La COVID-19 fait très mal à la LNH comme à tous les autres sports professionnels depuis qu’elle a forcé Gary Bettman à stopper la saison le 12 mars dernier.

La pandémie fera mal encore quelques semaines, quelques mois, voire quelques années puisqu’il est difficile de prévoir avec précision ce que sera la vie après la COVID-19. Avant de savoir combien de temps il faudra patienter avant de voir des amphithéâtres pleins à craquer aux quatre coins de la LNH.

Mais attention : aussi sournoise et incisive soit-elle, la COVID-19 pourrait ironiquement devenir une « bénédiction » pour la LNH en facilitant la signature de la prochaine convention collective.

Je sais : le mot bénédiction semble un brin fort. Peut-être même deux. Mais il est clair que la pandémie oblige la LNH et ses joueurs à jouer coude à coude au lieu de jouer du coude comme les deux parties l’ont fait lors des deux dernières négociations en signant des conventions collectives au terme de lock-out qui ont annulé la saison 2004-2005 et amputé de 34 parties la saison 2012-2013.

« La Ligue n’a jamais autant eu besoin des joueurs et les joueurs n’ont jamais autant eu besoin de la Ligue », a lancé, plus tôt cette semaine, un agent et influent joint par le RDS.ca.

Un point de vue partagé par quelques autres de ses collègues à qui j’ai posé la même question au cours des derniers jours.

« La Ligue et les joueurs doivent s’unir contre un même ennemi : la perte importante de revenus associée à l’arrêt de la saison. Il ne faut jamais oublier que si la Ligue perd un milliard $, les joueurs perdent la moitié de cette somme par le biais d’un plafond salarial qui stagne au lieu de monter », a insisté un autre agent.

Pourquoi Gary Bettman et Donald Fehr se donneraient la main?

Pour traverser le tumulte financier dans lequel les deux parties pourraient s’engouffrer et perdre des millions par centaines au cours des prochains mois. Des centaines de millions $ que plusieurs équipes ne peuvent se permettre de perdre. Des centaines de millions $ que plus de joueurs encore ne peuvent laisser filer entre leurs doigts. Surtout qu’ils ne les reverront jamais.

Maintenir le plafond, adoucir l’« escrow »

Les joueurs recevront en début de semaine prochaine leur dernier chèque de paye de la saison 2019-2020. Un chèque qui représente 7 % de ce que les joueurs ont touché en salaire cette saison.

Bien qu’ils soient assis sur des fortunes personnelles confortables, voire très confortables, les joueurs ne devraient pas dépenser ces chèques trop vite. Plusieurs agents croient même qu’ils ne devraient pas même les encaisser puisqu’ils pourraient devoir remettre les montants à la LNH par le biais de retenues en fiducie (escrow) prévues à la convention pour pallier les fluctuations à la baisse des revenus de la LNH.

En y allant avec des approximations, la LNH visait des revenus oscillant autour des 5 milliards $ cette année. Si elle n’est pas en mesure de compléter la saison ou de tenir des séries – des scénarios pessimistes, mais des scénarios qui doivent être considérés – la Ligue et les joueurs perdront un peu plus d’un milliard $.

Pour absorber cette baisse, au moins en partie, la LNH se tournera vers les joueurs. Ces derniers versaient, cette année, 14 % de leur salaire en guise d’escrow. Un pourcentage qui pourrait grimper à 35 % l’an prochain dans le cadre d’une projection très pessimiste.

C’est énorme!

Surtout que ces ponctions sont effectuées par la LNH avant les retenues associées aux impôts que les joueurs doivent verser aux Gouvernements et États où ils travaillent sans oublier les commissions (entre 3 % et 6 %) qu’ils versent à leurs agents.

Mais ce n’est pas tout.

Les pertes attribuables à la COVID-19 pourraient théoriquement entraîner une baisse du plafond salarial. Ce que les joueurs tiennent à éviter autant que le virus.

Plusieurs équipes ne peuvent se permettre une baisse du plafond elles non plus. Voire une stagnation. Pourquoi? Parce qu’elles ont déjà accordé des contrats et préparé des négociations qui approchent en fonction des fluctuations à la hausse qui, sans être précisément établies, étaient déjà prévues.

Les joueurs ont donc tout intérêt à négocier avec la LNH et offrir des compromis pour éviter une baisse du plafond et s’entendre sur les paramètres de hausses légères échelonnées sur les prochaines années.

Des compromis que les joueurs pourraient accorder à la Ligue en échange d’un étalement sur deux, trois, cinq ans des retenues en fiducie qui seront très difficiles à encaisser si elles tombent d’un coup et comme une tonne de briques la saison prochaine.

Primes imposantes à verser

Pourquoi diable Gary Bettman et ses 31 propriétaires lanceraient-ils des bouées de sauvetage à des joueurs qui semblent plus vulnérables que jamais à l’aube de la renégociation d’une convention qui viendra à échéance le 15 septembre 2022?

Parce que plusieurs équipes, des clubs qui nagent dans l’argent comme d’autres qui nagent dans les dettes, pourraient bénéficier de l’aide des joueurs.

La saison qui s’annonce aurait facilement pu être compromise par un conflit de travail. Une menace qui est tombée l’été dernier lorsque le syndicat des joueurs et la LNH ont décidé de tourner le dos à la clause qui leur permettait de mettre un terme à la convention deux ans plus vite que prévu.

En raison de cette menace, les contrats les plus riches signés au fil des dernières années ont été négociés avec brio par les agents qui ont assuré la sécurité financière de leurs clients en s’assurant qu’ils touchent des portions importantes de leurs dus en primes de signature et non en salaires.

Des primes qui, contrairement aux salaires échelonnés au fil de la saison régulière, sont versées en entier le premier juillet évitant ainsi les contrecoups financiers en cas d’un éventuel conflit de travail.

En raison de la COVID-19, la date du premier juillet ne tient plus cette année. Mais le principe demeurera le même.

Voici des exemples tirés des informations salariales publiées par nos amis du site CapFriendly.com

Artemi Panarin a signé un contrat de sept ans d’une valeur de 81,5 millions $ l’an dernier avec les Rangers de New York. Il touche 13 millions $ en prime de signature cette année et un million $ en salaire. Les Rangers lui verseront 12 millions $ avant la saison et paieront un million $ au cours de la saison. Des 81,5 millions $ promis par les Rangers, 74,5 seront versés en prime.

À Toronto, Austin Matthews touchera 15,2 millions $ en prime – sur un salaire total de 22,2 millions $ – le premier juillet.

Mitch Marner recevra 15,3 millions $ (sur un salaire de 22,3 millions $) en prime le premier juillet.

John Tavares : 14,9 millions $.

Et ils ne sont pas seuls dans cette situation dans le vestiaire des Leafs.

Bon! Les proprios des Maple Leafs, comme ceux des Rangers ont davantage peur de la fin du monde que de la fin du mois. Ils peuvent étaler ces millions $ sans problème.

Mais de tels contrats surchargés de primes sont monnaie courante dans la LNH.

Tenez : pour garder Sebastian Aho à qui le Canadien venait d’offrir un riche contrat par le biais d’une offre hostile, les Hurricanes ont accepté de verser 42,27 millions $ sur cinq ans au jeune attaquant finlandais.

Ils lui ont versé 11,3 millions $ en prime cette année. Lui verseront 9,87 l’an prochain. De fait, les Canes verseront 38,62 millions $ en primes au fil des cinq saisons et seulement 3,65 millions $ en salaire.

Chez le Canadien?

Carey Price touchera un total de 70 millions $ en primes sur les 84 millions $ que le CH lui versera jusqu’à la fin de la saison 25-26. Il a encaissé des chèques de 13 millions $ lors des deux derniers premiers juillet, touchera 8,75 millions $ avant la prochaine saison et 11 millions $ dans deux ans.

En plus de composer avec les pertes aux guichets et revenus de toutes sortes en raison de la Covid-19, tous les clubs, les plus riches comme les plus « pauvres », pourraient négocier des ententes pour étaler les versements de ces primes afin de faciliter leur gestion.

Tous les agents contactés cette semaine ont refusé de parler au nom de leurs clients qui ont pris part à une importante réunion – conférence téléphonique -- jeudi. Encore moins au nom de l’Association des joueurs.

Mais s’ils nageaient autant que les amateurs dans un flot de spéculations quant à la possibilité de revoir du hockey de la LNH et de voir la coupe Stanley être soulevée l’été prochain, ils étaient toutefois convaincus et convaincants sur un point :

Bien que la COVID-19 ait forcé tout le monde à adopter une distanciation sociale ô combien nécessaire, elle force la LNH et l’Association des joueurs à un rapprochement encore plus nécessaire pour permettre aux deux camps de limiter leurs pertes financières. Un rapprochement qui pourrait grandement faciliter la signature de la prochaine convention collective puisque c’est dans le cadre d’une telle négociation que les compromis seront proposés d’un côté comme de l’autre de la table. Et qu’ils auront le plus de chances d’être acceptés.

On verra!