Les amateurs de hockey sont toujours aussi scandalisés de la nouvelle de lundi passé. Le boycottage des Jeux olympiques par la LNH est qualifié de catastrophe par plusieurs analystes. Après 5 présences aux Olympiades, le public a déjà oublié que ce tournoi a été le théâtre de merveilleux matchs avant 1998.

Avant l’écroulement du mur de Berlin, c’est aux Jeux olympiques que le public nord-américain a pu faire connaissance avec les vedettes tchécoslovaques et soviétiques. Un des matchs les plus célébrés de l’histoire des États-Unis s’est d’ailleurs déroulé aux Jeux olympiques. Le miracle sur glace de 1980 n’aurait pas eu la même saveur avec les joueurs de la LNH à Lake Placid.

Les Jeux olympiques ne sont toutefois plus les mêmes aujourd’hui. Indépendamment des dires de Garry Bettman, ce tournoi demeure le plus télévisé et le plus prestigieux de la planète. La Coupe Stanley est inconnue en Asie et en Afrique, mais la médaille d’or olympique est universelle. Son prestige outrepasse le sport dans lequel elle a été gagnée.

La Ligue continentale de hockey (KHL) l’a bien compris. À titre d’organisation membre de l’IIHF, le circuit eurasien libère automatiquement ses joueurs et il ajuste son calendrier en vue des jeux. Pour ses dirigeants, la décision de la LNH est surréaliste. L’ancien président de la ligue, Alexander Medvedev, s’est d’ailleurs emporté lors d’un entretien avec R-Sports.

« La LNH se prend pour le nombril du monde. Vous connaissez l’expression “avoir un cœur de hockeyeur”? Il semble qu’on a besoin d’en transplanter un à Gary Bettman. Dans ses veines, il n’y a aucun amour pour le hockey. Il n’y a seulement que celui de l’argent! »

Il ne faut toutefois pas croire que les dirigeants de la KHL pleurent comme des Madeleine. En vérité, la ligue sera la première à profiter de l’absence des joueurs de la LNH aux Olympiques. La Ligue continentale défend elle aussi ses propres intérêts. Son attitude conciliante envers les Jeux risque de lui rapporter beaucoup. Moins explicite, cette autre déclaration d’Alexander Medvedev à R-Sports en dit long.

« Le calibre ne sera peut-être pas aussi élevé sans les joueurs de la LNH, mais les Olympiques demeureront la compétition ultime dans le monde du hockey. La LNH ne s’est pas seulement exclue des Jeux en Corée en prenant cette décision. Elle s’est aussi sortie de la Chine. »

La KHL vise le marché asiatique depuis sa fondation. Ses ambitions ont souvent été ridiculisées, mais elles se sont concrétisées avec la création du premier club chinois dans les ligues majeures. Le développement du Kunlun Red Star est plutôt rocambolesque, mais le club a tout de même défié les pronostiques. Qualifié de « bluff » dans certains médias, le club de Pékin a bien joué sa saison et les dirigeants de la KHL parlent déjà d’en créer un deuxième, comme l’a expliqué Medvedev à Daria Tuboltseva de Championat.com en janvier dernier.

Rudi Ying« Sous peu, nous ajouterons un second club chinois, ainsi qu’un club coréen. C’est les plans que nous avons pour notre division Pacifique. »

Kunlun Red Star n’est pas le seul signe avant-coureur de ces développements. Dans la dernière année, la KHL a marqué des points chez les commanditaires asiatiques. Le géant chinois des électroménagers, Haier, a signé une entente de 3 saisons avec le circuit eurasien en janvier 2016. Cette année, la compagnie de pneus coréenne Hankook a aussi joint la famille de la KHL pour une période de 3 ans.

La ligue a donc désespérément besoin de visibilité dans les pays asiatiques. Les Jeux olympiques de Pyeongchang lui offrent sur un plateau d’argent. La Corée n’est pas la Chine, mais il y a seulement 1 heure de différence entre les 2 pays. Il n’y a aussi que 2 heures de vol entre Pékin et Séoul. La capitale de la République populaire de Chine n’est toutefois pas la seule source de partisans pour la KHL. Historiquement, le hockey a toujours été populaire dans les régions du Heilongjiang, du Liaoning et du Jilin situées dans le nord-est du pays.

Moins connues, les villes de cette région représentent des marchés impressionnants. À moins de 2 heures de vol de Séoul, on trouve les 10,6 millions d’âmes de la capitale de la région du Heilongjiang nommée Harbin. Il y en a aussi 5,3 millions à Qiqihar. La région compte en tout 38 millions de personnes. La province du Liaoning offre aussi un potentiel de 44 millions d’âmes. Sa capitale, Changchun, a, à elle seule, 7 millions de citoyens. La province du Jilin ferme la marche avec quelque 23 millions d’habitants, dont 8 millions demeurent à Shenyang.

Hongru XieUn pourcentage non négligeable de ces 105 millions de Chinois du Nord-Est regardera les prochains Jeux olympiques à la télévision même s’ils se déroulent en Corée du Sud. Grâce à Garry Bettman et les propriétaires de la LNH, cette population s’initiera au hockey des ligues majeures grâce à la Ligue continentale de hockey (KHL).

Un outil pour garder et attirer des joueurs

La décision de la LNH n’a pas seulement scandalisé les amateurs de hockey. La majorité des joueurs russes du circuit Bettman sont dégoûtés. Alexander Ovechkin a déjà menacé de faire comme Ilya Kovalchuk pour s’assurer d’une place à Pyeongchang. C’est certainement lié à l’ouverture d’esprit des propriétaires des Capitals.

Il ne faut toutefois pas s’attendre à un exil massif des vedettes russes déjà sous contrat. Les joueurs autonomes pourraient toutefois profiter de leur liberté pour s’envoler vers l’Est. Plusieurs dirigeants de la Fédération russe se sont déjà ouvertement prononcés à ce propos. Les propos d’Arkadi Rotenberg ont déjà été rapportés par la presse occidentale. De leur côté, les dirigeants des clubs ne se gênent pas pour nommer des noms. Igor Esmantovich, du Club de l’Armée rouge, a déjà soumis sa liste à Championat.com lundi dernier.

« Ce serait merveilleux de ramener Roman Lyubimov, Nikita Zaytsev, Alexey Marcheko et Mikhail Grigorenko. Nous allons tout faire pour les ramener à la maison. »

L’Armée rouge aurait aussi Nikita Zadorov dans sa mire. Cette fois-ci, la confirmation vient de son agent Alexander Tyshnykh. Ce dernier en a parlé à l’agence de presse russe TASS mardi passé.

« Le CSKA veut absolument ramener Nikita en Russie. Cela dit, pour l’instant, nous négocions avec le Colorado. Nous voulons obtenir une entente à long terme avec l’équipe. »

Roman LyubimovLes agents ont le beau jeu dans cette affaire. Offrir aux Russes des contrats d’une ou deux saisons risque de faciliter la tâche de la KHL. Les clubs de la LNH risquent toutefois de s’ajuster en ce sens. La KHL risque toutefois d’avoir plus de succès à prolonger la présence en Russie de certains de ses jeunes joueurs. Plusieurs agents russes ont déjà parlé de cette possibilité aux médias. Chumi Babaev est l’un d’entre eux. Il a été explicite dans son entretien avec R-Sports.

« Maxim Shalunov, Sergey Shumakov, Anton Burdasov et 5 à 6 autres de mes clients veulent absolument aller aux Jeux olympiques. Ils ont de bonnes chances d’y jouer et ils comprennent que ces chances disparaîtront en allant en Amérique du Nord. »

La déclaration la plus étonnante vient toutefois du puissant agent Yurin Nikolaev. L’homme au service d’Ilya Kovalchuk s’est exprimé ainsi à Championat.com.

« Plusieurs joueurs canadiens et américains pourraient atterrir dans la KHL. Plusieurs excellents sportifs veulent réellement participer aux Jeux olympiques. Les équipes canadiennes et américaines à Pyeongchang ne seront peut-être pas aussi faibles qu’on le croit. Il n’y a pas que l’argent dans la vie. Je crois que la prochaine saison de la KHL va être très intéressante. »

Quels sont les joueurs auxquels fait référence Nikolaev? Le puissant agent est connu pour avoir d’excellents partenaires parmi ses collègues de la LNH. Le premier de juillet nous réserve peut-être des surprises!