Daniel Alfredsson s’est bien gardé de lever les bras au ciel lorsque, avec un peu plus d’une minute à faire en troisième période, de l’extérieur de la ligne bleue, il s’est emparé d’une rondelle libre pour tirer dans un filet désert et marquer le but qui scellait l’issue de la rencontre. Le but qui confirmait la victoire de 4-2 des Red Wings de Detroit aux dépens des Sénateurs d’Ottawa.

Un brin ou deux gêné d’obliger ses anciens fans de rentrer à la maison après une autre défaite de leurs favoris, une quatrième de suite et une dixième – dont deux en tirs de barrage – déjà cette saison au Centre Canadian Tire, l’ancien capitaine des Sénateurs s’est contenté des accolades offertes par ses coéquipiers.

Bien que la victoire était importante, c’est avant le match que Daniel Alfredsson a levé les bras au ciel. Il l’a d’ailleurs fait plus d’une fois afin de remercier les partisans qui lui ont offert une belle ovation avant la partie, sa première à Ottawa dans l’uniforme des Red Wings.

Aussitôt les hymnes nationaux interprétés, l’écran géant surplombant la patinoire s’est illuminé. Entre les plus impressionnantes statistiques accumulées par l’ancien capitaine au fil de ses 17 saisons à Ottawa, des faits saillants de sa brillante carrière ont soulevé les partisans.

Daniel Alfredsson domine toujours les Sénateurs au chapitre des matchs disputés (1178), des buts marqués (426), des passes récoltées (682) et du coup des points amassés (1108).

Il a marqué plusieurs buts qui ont marqué l’histoire de son équipe comme celui qui éliminait les Sabres de Buffalo en finale de l’Association Est en 2007 pour propulser Ottawa en finale de la Coupe Stanley. Une finale que les Sénateurs ont perdue aux mains des Ducks d’Anaheim.

Alfredsson avait toutefois dominé tous les marqueurs de la LNH en série cette année-là avec 14 buts, dont 4 filets gagnants, et 22 points.

Déjà sur la patinoire en raison de sa présence au sein de la formation partante, Alfredsson, souriant, a savouré chaque moment de cette présentation qui s’est terminée dans un mélange d’applaudissements et d’Alfie, Alfie, Alfie scandés par des partisans reconnaissants.

Comme il l’avait fait plusieurs fois à titre de première étoile au terme des matchs disputés dans l’uniforme des Sénateurs, Alfredsson, cheveux blonds au vent, s’est rendu au centre de la patinoire et a levé son bâton bien haut au-dessus de la tête pour renvoyer aux partisans une partie de l’affection qu’ils lui offraient généreusement.

« Je savais qu’une bande vidéo soulignerait mon retour, mais je n’avais aucune idée de la forme que tout cela prendrait. Ce fut un très beau moment. Un moment important autant pour les partisans que pour moi et les membres de ma famille. Un moment que je chérirai pour le reste de ma vie », a souligné Alfredsson après la rencontre.

Renouer les liens

Parti d’Ottawa dans des circonstances nébuleuses – l’ancien capitaine a signé un contrat à titre de joueur autonome avec les Red Wings de Detroit après que la direction des Sénateurs eut refusé de lui offrir le contrat qu’il réclamait – Daniel Alfredsson a pu renouer les liens avec ses fans en fin de semaine.

Parce que les Red Wings ont passé le week-end dans la capitale fédérale, Alfredsson a pu savourer pleinement son retour à Ottawa. Une ville qu’il appelle toujours la maison.

« Les circonstances étaient idéales. Ma femme et nos quatre enfants sont venus me rejoindre. Nous avons pu renouer avec un tas d’amis et surtout apprécier ce retour au lieu de le vivre de façon expéditive. C’était spécial de passer devant notre ancienne maison – son compatriote et ancien coéquipier Robin Lehner l’a acheté l’automne dernier – et de revivre la routine que j’ai respectée pendant toutes mes années ici », m’expliquait Alfredsson que j’ai croisé en fin d’après-midi tout juste après son arrivée au Centre Canadian Tire.

Une arrivée remarquée effectuée en compagnie de son grand ami et ancien coéquipier Erik Karlsson.

« Nous nous sommes vus lors des escales des Sénateurs à Detroit plus tôt cette saison. Mais d’être avec lui aujourd’hui pour faire le trajet en direction de l’amphithéâtre, de parler ensemble de nos vies, de l’équipe, ça m’a permis de replonger dans mon ancienne réalité. »

Daniel Alfredsson souhaitait bien sûr recevoir un bel accueil de la foule. Il l’a obtenu. Bien candidement, il assurait souhaiter que les fans des Sénateurs se rangent ensuite derrière leur équipe et non leur ancien capitaine.

Ils l’ont fait.

Car si Alfredsson a eu droit à quelques élans de « Alfie! Alfie! Alfie! » en cours de la rencontre, il a aussi dû essuyer des rafales de huées en fin de deuxième période et aussi en troisième lorsqu’il touchait à la rondelle et lorsqu’il a marqué son but.

« C’est de bonne guerre. Ça ne change rien à l’affection que je voue à cette ville, à cette équipe, à l’organisation et surtout aux partisans », assurait Alfredsson après la victoire.

Une victoire qui a auréolé un peu plus son retour à Ottawa, mais qui n’était pas nécessaire.

« Je ne crois vraiment pas que ces retrouvailles seraient moins émotives et satisfaisantes après une défaite. Je suis content d’avoir gagné. C’est évident. Surtout que les Sénateurs nous avaient bien ramassés – des gains de 6-1 et de 4-2 – lors des deux premiers duels à Detroit. Mais j’avais tellement hâte à ce match, j’avais tellement hâte de renouer contact avec les fans que l’issue du match n’aurait rien changé. »

En plus de marquer le but d’assurance, Daniel Alfredsson s’est fait complice du premier but de son équipe. Après 23 matchs cette saison, le vétéran âgé de 41 ans revendique déjà 7 buts et 21 points.

Johan Franzen a ouvert la marque en première. Drew Miller a marqué les deux autres buts des Wings avant qu’Alfredsson ne scelle l’issue du match en toute fin de rencontre.

Clarke MacArthur et Mika Zibanejad, avec moins de 90 secondes à faire au match, ont inscrit les buts des Sénateurs.

Prochains honneurs

Ce match historique maintenant passé, Daniel Alfredsson reviendra au centre de l’attention médiatique à Ottawa lorsque les Sénateurs décideront de retirer son chandail numéro 11. Une décision que le propriétaire de l’équipe, Eugene Melnyk, a pratiquement annoncée hier.

Dans une entrevue accordée à TSN avant le match, Melnyk qui se prélassait toutefois à la Barbade au lieu d’être à Ottawa où il aurait dû être pour l’occasion, a indiqué que s’il était un parieur, il miserait sur les chances de voir le chandail numéro 11 flotter au plafond du Centre Canadian Tire un jour.

« Je ne suis qu’un joueur de hockey. Je suis déjà comblé de faire ce que j’ai fait toute ma carrière. Ce n’est pas à moi de dire si je mérite, ou non, pareil honneur », a plaidé bien sagement Alfredsson après le match.

Si Alfredsson a décidé d’afficher de la discrétion dans ces commentaires, je ne suis pas obligé de m’astreindre à la même retenue.

Non seulement son chandail flottera un jour au-dessus de la patinoire des Sénateurs à Ottawa, mais je demeure convaincu qu’il occupera une place de choix au Temple de la renommée du hockey également.

Voilà!

Mais avant de militer pour ces futurs honneurs personnels, Daniel Alfredsson a encore des choses à accomplir comme joueur. Il rêve toujours à une éventuelle conquête de la coupe Stanley et espère défendre les couleurs de sa Suède natale lors des prochains Jeux olympiques à Sotchi en février.

De mal en pis pour les Sens

S’ils ont pu se consoler avec les célébrations entourant le retour de leur ancien capitaine, les partisans des Sens doivent composer avec une réalité qui fait peur : leur équipe joue du très mauvais hockey et après 27 matchs, elle donne l’impression qu’une présence en séries éliminatoires tient plus du rêve que de la réalité.

« On a mieux joué aujourd’hui, mais pas assez bien pour gagner », a simplement analysé l’entraîneur-chef Paul MacLean après une deuxième défaite consécutive de son équipe, une troisième lors des quatre derniers matchs, une sixième à ses huit dernières parties.

Contrairement à l’an dernier alors qu’ils étaient rapides sur patins et aussi dans les transitions, les Sénateurs sont lents sur la patinoire. Les sorties de zone sont mal orchestrées, les entrées en territoire ennemi manquent de conviction et la qualité d’ensemble du jeu fait défaut. D’équipe qui faisait chèrement payer à ses adversaires les erreurs commises l’an dernier, les Sénateurs sont aujourd’hui très vulnérables.

« Nos prises de décision et surtout notre exécution font défaut. Nous sommes lents parce que notre exécution n’est pas optimale. Ajoutez à cela des erreurs de concentration et vous avez une série de facteurs qui expliquent nos insuccès des derniers matchs », a convenu MacLean.

Trois fois hier les Red Wings ont marqué sur des montées orchestrées lors de mauvais changements de trio au banc des Sénateurs. « Tu ne peux pas te permettre de commettre ce genre d’erreurs contre une équipe aussi expérimentée que les Wings. Ça illustre notre situation. Il faudra être meilleur dans bien des aspects du jeu. Meilleurs, plus combatifs, plus concentrés. Il faudra aussi cesser de donner des avances en début de match si l’on veut profiter de l’avantage de la patinoire », a ajouté MacLean.

Non seulement les Sénateurs ont-ils accordé le premier but de la rencontre hier, mais les Wings étaient en avant 2-0 à mi-chemin dans la rencontre lorsqu’Ottawa s’est inscrit au pointage.

Préféré à Craig Anderson qu’il avait remplacé lors du dernier match des Sens, Robin Lehner a accordé trois buts sur 22 tirs.

« Je n’ai rien à dire sur la performance de Robyn ce soir. Il ne nous a pas coûté le match », a plaidé Paul MacLean après le match.

L’entraîneur-chef avait d’ailleurs bien raison. Car s’il n’a effectué que 19 arrêts, Lehner a réalisé plus d’arrêts difficiles et importants que Jonas Gustavsson qui a repoussé 30 des 32 tirs des Sénateurs.

Ces 32 tirs des Sénateurs représentent une source de consolation. Une victoire morale. Mais pour sauver leur saison, les joueurs des Sénateurs devront cesser de se consoler avec des nombres de tirs au but ou célébrer des victoires morales.

Ils devront gagner.

Et pour gagner, ils devront jouer beaucoup mieux que Jason Spezza, Erik Karlsson et le reste de l’équipe l’ont fait encore hier.

Chiffres du match

4 – Les Wings ont signé hier une 4e victoire de suite en l’absence de leur grand leader Pavel Datsyuk qui ratait une 4e partie consécutive en raison des contrecoups d’une commotion cérébrale lors du dernier match opposant Detroit et Ottawa. Le joueur de centre russe n’a pas encore repris l’entraînement avec son équipe...

4 – les Sénateurs revendiquent 4 victoires seulement à domicile cette saison. Seuls les Sabres de Buffalo et les Oilers d’Edmonton (3) ont fait pire que les Sens, les Panthers, les Stars et les Flames jusqu’ici cette saison…

5 – Victimes d’une séquence de sept revers de suite plus tôt cette saison, les Wings ont été en mesure de soutirer des points dans cinq de ces sept défaites s’inclinant deux fois en prolongation et trois autres en tirs de barrage. Des points bonis qui aideront la cause des Wings dans la course aux séries…

7 - Les Red Wings de Detroit et les Bruins de Boston ont encaissé seulement sept défaites en temps réglementaire cette saison. Ils sont les meilleurs à ce chapitre dans l’Est. Les Sharks de San Jose sont toujours premiers dans la LNH avec trois seulement…

11 – Bien mince consolation pour leurs partisans, les Sénateurs n’ont pas accordé de but en désavantage numérique pour la première fois en huit matchs. Vous avez bien lu ! Lors des sept dernières parties, les Sens avaient accordé 11 buts en 31 désavantages pour une affreuse moyenne d’efficacité de 64,5 %...

12 – Outre Daniel Alfredsson, 11 autres Suédois étaient en uniforme au Centre Canadian Tire pour le match Detroit-Ottawa. Neuf du côté des Wings et trois (Erik Karlsson, Mika Zibanejad et Robin Lehner) pour les Sénateurs… Combien de Québécois dans l’une ou l’autre des formations? Zéro!

13 - Les Sénateurs ont encaissé hier une 13e défaite en temps réglementaire cette saison et une septième à leurs 10 derniers matchs (3-7-0-0)…

1100 : Chris Phillips disputera son 1100e match en carrière lors de la prochaine rencontre des Sénateurs, mardi, dans le sud de la Floride contre les Panthers…