Il avait beau être persuadé d’avoir fait le choix sensé, Maxim Noreau savait que sa décision n'allait pas faire que des heureux.

À titre comparatif, imaginez qu'un joueur du Canadien annonce, au beau milieu du mois de février, avec une trentaine de matchs à jouer, son intention de lever les feutres pour Boston l’automne suivant.

Alors qu'il jouait la dernière année du pacte de deux saisons qu'il avait paraphé avec le SC Berne, en Ligue nationale A suisse (LNA), Noreau a détecté dans ses interactions avec les dirigeants de l’équipe qu’une prolongation de contrat ne constituait pas un dossier prioritaire.

Dans un circuit où les règles stipulent qu’on ne peut habiller que quatre joueurs provenant de pays étrangers, Berne avait déjà fait le choix de consacrer les places disponibles à des joueurs d’avant, dont celles qu’elle allait réserver aux deux meilleurs pointeurs de l’équipe, le Canadien Andrew Ebbett et l’Américain Mark Arcobello.

« Ils font ça dans le but de protéger le talent suisse, de s’assurer qu’il en reste dans les clubs, et que les joueurs se développent bien pour ensuite représenter l’équipe nationale », précise le défenseur droitier de 31 ans.

Quelques équipes phares de la première ligue suisse – avec Berne à l’avant-plan – ont cependant les poches assez profondes pour compter cinq patineurs étrangers dans leur effectif, même si cela oblige l’entraîneur à en laisser un de côté.

Noreau avait d’ailleurs été victime de ce stratagème à quelques reprises durant la campagne 2016-2017.

« À ma première année à Berne, je me suis blessé tôt durant le premier tour, et lorsque j’ai retrouvé la santé, on m’a laissé de côté pour huit des neuf derniers matchs des séries. On avait remporté le championnat et j’avais dû me joindre aux célébrations sur la glace en jeans. Évidemment, j’aimais ce groupe de joueurs et j’étais content de la victoire, mais j’ai ma fierté et j’aurais aimé contribuer davantage. »

Voyant un contexte semblable potentiellement se reproduire, Noreau a su qu’il devait explorer d’autres avenues pour la saison 2018-2019. Il s’y plaisait beaucoup en Suisse, sa terre d’accueil pendant cinq saisons (entrecoupées par un retour de deux ans en Amérique du Nord), et l’idée d’y terminer sa carrière continuait de germer dans son esprit. Il savait également qu’il voulait se joindre à une équipe compétitive.

L’appel de Zurich

C’est alors que les éternels rivaux de la formation bernoise, les Lions de Zurich, ont manifesté leur intérêt envers Noreau. Quelques semaines plus tard, l’équipe qui jouit d’un prestige considérable en Europe confirmait le sérieux de sa démarche en lui soumettant une offre de deux ans.

Il faut préciser que le fonctionnement en Ligue nationale A relativement à la signature de contrats revêt un élément plutôt curieux : durant le calendrier régulier, les équipes ont le loisir de soumettre à leur gré des offres contractuelles à des patineurs en vue des saisons suivantes. Une tradition bien ancrée dans l’histoire de la ligue et à laquelle gérants, joueurs et partisans adhèrent.

« C’est une dynamique assez spéciale, convient l’arrière au puissant tir frappé. Le moindrement que tu connais une bonne première portion de calendrier, ton agent va probablement recevoir quelques coups de téléphone de la part de formations intéressées à tes services. »

Non seulement les clubs suisses préconisent-ils l’approche agressive afin d’attirer dans leurs rangs les joueurs ciblés, mais il leur arrive aussi fréquemment de présenter publiquement leurs prises à la mi-saison, question de titiller leurs supporters en vue de la prochaine campagne.

Maxim Noreau« Dans un cas comme le mien, de quitter Berne, qui menait au classement au moment où j’ai signé avec Zurich, ça peut donner lieu à une situation délicate. Il y a une rivalité assez animée et de longue date entre les partisans des deux équipes. Heureusement, les Lions ont patienté jusqu’en mars avant de rendre ma signature publique. »

L’ironie du sort a voulu que le SC Berne se fasse ensuite barrer le chemin par... ces mêmes Lions de Zurich lors des demi-finales du championnat.

L'effet Aubin

Déjà intrigué par la possibilité de se joindre à une équipe au riche passé et par la perspective de s’y installer avec sa famille – sa femme et lui sont parents d’un garçon de quatre ans –, Noreau a vu sa curiosité être piquée encore davantage lorsqu’il a eu l’occasion de discuter avec une autre prise québécoise des Lions : l’entraîneur-chef Serge Aubin, qui prendra la barre des Lions après avoir fait la pluie et le beau temps dans le championnat d’Autriche.

« Je voulais être certain avant de signer que ce n’était pas seulement la décision du DG, mais que c’était aussi souhaité par l’instructeur. Ç’a été une révélation quand j’ai parlé avec Serge. Il est un entraîneur qui respecte ses joueurs et un excellent communicateur. »

Maintenant qu’a été confirmé le retour du vétéran défenseur Kevin Klein, ancien des Predators de Nashville et des Rangers de New York dans la formation de Zurich, les champions en titre sont confiants d’avoir solidifié leur ligne bleue en vue de la campagne 2018-2019.

Seul bémol : tout comme à Berne, il y a de fortes chances que le groupe dirigé par Aubin totalise un joueur importé de plus que la limite permise. Noreau croit cependant que la personnalité de l’Abitibien permettra de rendre cette situation plus conviviale pour toutes les parties impliquées. Après tout, le coaching dans le sport professionnel, c’est aussi de la gestion d’egos.

« À Berne, on était coachés par un Finlandais (Kari Jalonen) au style plus direct. Ça laissait plus de place aux malentendus, évalue Noreau. Et au final, nous sommes tous humains, et par moments la confiance peut être fragile. Mais avec les habiletés de communicateur de Serge Aubin, je n’ai pas trop d’inquiétudes », soutient celui qui est de retour dans la grande région métropolitaine pour y passer la période estivale.

PyeongChang et une année complètement folle

D’affirmer que la dernière année a été la plus exigeante et la plus enivrante de la carrière de Maxim Noreau dans le hockey ne relève certainement pas de l’exagération.

L’élément déclencheur est survenu lorsque l’ancien des Tigres de Victoriaville a reçu un appel de Sean Burke, qui avait reçu le mandat d’assembler la formation canadienne qui allait représenter la nation aux Jeux olympiques de PyeongChang en l’absence des joueurs de la LNH.

« À partir de ce moment, ç’a été quelques mois très remplis. Je pense que j’ai participé à tous les divers matchs d’évaluation et tournois préparatoires. Est-ce que c’était parce qu’Équipe Canada n’avait pas encore statué à mon endroit ou qu’on voulait me vouloir jouer dans plusieurs situations? C’est sûrement un peu de tout ça », suggère-t-il en souriant.

Alors que c’eut été inconcevable quelques mois auparavant, Noreau a reçu le 11 janvier la confirmation qu’il allait jouer pour un podium olympique en Corée du Sud.

« Je ne peux pas faire comme si c’était un de mes rêves, parce que ça ne m’avait jamais vraiment effleuré l’esprit que je puisse me retrouver là! Et mes parents non plus d’ailleurs, j’en suis certain », confie-t-il avec franchise. Mais une fois là-bas, j’ai ressenti tellement de fierté de jouer pour mon pays. En plus, j’ai pu le faire devant mes proches – famille comme amis – qui s’étaient déplacés pour ces deux semaines de compétition.

Noreau a rendu de fiers services à l’unifolié, particulièrement en raison de ses habiletés offensives, terminant le tournoi avec une récolte de six points en sept parties. Il a notamment inscrit l'unique but d'une victoire de 1-0 aux dépens de la Finlande, laquelle envoyait le Canada dans le carré d'as.

Tout compte fait, le compteur aura arrêté de tourner au-delà de la centaine de rencontres à la conclusion de cette saison mouvementée, soit le double du nombre auquel l’arrière montréalais était habitué durant ses récentes campagnes en Suisse.

« En plus du calendrier en ligue suisse, de la Coupe Spengler et des JO, j’ai aussi fait un bon bout de chemin avec Berne dans une compétition qui est l’équivalent de la Ligue des champions du hockey en Europe. Je me rappelle d’un déplacement en Finlande. Tandis que mon club rentrait à la maison, je partais seul de mon côté vers Moscou pour rejoindre Équipe Canada. Bref, avec tout le voyagement que ça demandait, j’ai accumulé beaucoup de fatigue physique. Mon niveau d’énergie et de concentration s’en est ressenti vers la fin. Mais à vrai dire, mon objectif était de peaker au bon moment, et je pense que j’ai réussi à le faire durant les Jeux », clarifie le médaillé de bronze.

Que les joueurs de la LNH y soient ou non, les attentes fondées en l’équipe canadienne de hockey seront toujours les mêmes, c’est-à-dire de terminer sur la plus haute marche du podium. Noreau et ses coéquipiers étaient conscients de cette pression de ramener l’or au pays, et c’est sans surprise que la défaite encaissée en demi-finale face aux Allemands a causé beaucoup de déception au sein du groupe.

« C’est là qu’il devient important d’avoir de bons meneurs qui vont rallier le groupe et s’assurer que la concentration de tout le monde y soit. L'un d’eux a été Chris Kelly. Il a été un grand leader de notre équipe. Il l’a bien dit après notre victoire dans le match du bronze : on va être frères pour la vie après avoir partagé une expérience comme celle-là. Il y avait plusieurs gars parmi ce groupe que je ne connaissais pas et qui sont devenus de bons amis. Je pense à Marc-André Gragnani. On vient d’un background très semblable et on a le même âge. Pourtant, nos parcours ne s’étaient jamais croisés. Maintenant on a partagé une expérience olympique ensemble », raconte-il avec satisfaction.

Plus le temps pour les regrets et la frustration

Cette euphorie olympique se veut une formidable consolation pour un défenseur qui, inexplicablement, n’a jamais été récompensé par une équipe du circuit Bettman pour son excellente production dans les rangs mineurs, à l’exception d’un stage de six parties avec le Wild du Minnesota, entre 2009 et 2011.

Il assure que l’époque où la frustration l’habitait d’être ainsi boudé par une trentaine de directeurs généraux est révolue. Plutôt que de cultiver une amertume à l’égard de son passage dans l’organisation de l’Avalanche du Colorado lors des saisons 2014-2015 et 2015-2016 – qui étrangement n’a jamais mené à un rappel malgré des récoltes de 30 points en 39 matchs et de 45 points en 64 rencontres –, Noreau préfère se réjouir de la stabilité dont il bénéficie sur le continent européen depuis qu’il y est retourné.

« Il y a eu une courte période au retour des Jeux où je me suis demandé si la patience n’était pas mieux que de tout de suite m’entendre avec Zurich, admet-il. Tu te poses toujours ce genre de question parce que la LNH, c’est le summum. J’avais bien joué (à PyeongChang) après tout. Mais en même temps, je suis rendu à un moment de ma carrière où l’attente, c’est fini pour moi. Je me contente de ce que j’ai, et j’ai bien hâte à ma prochaine aventure », insiste celui qui se donne durant l’été le mandat d’enseigner aux jeunes hockeyeurs l’importance de la préparation hors glace dans le cadre de son investissement dans le centre d’entraînement XPN, situé à Longueuil.

« Je suis content d’être embarqué dans ce projet avec le naturopathe et préparateur physique Jean-François Gaudreau. Il y a aussi l’ancien combattant Patrick Côté qui s’occupe de la section arts martiaux mixtes de notre gymnase. Je suis rendu dans la trentaine et je suis chanceux que Jean-François puisse m’aider à prolonger de quelques années ma carrière de hockeyeur avec ses précieux conseils sur l’entraînement et l’alimentation. Lui et moi, on croit pouvoir aider la nouvelle génération de jeunes hockeyeurs à développer de bonnes habitudes », conclut-il.