Yzerman explique ses sélections

Les décideurs d'Équipe Canada ont réuni un contingent d'athlètes représentant la crème du hockey canadien. Il ne leur reste plus maintenant qu'à en faire une grande équipe. Ce qui ne sera pas une mince affaire.

Toute la pression repose maintenant sur les épaules de l'architecte de la formation, Steve Yzerman. Même si toutes les décisions ont été prises en comité, la responsabilité du résultat final est la sienne à titre de leader d'un groupe d'hommes de hockey dont la compétence ne peut être mise en doute.

Yzerman affronte déjà ses premières critiques. Rien de plus normal quand quelques-unes des plus grandes vedettes de la Ligue nationale ont été boudées. « Boudées » n'est peut-être pas le terme juste quand on apprend que la conclusion de toutes ces consultations est survenue vers 1 h du matin, à 10 heures seulement du dévoilement de l'équipe chargée de répéter l'exploit de Vancouver.

En raison de la saison exceptionnelle qu'il connaît et de sa proximité avec Yzerman, il n'y a aucun doute que le grand oublié de cette sélection très attendue est Martin St-Louis qui, à 38 ans, s'est retrouvé au cours des dernières semaines dans l'obligation d'en donner encore davantage au Lightning de Tampa Bay quand Steve Stamkos s'est fracturé une jambe alors qu'il était le joueur numéro un de la ligue devant Sidney Crosby.

Si le Lightning ne s'est pas effondré et s'il se retrouve actuellement au quatrième rang dans l'Est, c'est en grande partie grâce au leadership exercé par St-Louis qui, malgré son âge avancé, ne démontre aucun signe de ralentissement. En jouant du hockey inspiré, tout en réussissant à convaincre ses coéquipiers que l'énorme perte de Stamkos ne signifiait pas la fin de la saison, St-Louis a contribué à sauver les fesses d'un directeur général qui l'a ignoré pour la seconde fois en quatre ans.

Comment Yzerman peut-il logiquement regarder St-Louis droit dans les yeux en lui disant à quel point il a besoin de lui pour que l'organisation termine la saison avec le brio qui a caractérisé sa saison jusqu'ici? St-Louis ne l'avouera jamais, mais il se sent sans doute un peu trahi en ce moment. Il n'y a rien qu'il n'a pas accompli pour cette organisation. Cette participation aux Jeux olympiques aurait été l'événement qui lui aurait permis de clôturer une carrière que personne n'aurait osé imaginer aussi glorieuse. C'est toute une gifle qu'il vient de recevoir.

Équipe Canada compte 14 attaquants, 2 de plus que les 12 joueurs qui seront utilisés chaque soir par l'entraîneur Mike Babcock. Difficile d'imaginer qu'on n'ait pu trouver une place pour St-Louis, même dans un rôle potentiel de réserviste. On dira sans doute que la carrure physique de Patrick Marleau, de Jeff Carter et de Rick Nash, qu'on n'attendaient pas, l'a défavorisé, mais quand un joueur de petite taille transporte sa propre formation quasi à lui seul, il a sûrement tout ce qu'il faut pour être à la hauteur dans une formation aussi talentueuse que celle qui représentera le pays à Sotchi.

Qui, mis à part peut-être Sidney Crosby, joue plus le couteau entre les dents que lui dans cette ligue? Combien de joueurs parmi ceux qu'on a retenus bataillent avec plus d'intensité que lui, soir après soir?

Comme on s'y attendait, on a favorisé des duos afin de pouvoir créer rapidement une homogénéité au sein de l'équipe. Une bonne décision quand on considère qu'on profitera peut-être de deux entraînements et d'une séance de patinage du matin avant le premier match. Il serait quasi impossible de créer rapidement une chimie au sein d'un groupe d'athlètes préconisant presque tous des styles différents si on ne jumelait pas des joueurs qui se connaissent déjà parfaitement.

Quatre duos possibles avaient été identifiés : Crosby et Kunitz, Perry et Getzlaf, Toews et Sharp, Stamkos et St-Louis. Curieusement, seul l'explosif duo du Lightning n'a pas été retenu. Avait-on des doutes sur le degré de rétablissement de Stamkos? Craignait-on que St-Louis soit moins efficace si jamais cette machine à marquer des buts n'évoluait pas à ses côtés aux Olympiques? Yzerman est celui qui pourrait nous éclairer sur cette question, mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'il fournisse la vraie raison de son ingrate décision. Ne reste plus qu'à lui souhaiter bonne chance dans sa relation future avec St-Louis.

Luongo ou Price?

Il ne faut pas croire que la direction de l'équipe est au bout de ses peines avec les décisions difficiles qui devront être prises avant le premier jour du tournoi olympique.

Roberto LuongoIl existe maintenant une telle parité entre trois ou quatre nations que la médaille d'or pourrait être remportée par celle dont le gardien de but sera le plus efficace. Ne nous pétons pas les bretelles trop hâtivement. Le trio du Canada formé de Roberto Luongo, Carey Price et Mike Smith n'est pas nécessairement le plus talentueux de la compétition. La Suède, qui sera un adversaire coriace, sera appuyée dans les buts par Henrik Lundqvist, qui peut être intraitable par moment. La Finlande, de plus en plus menaçante, sera difficile à vaincre si Tuukka Rask ressemble au gardien qui a mené les Bruins à un match près de la coupe Stanley, le printemps dernier. Et les États-Unis, qui ont perdu en finale contre le Canada à Vancouver, ne seront pas piqués des vers avec Jonathan Quick et Ryan Miller.

Tout cela pour dire qu'on n'aura pas droit à l'erreur en tranchant entre Luongo et Price quand viendra l'heure de viser la marche la plus haute sur le podium.

Parce que Luongo a gagné l'or à la dernière occasion et parce que Price n'a aucune expérience des Jeux, on fera sans doute appel au gardien des Canucks lors du premier match préliminaire contre la Norvège. Price pourrait disputer le second match préliminaire contre l'Autriche. Le plus brillant des deux pourrait être appelé à affronter la Finlande, là où pourrait se prendre la décision finale sur l'identité du gardien pour le reste du tournoi. Comme on l'a vu dans le passé, ce n'est pas toujours le gardien numéro un qu'on avait en tête qui a hérité de ce statut dans les moments cruciaux.

Subban : une bonne chose de réglée

La sélection de P.K. Subban a soulagé beaucoup de monde au Québec, à commencer peut-être par la direction du Canadien qui, certains jours, considérait peut-être comme une source de distraction la grande incertitude régnant autour de cette question. Libéré de ce poids, Subban n'a plus aucune excuse pour ne pas se concentrer pleinement sur ce qu'on attend de lui chez le Canadien.

Pourtant l'instant, on présente Subban comme un septième ou un huitième défenseur, mais il faut s'attendre à ce qu'il gravisse lui-même les échelons qui pourraient en faire un membre à part entière de l'équipe canadienne.

Subban avait définitivement sa place au sein de l'équipe. On questionne souvent l'irrégularité de son jeu, mais la décision à son sujet ne pouvait pas uniquement être prise sur une question de prudence sur la glace. Il est en mesure d'apporter ce qu'une telle équipe a besoin : de l'émotion, de l'audace, un brin de robustesse et une très grande rapidité sur une patinoire plus vaste. Et Dieu sait que Subban aime les grands espaces pour s'exprimer.

Il peut changer le cours d'un match. Il peut s'avérer une menace en supériorité numérique. Il n'a peur de rien, pas même de ses propres erreurs. Avec le Canadien, il ressent la pression de faire une différence. Cela se traduit parfois par des revirements, mais cela explique aussi pourquoi il est le meilleur marqueur de l'équipe.

Certains observateurs craignent qu'il perturbe le vestiaire si jamais il n'obtient pas le temps de jeu désiré. Il est permis d'en douter. Subban est intelligent. Ne comptez pas sur lui pour se faire remarquer d'une façon négative pendant que tous les regards du Canada seront fixés sur une équipe dont on n'attend rien de moins que la victoire. Qui voudrait courir le risque d'afficher un piètre esprit d'équipe dans ces circonstances?

Au Québec, on aura probablement tendance à pardonner le pied de nez fait à Martin St-Louis si Subban, après avoir été choisi avec une certaine appréhension, parvient à jouer son rôle dans l'équipe.

Yzerman a laissé de côté des joueurs qui auraient pu lui être utiles à Sotchi. On n'a qu'à penser à Claude Giroux,  Dan Boyle, Brent Seabrook, Joe Thornton, Jeff Skinner et Logan Couture. Mais comme son comité et lui sont extrêmement satisfaits des joueurs qu'ils ont retenus, il ne leur reste plus qu'à écarter toutes les critiques en sortant gagnants de la seule vraie compétition olympique qui pourrait empêcher le pays de bien dormir.