MONTRÉAL – Prenez quelques instants, réfléchissez un peu et nommez les meilleurs espoirs québécois en vue du prochain repêchage de la LNH...

Pierre-Luc Dubois est assurément le premier nom qui vous vient à l’esprit. Julien Gauthier suit sans doute. Samuel Girard et Pascal Laberge s’enchaînent ensuite possiblement dans vos pensées si vous suivez les activités de la LHJMQ.

Mais Frédéric Allard, vous connaissez?

Non? Le défenseur des Saguenéens de Chicoutimi est pourtant classé 32e meilleur espoir par la Centrale de recrutement de la LNH parmi les joueurs évoluant en Amérique du Nord. Même Girard, le flamboyant et dynamique arrière des Cataractes de Shawinigan est répertorié six échelons plus bas, probablement en raison de son petit gabarit.

« Être dans l’ombre, c’est parfois mieux. Personne ne me parlait au début de l’année, mais plus la saison avançait, plus je gagnais des rangs (dans le classement). L’endroit où je me situe en ce moment prouve à quel point j’ai eu une bonne saison et que mon nom mérite d’être mentionné », estimait l’athlète de 6 pi 1 po dans un récent entretien avec le RDS.ca.

En doublant sa production offensive de l’année précédente (30 points) en amassant 14 buts et 45 passes en 2015-2016, Allard a en effet détourné le regard des éclaireurs de la LNH en sa direction. Seul Girard, avec ses 74 points, peut se vanter d’avoir mieux fait parmi les autres défenseurs du circuit Courteau.

« J’ai fait un énorme pas vers l’avant », observe Allard, tout en rendant beaucoup crédit à son entraîneur Yanick Jean pour l’éthique de travail renouvelé qu’il a su lui inculquer.

« Il a eu une saison au-delà de nos espérances », souligne le pilote des Saguenéens de Chicoutimi. « C’est dans toutes les phases du jeu qu’on note une progression. Ça va bien au-delà de sa production offensive. Jamais personne n’a eu de doutes sur ses qualités offensives, mais il est en train de montrer qu’il est bien plus que ça. »

« Aux deux lignes bleues, c’est-à-dire en attaque et en défense, il apporte sa contribution. Son jeu a cette dimension de plus (que Samuel Girard). C’est le genre de joueur que je qualifierais de "sécuritaire (safe)" parce qu’on peut l’utiliser dans n’importe quelle situation à n’importe quel moment. Il comprend le job qu’il a à faire et il le fait bien grâce à son intelligence et ses habiletés », confirme le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, Dan Marr.

« Son coup de patin le force peut-être à garder les choses un peu plus simples parce que s’il se porte à l’attaque, il peut être un peu plus difficile pour lui de revenir en repli. Ça, il le comprend bien. Ce n’est pas un gars qui va aller à l’offensive sans réfléchir, il choisit le bon moment », analyse pour sa part un recruteur d’une formation de l’Association de l’Est dans la LNH.

À ces aptitudes offensives et défensives s’ajoutent par ailleurs des qualités indéniables de meneur qui ont bien servi aux jeunes Sags. Malgré ses 18 ans, Allard a en effet occupé les fonctions de général d’une brigade défensive majoritairement composée de joueurs de 16 ans cette saison.

« Il s’est présenté au camp d’entraînement avec la volonté de changer les choses par rapport à ce qui s’est passé à Chicoutimi dans les dernières années. C’est un des leaders de notre équipe qui a fait en sorte que notre équipe s’est transformée », signale Jean, dont le club a conclu la dernière saison au 10e rang du classement général après avoir échappé de peu à une exclusion des séries un an plus tôt.

« J’avais vécu deux saisons ordinaires et la chimie autour de l’équipe n’était vraiment pas bonne. Cette année, je pouvais prendre ma place en tant que leader et changer ça. Avec (Nicolas) Roy et (Julio) Billia, on a fait du bon travail, je ne pouvais pas changer tout ça à moi seul », insiste Allard, qui a rapidement pu démontrer tout le sérieux qu’il vouait à son rôle d’acteur de changement.

Frédéric AllardCicatrice après cicatrice

Dès le premier match de la saison, face aux Cataractes de Shawinigan, Allard a été coupé à la main par la lame de patin d’un joueur adverse. Une blessure suffisamment grave pour lui faire rater les deux matchs suivants de son équipe.

Mais pas un de plus.

« Je suis revenu au jeu la fin de semaine suivante. Je voulais jouer, mais j’avais la main enflée et deux fois plus grosse que l’autre. [...] Chaque fois que je tirais, ça faisait mal, mais la blessure ne pouvait pas s’aggraver et il n’était pas question que je reste dans les estrades à regarder mes coéquipiers. [...] Ça en prend pas mal pour m’empêcher de jouer. »

Dix jours plus tard, Allard se voyait offrir une autre occasion de le prouver.

Sa blessure à la main à peine cicatrisée, Allard a cette fois vu la peau de son front être tranchée par la lame du patin de son coéquipier de l’époque Gabryel Paquin-Boudreau lors d’une chute accidentelle survenue en fin de match pendant une escarmouche  avec des rivaux du Drakkar de Baie-Comeau.

« Au début, je pensais avoir perdu la vision. Je ne voyais plus rien. Le docteur a eu besoin de plusieurs secondes pour pouvoir enlever tout le sang », se souvient Allard, qui a eu besoin de 30 points de suture.

Deux jours plus tard, c’était au tour du Drakkar de rendre visite aux Saguenéens... et à Allard.

Un bandage enroulé autour de sa tête tel un personnage de dessins animés et équipé d’un protecteur facial complet, Allard a nullement semblé indisposé, inscrivant même un but dans un gain de 6-0 des siens et héritant ainsi de la troisième étoile.

Conclusion : Allard est prêt à tout pour le bien des Sags. Même une fracture aux côtes subie durant les séries en bloquant un lancer n’a pas suffi à le tenir loin de la patinoire.

« Il veut contribuer, il est prêt à se sacrifier pour son équipe », valide Jean, qui a pu compter sur son pilier défensif jusqu’à l’élimination en six rencontres de sa troupe aux mains des Screaming Eagles du Cap-Breton au premier tour.

Depuis ce jour, guérison oblige, Allard a été tenu au repos. Ce n’est que lundi dernier qu’il a pu reprendre l’entraînement régulier. Invité au traditionnel Combine de la LNH la semaine dernière à Buffalo, il a donc été en mesure de rencontrer 18 équipes intéressées à ses services, mais il n’a pu participer aux tests physiques.

Il avait toutefois la meilleure des justifications.