provoqué un immense roulement chez les Lions. À son dernier décompte, Bélanger a calculé avoir employé 42 joueurs cette saison. L’organisation a été sauvée par les joueurs de la Ligue nord-américaine de hockey qui est en pause. 

« Sans eux, je ne sais pas comment on aurait fait. À notre match du 31 décembre, dans le Maine, on avait huit de ces joueurs », a avoué Bélanger qui devait regarder la feuille de sa formation pour ne pas se tromper dans les noms et les numéros de ses joueurs durant cette partie. 

Le hockey universitaire, également en pause, s’est ajouté à la liste de ressources (dont Thomas Éthier avec les Lions). Cependant, un règlement, que Bélanger juge ridicule, complique cette avenue. Le 1er janvier, les joueurs universitaires doivent décider s’ils demeurent dans les rangs universitaires sinon ils perdent une année d’admissibilité alors que les joueurs sont impatients de jouer. 

Lors des prochaines semaines, les Lions referont le plein de joueurs, mais leur calendrier sera extrêmement chargé. Bélanger pense que d’autres de leurs matchs pourraient être annulés. 

Pour l’instant, ce tourbillon est loin d’avoir affaibli les Lions. L’équipe d’expansion se situe même au deuxième rang de sa division derrière les puissants Growlers de Terre-Neuve. Bélanger ne peut s’empêcher d’être très fier de sa troupe et il sortira, lui aussi, plus fort de ces épreuves.  

« Ç’a été difficile au début. Je pense que je suis arrivé avec une philosophie probablement différente avec peut-être un peu plus de rigueur de ce que les gars de l’ECHL sont habitués. Je n’allais pas lâcher le morceau et le groupe de vétérans a embarqué là-dedans. Tout le monde a suivi ensuite et on a commencé à avoir du succès. De la façon dont on a réagi face à cette tourmente, ça me rend fier d’être l’entraîneur de cette équipe », a mentionné Bélanger. 

L’entraîneur qui a connu une carrière de 820 matchs dans la LNH n’aime pas trop nommer les joueurs qui ont été les plus impressionnants, puisque le succès repose sur l’identité du club, mais il ne peut éviter d’encenser Peter Abbandonato, Anthony Nellis, Cédric Montminy, Mathieu Brodeur, Olivier Galipeau, Charles-David Beaudoin, Justin Ducharme et Olivier Archambault.