Le rêve éveillé d'A.J. Greer
À vingt-huit ans, le Québécois AJ Greer participe aux séries éliminatoires de la LNH pour la première fois de sa carrière et il s'agit presque un rêve éveillé pour lui. Les sept premières années de sa carrière ont été un long cheminement tortueux qu'il compare à des montagnes russes. Et quand il prend le temps de partager avec beaucoup de générosité toutes les remises en question qu'il a vécu lors de ce long parcours, on comprend parfaitement pourquoi l'attaquant originaire de Joliette désire pleinement savourer l'aventure qui va débuter mercredi soir face aux Oilers.
« C'est incroyable. Je m'en vais en finale de la Coupe Stanley, répond calmement Greer. Ce sont des moments auxquels tu ne peux pas croire dans les moments difficiles. Je n'y pensais pas trop quand ça allait moins bien mais là je suis ici et c'est un rêve d'enfant. »
Des moments difficiles, Greer en a vécu plus d'un. Pas plus tard qu'il y a deux ans, après avoir disputé soixante-et-un matchs avec les Bruins, il croyait bien enfin goûter à l'exaltation des séries, le printemps venu. Mais Jim Montgomery n'a pas fait appel à ses services face aux Panthers.
« Je l'ai vraiment pris personnel. Tu te dis, okay, j'ai joué pour l'équipe toute l'année pis quand arrivent les séries, je suis le gars qui est mis de côté. À ce moment-là, tu te demandes si tu vas jouer en séries un jour. »
Ce jour est arrivé deux ans plus tard, le 28 avril, en première ronde face au Lightning.
« J'ai bien joué contre Tampa Bay et je me suis dit que j'étais capable d'être un joueur d'impact. »
Cinq semaines plus tard, l'entraîneur-chef Paul Maurice ne regrette sûrement pas sa décision puisqu'il a inséré le combatif attaquant dans sa formation pour douze des dix-sept parties des Panthers. Dans ce premier parcours en séries, Greer a marqué deux fois et il a récolté une passe. Il a même marqué le but gagnant lors du troisième affrontement face aux Hurricanes, en finale de l'est.
À 24 heures de tout lâcher
Seul joueur québécois en finale, Greer verra assurément sa cote de popularité augmenter dans la région de Joliette d'où il est originaire. Mais la reconnaissance et la popularité ne sont pas les choses les plus importantes pour lui.
« Il y a beaucoup de personnes qui m'envoient des messages textes et qui m'appellent. Tout le monde est vraiment content pour moi, lance le gaillard 6 ‘3 pieds, en souriant. Pour mes parents, c'est incroyable et je suis vraiment content car ils vont être capables de venir voir quelques parties. La ville de Joliette et de Notre-Dame-des-Prairies sont derrière moi et ils ont publié des statuts sur Facebook pour m'encourager et pour supporter les Panthers. C'est vraiment spécial mais aussi c'est quelque chose que je veux montrer aux jeunes et être une inspiration pour eux. C'est pas toujours la gloire qui t'attend en montant vers la LNH. Il y a beaucoup d'obstacles. Je suis vraiment fier de moi. »
Et plus que quiconque impliqué dans cette finale, AJ Greer sait de quoi il parle lorsqu'il est question d'adversité. À sa cinquième année professionnelle, après avoir roulé sa bosse plus souvent qu'autrement dans la AHL, l'ancien porte-couleur des Huskies de Rouyn-Noranda en a eu assez. Le 7 avril 2021, alors qu'il se retrouvait avec les Sound Tigers de Bridgeport, il a décidé de mettre une croix sur sa carrière en Amérique.
« J'étais à vingt-quatre heures de lâcher le hockey. Les choses n'allaient pas bien hors glace et c'était encore pire sur la patinoire. C'était pendant la covid. Beaucoup de choses affectaient ma santé mentale et ma santé physique. Pour la première fois de ma carrière, j'ai été laissé de côté pour un match dans la Ligue américaine et ça a été le cas aussi pour la partie suivante. J'ai appelé un chum et je lui ai dit que je voulais aller en Europe pour en finir avec les montagnes russes. Ce soir-là, j'étais avec Yanick Turcotte pendant que l'équipe était sur la route. En raison de la covid, les gars qui ne jouaient pas n'accompagnaient pas le club. Je lui ai expliqué que j'irais voir le coach le lendemain pour lui annoncer que je quittais pour l'Europe. Ça ne me tentais plus de faire ça. Il était 21 h 30 à ce moment-là. À 23 h 30, j'ai reçu un appel de Lou Lamoriello. Je venais d'être échangé aux Devils. Douze heures plus tard, je m'entraînais avec les Devils de Binghampton. Je me suis dit, écoute, t'étais à une journée de lâcher, t'as une deuxième chance, tu recommences à zéro, personne te connait ici, tu peux écrire une nouvelle histoire. J'ai fini l'année avec un point par match. »
Quelques mois plus tard, le 13 juillet 2022, Greer paraphait une entente de deux ans avec les Bruins. Pour la première fois de sa vie, il signait un contrat sans clause des ligues mineures. Et maintenant, il se retrouve à quatre victoires de graver son nom sur la Coupe Stanley.