MONTRÉAL – Les apparences sont parfois trompeuses. Dans la Ligue nationale de hockey, les Jets de Winnipeg en sont un bel exemple.

Sur une carte géographique, la septième équipe canadienne de la LNH fait déjà figure de mouton noir. Déménagés d’Atlanta il y a moins de deux ans, les Jets sont la seule équipe établie à l’ouest des Grands Lacs à évoluer dans l’Association Est.

Au classement aussi, la perception diffère un peu de la réalité. Les Jets occupent le troisième rang de leur association, une position enviable qui leur procurerait l’avantage de la glace dans une série contre les Maple Leafs de Toronto si les éliminatoires débutaient aujourd’hui. Seulement, il s’agit d’un reflet biaisé des forces en présence sur leur territoire; seul le règlement qui assure aux meneurs de chaque division l’un des trois plus hauts échelons de leur portion de tableau permet présentement aux hommes de Claude Noel de jouir d’une aussi belle vue sur le reste de la compétition.

Les Jets, qui seront à Montréal jeudi, comptent 38 points après 37 matchs, une récolte qui s’apparente à celle des équipes qui bataillent présentement pour une place en séries. Le gérant d’estrade ou l’observateur cynique s’empressera de faire remarquer qu’ils bénéficient d’un passe-droit en faisant partie d’une division qui abrite quatre des neuf pires formations de la Ligue.  

Mais c’est ici que Pascal Vincent s’interpose.

« C’est sûr qu’il y a eu des hauts et des bas, mais cette place au classement, je ne pense pas qu’on l’ait volé », s’offusque calmement Vincent, qui fait partie du personnel d’entraîneurs des Jets depuis le début de leur résurrection.  

Sur papier, le rendement de l’équipe depuis le début de la saison s’apparente à ce qu’elle a accompli lors de l’An 1 de sa deuxième vie. Une fiche légèrement supérieure à ,500, des unités spéciales classées dans le dernier tiers de la Ligue et un différentiel entre les buts marqués et accordés dans le rouge.

De son point de vue privilégié, Vincent offre toutefois une évaluation positive de la progression des troupes.

« La grosse différence avec l’an passé, c’est notre capacité à gérer les matchs serrés et d’aller gagner sur la route. Ça vient avec la maturité et l’expérience. On est beaucoup plus efficaces qu’on ne l’était dans ces facettes du jeu », estime celui qui a accédé à la LNH après onze saisons comme entraîneur en chef dans la Ligue junior majeur du Québec.

« C’est vrai que les équipes de notre division accumulent moins de points, concède ensuite Vincent, mais on a quand même bien joué contre des bonnes formations comme Toronto et Boston récemment. »

Dans un calendrier abrégé pour le lock-out, les Jets n’ont visiblement pas reçu le mémo sur l’importance de partir à point. Ils ont amorcé la saison à peu près comme ils avaient terminé la précédente, soit avec seulement six victoires à leurs quinze premières rencontres.   

Les choses se sont toutefois replacées. Ils ont clôturé le mois de février avec cinq victoires en six matchs et sont parvenus à garder la tête hors de l’eau avec une fiche de 8-7-1 en mars.

« À part peut-être quelques formations, il y a eu une période de rodage de six ou sept matchs qui équivaut à la durée d’un camp d’entraînement, justifie Vincent. Depuis ce temps, on joue du bon hockey mais ce qu’on aime surtout, c’est qu’on évolue de match en match. On va trébucher à l’occasion, mais c’est la beauté du sport : être capable de se relever le plus rapidement possible. Et c’est justement une saison où tu ne peux pas passer trop de temps à penser à une défaite. Après un match, il faut tout de suite penser au prochain. »

Les Jets disputeront trois matchs sur la route cette semaine avant d’amorcer une séquence de sept parties sur neuf à domicile qui les mènera à la conclusion de leur saison. À un peu moins d’un mois du début des séries, ils s’accrochent à une avance de quatre points sur les Hurricanes de la Caroline.

« On est vraiment en mode séries éliminatoires pendant 48 matchs, simplifie Vincent. On est dans une situation où on a le sentiment d’avoir un peu le contrôle de notre destinée, mais quand même, on n’a pas une grande marge de manœuvre. »

Le mur Pavelec

La division Sud-Est a reçu le passage d’une variante de la Grande Faucheuse cet hiver. Début mars, les Hurricanes et les Panthers de la Floride ont encaissé la perte de leur gardien numéro un lorsque Cam Ward et José Théodore sont tombés au combat pour une période minimale de six semaines.

À Tampa Bay, Anders Lindback a connu un mois de février désastreux et s’est récemment infligé une entorse à une cheville. Jamais bon signe lorsqu’on doit faire faire la navette au gardien de son club-école.

Au milieu de cette hécatombe se dresse Ondrej Pavelec. L’un des gardiens les plus occupés du circuit, le jeune Tchèque peut être identifié comme le plus grand responsable de la hiérarchie qui règne actuellement dans la section.

« Il est l’un de nos meilleurs joueurs depuis le début de l’année, confirme Vincent, qui a dirigé Pavelec pendant ses deux années junior chez les Screaming Eagles du Cap-Breton. Je ne veux pas faire de comparaisons, mais il est aussi important pour nous que Sidney Crosby peut l’être à Pittsburgh ou Carey Price à Montréal. »

Cette saison, seul Ryan Miller a reçu plus de lancers que Pavelec, qui montre la meilleure moyenne de buts alloués parmi les cinq gardiens les plus bombardés de la LNH.

« L’une des choses qu’il maîtrise le mieux, c’est sa lecture du jeu, évalue Vincent. Pour un gardien de but, son sens du hockey est excellent. Il lit bien ce qui se passe devant lui et est capable de bien réagir. »

« Il nous apporte exactement ce qu’il apportait à son club junior à l’époque, mais dans une autre ligue. »

Jokinen, le grand frère de d’Evander Kane

L’attaque des Jets est menée par le capitaine Andrew Ladd, qui maintient une moyenne de près d’un point par match sur un trio efficace complété par Blake Wheeler et Bryan Little.

Sur la deuxième unité offensive, les entraîneurs ont pris la décision d’unir Evander Kane, le premier choix de l’organisation en 2009, et Olli Jokinen, un vétéran de 14 saisons qui en est à sa quatrième équipe en cinq ans. La production du grand Finlandais est en déclin depuis qu’il a fourni quatre saisons d’au moins 34 buts avec les Panthers de la Floride.

« Nous, on ne voit pas Jokinen comme un underachiever, défend Vincent. Il faut faire attention aux conclusions qu’on tire lorsqu’un joueur n’atteint pas les objectifs qui ont été fixés, dans le fond, par des inconnus. »

« Jokinen est un gars très brillant et a beaucoup d’expérience. On a tenté plusieurs expériences avec Evander depuis le début de la saison. On l’a placé avec Antropov, Burmistrov et un peu avec Wellwood, mais la chimie avec Jokinen est excellente. Ils sont jumelés à Antti Miettinen, un autre Finlandais, et les trois s’entendent à merveille. »

Âgé de seulement 21 ans, Kane est en position pour améliorer sa moyenne de points par match pour une quatrième saison consécutive. Utilisé à toutes les sauces, il fait partie d’un groupe d’une trentaine d’attaquants qui passent plus de vingt minutes par partie sur la patinoire. Et il en redemande!  

« Son coup de patin est tellement fluide qu’il n’a jamais l’air fatigué. Regardez-le bien au banc : il est toujours debout, il est prêt. Vingt minutes par match, ce n’est rien pour lui. Honnêtement, il pourrait en jouer trente », s’émerveille Vincent, qui précise que Kane a appris à effectuer des présences d’une durée plus raisonnable depuis son arrivée à Winnipeg.  

Mais le visage de l’avenir des Jets demeure un jeune adulte controversé. Souvent qualifié d’arrogant depuis le début de sa carrière, sa réputation a été écorchée dans un sens encore plus large au cours de la dernière année. Dans le petit marché passionné de Winnipeg, on a tenté d’entrer dans sa vie privée en l’accusant notamment de ne pas régler ses comptes avec les restaurateurs locaux et de cacher la nature réelle de mystérieuses blessures.

Pendant le lock-out, Kane n’a rien fait pour redorer son image en publiant sur son compte Twitter une photo sur laquelle il maniait à la blague une imposante quantité de billets verts.

« Il n’a que 21 ans, répète Vincent, qui dit entretenir une étroite relation avec le plus jeune joueur des Jets. Disons qu’il connaît son potentiel, mais il ne fait jamais rien, dans l’entourage de l’équipe ou même à l’extérieur, pour blesser quelqu’un ou faire un mauvais commentaire. Il a sa personnalité, mais il gagne en maturité à vue d’œil. »