L'honneur mérité qui a surpris François Gagnon
Quand mon ami François Gagnon a appris qu'il avait été sélectionné pour recevoir le prestigieux prix Elmer Ferguson Memorial Award, sa première réaction a été de s'exclamer « Pourquoi moi? ».
Tout aussi incrédule que stupéfait, ces deux petits mots, François les a répétés à quelques reprises sur le plateau de l'Antichambre alors qu'il participait à un faux segment enregistré d'avance pour parler du Canadien. Le lendemain, quand je l'ai rejoint après son incontournable ronde de golf matinale, mon vieux complice ne comprenait toujours pas pourquoi le Temple de la renommée du hockey lui ouvrait ses portes.
« Je suis complètement viré à l'envers, a-t-il avoué sans hésiter quand il a compris qu'on m'avait annoncé la grande nouvelle en échange de mon silence. Je n'ai pas dormi de la nuit, j'étais trop énervé. Je me remets en question et je me demande si je mérite vraiment ça? »
Mon chum a ensuite pris un profond respire pour marquer une longue pause. Pas le genre de pause que l'on prend pour mieux réfléchir à ce que l'on veut exprimer. Même au téléphone, la voix chancelante du vétéran chroniqueur au tempérament bouillant laissait deviner qu'il retenait ses larmes.
« Y'a pas de mots. Je ne sais pas quoi dire. J'ai jamais reçu de prix, j'ai jamais rien gagné de ma vie. Le plus beau prix que j'ai eu, c'est quand Domenic Vannelli m'a appelé pour m'offrir une job à l'Antichambre en 2008. J'te jure que ça cogne dur, je suis assommé. » Luc Gélinas et François Gagnon
Un honneur bien mérité
François est sûrement le seul à ne pas comprendre pourquoi il fera partie de l'intronisation de 2025. Et ce n'est pas de la fausse modestie.
Rares sont ceux et celles qui ont rayonné autant que lui sur la planète hockey au cours des 30 dernières années. Après avoir débuté sa carrière aux faits divers au quotidien Le Droit d'Ottawa, François est passé à la section des sports pour suivre les Olympiques de Hull au début de la saison de 1994-95. Un an après, il héritait du beat des Sénateurs et quelques années plus tard, notre collègue déménageait à Montréal pour épier les faits et gestes du Canadien pour le compte du quotidien Le Soleil de Québec.
C'est à ce moment que l'on s'est connus et que nous sommes devenus de grands amis. Nous étions voisins sur la galerie de presse du Centre Molson et on s'assoyait presque toujours ensemble dans l'avion nolisé de l'équipe. Sur la route, on ne compte même plus les aventures épiques que l'on a partagées! Croyez-moi, s'il y avait aussi un Temple de la renommée pour les péripéties sur la route, nous y serions d'honorables membres depuis longtemps!
Après Le Soleil est arrivé La Presse en 2006. Au travers ça, personne n'oublie que François a marqué l'imaginaire de plus d'une génération avec ses envolées mémorables à 110%! Finalement en 2013, il a fait le saut à temps plein à RDS, où vous pouvez le lire sur notre site web ou l'écouter commenter l'actualité de la LNH avec panache lors des entractes des matchs du Canadien, à l'Antichambre, au 5 à 7 et à On Jase.
François, c'est un journaliste et un homme intègre, sans le moindre compromis. Même s'il s'est assagi un peu avec les années, il n'a jamais été du genre à rechercher des accommodements ou à craindre de heurter des égos. Il désire tout comprendre et tout analyser pour bien expliquer et vulgariser l'actualité. C'est pour ça que plusieurs partisans du Tricolore croient dur comme fer qu'il déteste cette équipe. Ce qu'il déteste, ce sont les raccourcis, les explications bidons, les mensonges, les décisions injustifiables et la médiocrité. Ça s'applique envers les dirigeants, les entraîneurs et les athlètes qu'il interroge, mais c'est tout aussi valide avec les gens qu'il côtoie et ses amis. Frank, parce que c'est comme ça que je l'appelle depuis toujours, c'est un vrai. Si vous lisez ses textes ou écoutez ses interventions, vous vous en doutez. Si vous l'avez croisé, ne serait-ce qu'une seule fois, vous le savez.
C'est aussi un homme intense, engagé et qui ne fait jamais dans la demi-mesure. En fait, il serait plus juste de dire qu'il se veut un brin excessif! C'est vrai dans sa consommation de Coca-Cola, dans ses dépenses au golf et ses bouteilles de vin de grands millésimes, mais encore plus dans sa façon de travailler. En plus de 25 ans d'amitié, pas une seule fois je ne l'ai vu tourner les coins ronds. Quand il n'est pas le dernier à sortir de l'aréna, c'est parce qu'il a décidé de quitter pour aller peaufiner paisiblement son texte à la maison ou à l'hôtel. Il se lit et se relit en maugréant et en échappant quelques jurons. Parfois il efface tout et recommence en entier après une heure de rédaction. Tant que l'histoire qu'il rédige n'est pas parfaitement à son goût, François ne pensera jamais à appuyer sur « envoyer ».
Après 30 ans à couvrir de fond en comble les dédales du hockey, le Temple de la renommée reconnait donc le talent d'un journaliste qui a toujours fouillé pour trouver des explications à ce qui se passe sur la patinoire, mais aussi en coulisses. François l'a fait et va continuer de le faire de la seule façon qu'il connait, soit en travaillant la pédale dans le plancher, sans s'accorder de répit et en se remettant en question presque à chaque jour. Parce que curieusement, le vétéran chroniqueur de 62 ans est aussi un grand insécure, et dans le fond, c'est peut-être ça sa plus grande qualité. Car à chaque fois qu'il livre un commentaire ou à chaque fois qu'il achemine un texte, il se prépare et travaille comme s'il avait peur d'échouer l'examen final...
C'est pour cette raison que François Gagnon va bientôt se retrouver parmi les immortels du hockey.