Au fil des années, Boston s’est établie comme une des meilleures villes de sports en Amérique du Nord. Avec les succès des Patriots dans la NFL, des Celtics dans la NBA, des Red Sox au baseball majeur et des Bruins au hockey, il y a de quoi rendre jaloux les amateurs de sports des autres grandes cités aux États-Unis et au Canada. Mais il y a aussi un prix qui accompagne ce genre de gloire!

Jeudi soir, un peu avant minuit, en quittant le TD Garden, je suis allé m’enfiler deux petites pintes de Sam Adams en fût avec une dizaine de collègues de la presse écrite de Toronto et un autre de Boston. Après une longue journée de travail, c’est le meilleur moment de la journée et c’est encore plus vrai pendant les séries éliminatoires. Et à Boston, c’est facile d’oublier le chemin de l’hôtel, car il y a des pubs à tous les cent pieds en face de l’aréna. Nous nous sommes donc rendus au « The Fours », un bar sportif renommé. Alors qu’on jasait de hockey et de nos vies en regardant le match entre l’Avalanche et les Flames, un homme au début de la soixantaine s’est approché de notre joyeux groupe en grommelant..

« T’as amené des collègues du Canada! Ils sont trop polis les Canadiens », qu’il a lancé en riant à notre ami Joey McDonald du site internet The Athletic.

« Les gars, je vous présente Bill, il est gérant ici depuis une quinzaine d’années. Tout le monde le connaît ici. »  

Et Bill s’est mis à enchainer les histoires. S’il est venu nous dire bonsoir, c’est qu’il venait tout juste de recevoir deux appels qu’il soupçonnait légitimement venir de Toronto! Le premier gars lui a demandé gentiment s’il connaissait le pointage final de la partie. « Certainement, défaite des Bruins, 4 à 1. On va se reprendre samedi ». Ce à quoi le gars au bout du fil a répondu « Jamais de la vie. Les Leafs sont trop forts pour vous. On va éliminer Boston. F&*#k you », et il a raccroché! Le deuxième, celui qui venait à peine de lui parler, a été un peu plus subtil.

« Servez-vous de la salade à votre restaurant? », qu’il a demandé au sympathique gérant.

« Certainement monsieur. Et on a plusieurs variétés. »

« Servez-vous de la salade aux feuilles d’érable (Maple Leafs), car y’a rien de meilleur. C’est bon pour la santé des Maple Leafs. Y’a rien de meilleur que des Maple Leafs. C’est crissement mieux que des Bruins. Sont pourris les Bruins. Ils vont se faire sortir en première ronde. Bye! »

Ça veut dire que quelque part à Toronto ou ailleurs, il y a deux partisans des Leafs qui ont pris la peine de trouver le numéro de téléphone du The Fours, puis ils ont appelé un pauvre gars qu’ils ne connaissent même pas pour essayer de l’insulter parce qu’il vit à Boston et gère un bar situé en face du Garden.

« Y’a rien là, s’est esclaffé Bill en nous voyant complètement abasourdis! L’an passé, c’était la même chose en première ronde face aux Maple Leafs. Mais vous devriez voir ça quand Philadelphie vient battre un de nos clubs. Après ces matchs-là, le téléphone ne dérougit pas ici. Et les gars de Philly, dans le domaine des insultes, ils sont des miles en avant de tous les Canadiens! »

Dans le fond, ces partisans sont seulement plus intenses que ceux qui déversent leur fiel sur un clavier sur Twitter et Facebook. Envoyer promener un inconnu qui décroche le combiné à 500 kilomètres, c’est aussi brave que d’insulter quelqu’un qui pense le contraire sur les réseaux sociaux. Mais heureusement, Bill est bon joueur et il se tord de rire quand il reçoit ce genre d’appel!

« Pis les Canadiens français? Quand Montréal bat Boston, est-ce qu’il y a des gens avec un drôle d’accent comme le mien qui téléphone pour vous envoyer paître », que je lui demande...  

« Non. Des Canadiens français, il y en a plusieurs qui me téléphonent... mais c’est toujours pour faire des réservations!

Mon autre question, ni Bill ni mes amis de Toronto ne peuvent y répondre. Je me demande si le téléphone va sonner ce soir après le deuxième match ? Et si le téléphone sonne, ça voudra dire que