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RÉSULTATS

Pierre Dorion admet que c'est habituellement le directeur général qui gagne contre l'entraîneur

Pierre Dorion, D.J. Smith et Guy Boucher - RDS
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MONTRÉAL – Pierre Dorion l'admet : les directeurs généraux commettent parfois des erreurs en embauchant l'entraîneur de leur équipe. Mais quand la relation s'effrite ou qu'il y a une mésentente, « habituellement, c'est le DG qui gagne ». 

Dorion, qui a été le directeur général des Sénateurs d'Ottawa pendant sept ans, sourit avec un petit malaise en le disant. 

N'empêche que ça demeure la réalité. 

À preuve, le mandat moyen d'un entraîneur dans la LNH se limite à 2,3 ans comparativement à autour de 4 ans dans la NFL, la NBA et le Baseball majeur. 

Heureusement, la plupart des entraîneurs parviennent à se « recycler » avec une autre organisation. 

Et si on vous disait que ce recyclage était en quelque sorte planifié par les directeurs généraux. Dorion a raconté une multitude de choses intéressantes durant notre conversation de plus de 20 minutes, mais voilà probablement l'aspect le plus étonnant. 

Quand un DG réfléchit à congédier son entraîneur, il doit évaluer l'enjeu du montant qui reste à lui verser dans son contrat. C'est ici que le recyclage devient utile et incite les directeurs généraux à être peu hésitants à appuyer sur la gâchette. 

« Dans le hockey, on recycle beaucoup d'entraîneurs. Souvent, quand on congédie un entraîneur, on peut penser qu'il va se trouver un emploi ailleurs. Donc on ne va pas devoir payer le reste de son contrat ou la compensation sera moins élevée », a commenté Dorion avec honnêteté. 

Cette réalité intrigante devient particulièrement utile pour les organisations ayant des ressources financières moins astronomiques. 

Dorion avait effectué ses recherches pour nous suggérer une autre piste explicative.

« Dans les petits marchés, les entraîneurs de la NFL et la NBA sont bien rémunérés, tandis que les salaires des entraîneurs de la LNH sont moins élevés », a ciblé l'homme de 52 ans ce qui accorde une plus grande marge de manœuvre pour effectuer des changements. 

Les dernières années ont prouvé que même les hauts salariés de la profession n'y échappent pas. On a vu les Mike Sullivan, Peter Laviolette, Bruce Cassidy et compagnie être limogés. 

« Tu es engagé pour te faire congédier, c'est la phrase que tous les entraîneurs disent », a convenu Dorion en ajoutant une précision du même souffle.

« J'ai énormément de respect pour ce que Doug Armstrong (le DG des Blues) a fait. C'est dommage pour Drew Bannister (qui a été congédié), mais il a vu un entraîneur de premier plan en Jim Montgomery sur le marché et il n'a pas hésité, il est allé le chercher. Comme DG, tu ne dois pas avoir craindre de prendre de telles décisions pour le bénéfice de ton organisation. »

Cela dit, certains congédiements font parfois sursauter les autres directeurs généraux de la LNH. Dorion confirme que ça menait à des discussions très intéressantes quand il croisait des homologues et c'est là que ça devenait plus clair. 

Les erreurs commises par les DG

Vrai que les directeurs généraux ne doivent pas manquer de cran pour aider leur organisation. Cependant, il est tout aussi vrai qu'ils se trompent parfois dans leurs décisions. 

En bâtissant son équipe, le directeur général doit déterminer le profil qui correspond le mieux à son groupe. 

« Tu peux penser que tes gars ont vraiment besoin d'être poussés avec un entraîneur plus, mais tu réalises finalement que non », a indiqué Dorion alors que ça provoque un congédiement pour changer l'approche.  

« Ensuite, on veut toujours essayer de développer nos propres entraîneurs. Parfois, tu vas chercher un jeune entraîneur et tu réalises après qu'il n'était pas prêt », a-t-il ajouté. 

Souvent, la cause du congédiement provient aussi d'une faiblesse dans la communication. Que ce soit celle entre l'entraîneur ou son patron ou bien celle entre l'entraîneur et ses joueurs. 

« La communication est la chose la plus importante à mes yeux. Si on voit qu'il y a un manque de communication, c'est un gros drapeau rouge. Si la communication n'est pas bonne, tu ne peux pas avoir de succès comme organisation », a maintenu Dorion. 

D'ailleurs, il a précisé qu'il impliquait ses entraîneurs dans 99% de ses rencontres avec des joueurs. « Pour moi, c'était important qu'il n'y ait aucune craque dans la fondation de l'équipe. »

C'était une façon d'éviter que les joueurs se lamentent directement à lui de leur utilisation, ils voulaient que ces dossiers passent par l'entraîneur. 

Deux congédiements, rien de facile

Durant son règne à Ottawa, Dorion a congédié deux entraîneurs : Dave Cameron et Guy Boucher. 

« J'ai eu plus de peine à congédier mes deux entraîneurs que lorsque j'ai été congédié », a-t-il tenu à dire. 

« Dans le cas de Dave, j'étais nouveau comme directeur général et je voulais amener mon propre homme. Dave est une personne exceptionnelle, mais ma philosophie était d'avoir ma propre personne », a expliqué Dorion. 

Pour trouver son successeur, Dorion avait effectué des entrevues avec neuf candidats. Il a arrêté son choix sur Boucher après une première entrevue de cinq heures et une deuxième entrevue de huit heures. 

« Quand j'ai congédié Guy, je savais qu'il ne reviendrait pas la saison suivante. Je voulais lui donner la chance de faire le vide et regarder ailleurs. On communiquait bien, mais on commençait une reconstruction et je jugeais que c'était le temps d'amener un nouveau visage (DJ Smith) », a témoigné Dorion. 

En tant que DG des Sénateurs, Dorion a composé avec un propriétaire, Eugene Melnyk, qui était reconnu pour ne pas être de tout repos.

« Il n'y aucun doute, certains propriétaires sont plus impliqués et c'est vrai dans tous les sports majeurs. M. Melnyk était passionné, il voulait toujours gagner et il m'a poussé à devenir un meilleur DG. Oui, il était impliqué mais c'est comme ça avec beaucoup d'équipes. Parfois, on le remarque plus dans les marchés canadiens. Mais il m'a rendu meilleur », a commenté Dorion qui a appris à composer avec un tel contexte. 

Dorion a, lui aussi, été congédié en novembre 2023 alors il comprend les entraîneurs qui ont vécu ce passage pratiquement obligé. Les hommes de hockey acceptent le tout. 

« C'est la passion. Je n'ai jamais vu un entraîneur de la LNH qui n'était pas travaillant et je n'ai pas vu beaucoup de directeurs généraux qui n'étaient pas travaillants. On investit beaucoup d'heures. En même temps, on sait qu'une journée, ça va finir », a-t-il conclu.