Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis que les Oilers d’Edmonton ont ébranlé la Ligue nationale en échangeant Wayne Gretzky aux Kings de Los Angeles, en août 1988.

Une transaction qui a eu un impact bien au-delà de la patinoire. Pour plusieurs, l’arrivée de Gretzky est la raison principale expliquant la croissance du hockey non seulement en Californie, mais dans le sud des États-Unis au complet.

« C’est plaisant à entendre, c’est sûr, mais selon moi, je n’ai été qu’une partie de cette éclosion, confie Gretzky lors d’un entretien téléphonique exclusif avec Hockey Le Magazine. D’autres, avant, pendant et après moi, ont aussi travaillé très fort pour accroitre la popularité du hockey ici.

Je pense entre autres à la Triple Crown Line de Marcel Dionne. Les gens se rendaient à l’aréna uniquement pour voir Marcel ! Il était tellement spectaculaire. Ensuite, il y a eu l’époque des Kelly Hrudey, Marty McSorley et Luc Robitaille, des joueurs qui avaient du charisme et qui comprenaient qu’ils devaient en faire davantage dans la communauté, puisqu’ils ne jouaient pas dans un marché comme Montréal, Edmonton ou Toronto. Ils en ont fait des heures supplémentaires pour faire comprendre toute la beauté de notre sport aux Californiens… »

L’ancien numéro 99, qui vient de fêter ses 54 ans, croit que le dévouement des Robitaille et compagnie porte ses fruits aujourd’hui.
 

« Le nombre de jeunes Californiens qui jouent au hockey à l’école secondaire ne cesse de croître, précise-t-il. Il y en a qui reçoivent ensuite des bourses d’études pour aller jouer dans de gros collèges américains et d’autres qui décident de tenter leur chance dans le hockey junior canadien. Aujourd’hui, le hockey est une très belle option ici, au même titre que le baseball, le basketball et le football. Tout ça n’aurait pas été possible sans l’implication des joueurs des Kings, dans les années 70, 80 et 90. L’arrivée des Sharks et des Ducks, dans les années 90, a également aidé… »

Si les Kings ont fait leur entrée dans la LNH lors de la première vague d’expansion, en 1967, les Sharks ont vu le jour en 1991 et les Ducks, en 1993.

Les Sharks se sont rapidement faits des amis dans le nord de l’État, non loin de San Francisco, tandis que les Ducks ont donné une alternative de plus aux résidents du sud de la Californie, Anaheim étant située à environ 40 minutes de Los Angeles.

« Aujourd’hui, quand je vois à quel point le hockey est en santé en Californie, j’ai du mal à croire qu’on n’était pas capable d’attirer 12 000 personnes au [Great Western] Forum certains soirs, sourit Gretzky. De nos jours, tu peux avoir en même temps une salle comble à Los Angeles, Anaheim et San Jose ! Oui, le hockey a bien changé ici… »

Trois coupes en huit ans

The Great One croit d’ailleurs que le bassin de partisans des clubs californiens a non seulement grandi, mais également changé de profil au cours des années.

« À mon arrivée ici, les gens se rendaient à l’aréna par simple curiosité, ne sachant par grand-chose du hockey, puisque ce n’était pas un sport pratiqué en Californie, estime le nouveau grand-papa. Aujourd’hui, certains ont joué au hockey dans leur jeunesse et sont de vrais passionnés, qui connaissent la game. En plus, en raison des coupes Stanley des Kings récemment, ça parle pas mal plus souvent de hockey dans les journaux, à la télé et à la radio. Ça rejoint ainsi plus de gens. Par exemple, ma plus jeune fille [Emma] a 11 ans et ne m’a jamais vu jouer. Mais quand les Kings arrivent en séries, elle veut toujours se rendre à l’école avec un tee-shirt de l’équipe. La popularité des équipes californiennes a aujourd’hui atteint un niveau que je ne croyais pas possible ! »

Tout cela, notamment en raison des conquêtes de la coupe Stanley des Kings, en 2012 et 2014, et des Ducks, en 2007, mais aussi des excellentes saisons des Sharks, qui ont atteint la finale de l’Ouest en 2004, 2010 et 2011.

Affronter les clubs californiens représente donc tout un défi de nos jours. « Les directeurs généraux des Kings [Dean Lombardi], des Ducks [Bob Murray] et des Sharks [Doug Wilson] ont accompli un boulot remarquable pour construire des puissances, croit Gretzky. Les entraîneurs-chefs [Darryl Sutter, Bruce Boudreau et Todd McLellan] sont eux aussi très bons. Si tu m’avais dit, il y a 25 ans, que trois des meilleures équipes de la LNH en 2015 seraient californiennes, je serais parti à rire ! Mais c’est bel et bien le cas… »

Défenseur étoile des Sharks de San Jose, Marc-Édouard Vlasic abonde dans le même sens que le meilleur marqueur de tous les temps. « Ce qui aide, c’est que les Ducks et les Kings ont gagné trois fois la coupe Stanley depuis que je suis dans la LNH, mentionne le Québécois. Il y a trois équipes californiennes qui sont vraiment bonnes et intéressantes à regarder jouer, donc ça amène beaucoup de visibilité au hockey en Californie. Depuis ce temps, le hockey a vraiment grandi ici et c’est une bonne chose. »

On a eu une preuve formelle de la grande qualité des clubs californiens en 2011, quand les trois formations ont pris part simultanément aux séries pour la première fois de l’histoire. Avec, en boni, un duel Sharks-Kings au premier tour.

Les partisans californiens sont bien au fait de la qualité des formations présentes dans leur État et n’hésitent pas à aller les encourager lors de leurs matchs à domicile. Les Kings attirent en moyenne 18 264 spectateurs par match au Staples Center, les Sharks, 17 416 au SAP Center, et les Ducks, 16 706 au Honda Center. Le Canadien de Montréal visitera les trois endroits du 2 au 5 mars prochains.

« Aller dans l’Ouest américain, c’est toujours spécial, avoue Martin McGuire, descripteur des matchs du Tricolore au 98,5 FM. San Jose est l’une de mes villes préférées sur la route. Il règne une ambiance électrique dans le Shark Tank. C’est l’un des arénas les plus bruyants de la LNH, pas de doute là-dessus. »

L’avantage de la glace

Depuis plusieurs années, il est très difficile de connaître du succès lors du voyage regroupant San Jose, Los Angeles et Anaheim. À preuve, au moment d’écrire ces lignes, les trois clubs californiens présentaient une fiche combinée de ,662 à domicile.

Drew Doughty, pilier de la brigade défensive des Kings, adore jouer au Staples Center, le « remplaçant » du Great Western Forum depuis 1999. « C’est spécial, c’est bruyant et ça nous donne beaucoup d’énergie, disait Doughty lors du plus récent passage des Kings au Centre Bell. Nos partisans sont la raison principale pourquoi nous sommes une si bonne équipe à la maison. »

De son côté, Marc-Édouard Vlasic ne changerait pas le SAP Center pour rien au monde. « Si on prend juste la foule, ça peut ressembler au Centre Bell de l’Ouest, compare-t-il. À mon avis, c’est un peu la même chose, mais en un peu moins bruyant. Quand tu viens jouer au Centre Bell, il y a de l’histoire et ça joue pour beaucoup dans l’atmosphère qui y règne.

« Dans le vestiaire avant le début du premier match des séries à San Jose, l’an dernier, nous entendions les partisans crier et c’était vraiment incroyable, raconte le numéro 44. Il faut venir voir un match des Sharks en saison régulière, mais en séries, c’est un incontournable. C’est 100 fois plus bruyant, excitant  et stressant. »

Question de profiter de la ferveur des partisans de l’État, les Sharks, les Kings et les Ducks ont décidé d’y déménager leur club-école de la Ligue américaine, en vue de la saison 2015-2016. Idem pour les Oilers et les Flames.

« La Californie, ce n’est peut-être pas l’épicentre du hockey, mais la popularité va en grandissant, surtout depuis notre conquête de la coupe Stanley et celles des Kings, estime Cam Fowler, jeune défenseur des Ducks d’Anaheim. C’est un magnifique endroit où vivre et jouer au hockey. Je me considère très chanceux!

« On a d’excellents partisans, poursuit Fowler, qui a grandi au Michigan. À l’intérieur du Honda Center, c’est bruyant et nos fans nous donnent beaucoup d’énergie, surtout quand on affronte nos grands rivaux, les Kings ou les Sharks. »

Rivalités californiennes

Los Angeles-Anaheim nécessite environ 40 minutes de voiture, alors c’est certain que la rivalité entre les deux clubs est omniprésente. De nombreux partisans des Kings font le trajet à Anaheim quand leurs favoris y jouent et vice-versa.

San Jose, elle, est basée près de San Francisco, à quelque cinq heures de route au nord de L.A. et Anaheim. Lorsque les Sharks accueillent les Kings ou les Ducks, l’avantage de la glace est donc plus marqué.

« Que ce soit contre les Kings ou les Sharks, c’est toujours intense, peu importe où l’on joue », croit Fowler.

S’il dit avoir un faible pour les rivalités californiennes, Drew Doughty se plaît dans l’uniforme des Kings, et ce, peu importe l’adversaire qui se dresse devant lui. « J’adore jouer en Californie, je ne voudrais pas jouer ailleurs, avoue-t-il. On est choyé de jouer à Los Angeles. C’est une magnifique ville de sports et le hockey y est plus populaire que jamais. Nos fans sont incroyables et nous supportent constamment, ce qui n’était pas nécessairement le cas à mon arrivée avec les Kings. Aujourd’hui, nos partisans sont tellement derrière nous qu’on se sent pratiquement comme dans une ville de hockey canadienne. »

À en croire les joueurs interviewés, il n’y aurait pas de désavantage à évoluer en Californie. En tant que bon vétéran, Wayne Gretzky parvient à en trouver un. « Le seul, c’est le voyagement, croit-il. C’est moins pire depuis qu’il y a des clubs au Colorado, en Arizona et au Texas, mais quand même. Ça fait en sorte que lors de tes journées de congé, tu veux juste relaxer. Aller manger sur la plage, jouer au golf ou simplement passer du temps en famille… »