Classement : vos meilleurs moments en séries?

 

ST LOUIS - L’œil hagard et un brin humide, le visage défait, le dos voûté par le poids d’une 17e élimination qui le gardera encore cette année trop loin d’une coupe Stanley qu’il n’a pas encore soulevée, d’une coupe qu’il ne soulèvera peut-être jamais, Joe Thornton a lâché un « non » bien timide lorsque les journalistes lui ont demandé s’il avait déjà songé à son avenir.

 

Il était trop tôt pour répondre à cette question. La douleur était trop vive. La réalité qui le frappait une fois encore en plein visage était bien trop cruelle pour reconnaître que c’est maintenant terminé. Qu’à bientôt 40 ans, après une carrière de 21 saisons, de 1556 matchs au cours de laquelle il a marqué 413 buts, mais surtout récolté 1065 mentions d’aide à titre de l’un des meilleurs passeurs de l’histoire, il est maintenant temps de passer à autre chose.

 

Remarquez que la déception aurait pu lui dicter cette triste annonce qui n’aurait surpris personne.

 

Mais les portes du Temple de la renommée qui s’ouvriront devant lui dès qu’il se présentera devant elles semblent pour le moment une trop mince consolation pour faire une croix sur l’objectif suprême : une conquête de la coupe Stanley.

 

« Nous étions si près », a murmuré Thornton en regardant le sol devant lui.

 

On aurait voulu lui répliquer que lui et ses Sharks étaient moins près qu’ils le croyaient de leur objectif comme l’indiquait avec éloquence le revers de 5-1 qu’ils venaient d’encaisser aux mains de Blues plus jeunes, plus vifs, plus rapides, plus affamés et surtout plus en santé. Car privés qu’ils étaient de leur capitaine Joe Pavelski, du défenseur étoile Erik Karlsson et de Tomas Hertl, les Sharks ne faisaient pas le poids. Mais alors là pas du tout.

 

Mais ce n’était pas l’occasion de lancer une telle vérité au visage de Thornton.

 

Le grand joueur de hockey qu’il a toujours été, mais surtout l’homme qui se cache derrière ce futur membre du Temple de la renommée, ne méritait pas pareil rappel à l’ordre.

 

Ça sautait aux yeux.

 

Un ado dans un corps de petit vieux

 

Encore capable d’être cabotin, malgré la quarantaine qui se pointe. Encore capable de sourire, de rigoler et d’être même parfois affable avec les journalistes malgré le fait qu’il se faisait de plus en plus distant depuis quelques années – depuis que les Sharks l’ont déchu de son titre de capitaine – Thornton faisait son âge dans le vestiaire sombre des Sharks mardi soir.

 

Il faisait même plus que son âge.

 

Sa longue barbe n’incitait plus aux blagues. Que non! Elle semblait une confirmation que le temps était peut-être venu pour cet éternel adolescent de prendre une décision qu’il repousse depuis des années pour une seule raison : pour gagner la coupe Stanley.

 

La damnée coupe Stanley que Thornton et les Sharks ont encore échappée.

 

Hésitant à poser une question de trop, les journalistes qui entouraient Thornton sont demeurés cois pendant 30 secondes. Pendant une minute peut-être.

 

Ils avaient les yeux rivés sur Thornton et les oreilles accrochées à sa voix éteinte en attente d’une déclaration qui n’est jamais venue. Car après avoir félicité comme il se devait les joueurs des Blues avec qui il venait d’échanger des poignées de main, Thornton a tenté une déclaration. Mais elle est vite tombée à plat : « Vous savez… Je ne sais plus. Je ne sais plus. Ok! Merci tout le monde », a finalement conclu Jumbo Joe en se levant pour retraiter dans un coin reculé et plus discret du vestiaire.

 

Si près, mais si loin

 

Que ce soit avec les Bruins ou les Sharks, Joe Thornton a accédé aux séries 17 fois en 21 saisons. Il a disputé un total de 33 rondes éliminatoires au cours desquelles il a disputé 179 matchs. Sa production : s’élève à 31 buts et 102 passes.

 

Malgré ce parcours impressionnant, on retiendra qu’il a atteint la finale de la coupe Stanley une seule fois, en 2016, et qu’il n’a pu que jeter un coup d’œil à la coupe Stanley que Sidney Crosby a soulevée au terme d’une victoire des Penguins aux dépens des Sharks en six parties.

 

Quand on regarde simplement les statistiques offensives, on pourrait facilement croire que Thornton reviendra une fois de plus avec les Sharks l’an prochain. On pourrait même le souhaiter puisqu’il a quand même récolté 10 points (quatre buts) en séries ce printemps et qu’il a amassé 51 points (35 passes) en 73 matchs disputés cette année en saison régulière. Son plus haut total en trois saisons.

 

Mais une perte de vitesse qui le rend bien trop vulnérable en défensive – comme ses partisans les plus enjoués l’ont malheureusement remarqué trop souvent au cours des séries, je le sais, je fais partie de ce groupe – impose pratiquement la décision de tourner la page.

 

Une fenêtre s’est fermée, une autre à ouvrir

 

Qu’elle vienne demain, dans une semaine, dans un mois, ou dans un an, l’annonce d’une retraite bien méritée marquera la fin de l’époque Joe Thornton dans la LNH.

 

C’est acquis.

 

Comme il semble acquis que l’élimination aux mains des Blues en finale de l’Ouest se traduira aussi par la fin d’une époque pour les Sharks.

 

Retirant une à une les dernières pièces de son équipement, Brent Burns jetait un coup d’œil sur sa droite pendant que Joe Thornton espaçait ses réponses.

 

Aux deux journalistes qui, comme lui, tendaient l’oreille sans pouvoir s’approcher davantage de Thornton, Burns a lancé des éloges à l’endroit de son grand coéquipier, ami et leader.

 

« Nous voulions tellement gagner. Pour nous. Pour nos partisans, mais aussi pour lui. Il n’y a pas de mots suffisants pour décrire la grandeur du joueur que Joe a toujours été. Et il est plus grand encore en tant qu’ami ; en tant que coéquipier. La défaite de ce soir fait très mal, mais de le voir là, avec ce que cette défaite représente, ça fait plus mal encore. Nous étions convaincus d’avoir la chimie et la magie nécessaire pour nous rendre au bout. On le croyait vraiment. Ça aussi ça fait mal. Parce que quand tu y crois autant que nous y croyions, la réalité frappe encore plus fort quand elle t’atteint », a lancé le défenseur format géant qui pourrait bien être le seul barbu des Sharks l’an prochain.

 

Une éventualité avec laquelle Burns doit, comme tous ses coéquipiers, composer depuis un bon moment. Mais il refuse de l’admettre. Du moins, il refusait de le faire après la défaite de mardi.

 

Comme il refusait de donner raison à tous ceux, et ils sont nombreux, qui croient que l’incapacité de se rendre à la coupe Stanley encore cette année obligera les Sharks à apporter des changements importants à l’équipe pour rouvrir une nouvelle fenêtre d’opportunité.

 

Car celle devant laquelle les Sharks tentaient de se faufiler depuis des années semble maintenant fermée.

 

Outre Thornton qui pourrait bien annoncer sa retraite, il semble peu probable qu’Erik Karlsson prolonge son expérience avec les Sharks. Bien que son état de santé soulève bien des questions et qu’il pourrait refroidir les ardeurs de quelques équipes, il semble acquis que des clubs offriront la lune en millions et en années au défenseur suédois. Des offres que les Sharks pourraient difficilement égaler.

 

Et il y a Joe Pavelski. Le capitaine des Sharks pourrait profiter de son autonomie complète l’été prochain. À 38 ans, il a encore du bon hockey à offrir. Mais si les Sharks veulent tourner la page et repartir sur des bases nouvelles, ils pourraient être tentés de miser sur Logan Couture comme prochain capitaine et utiliser les millions $ économisés avec Pavelski pour trouver de nouveaux jeunes joueurs pour entourer Couture.

 

Ce scénario est possible. Mais à 6 millions $ qu’il coûtait par saison sous le plafond, Pavelski était un joueur plus que rentable. Un capitaine apprécié dans le vestiaire. Et immensément respecté en dépit son surnom de « Little Joe » en raison de l’omniprésence du «Jumbo Joe» que tout le monde connaît.

 

On se demande donc si le DG Doug Wilson pourrait décider de rompre les liens avec Pavelski comme il l’a fait avec Patrick Marleau au lieu de permettre à son capitaine de compléter sa carrière avec « son » équipe au milieu de « ses » coéquipiers.

 

Problèmes et solutions

 

Les Sharks devront aussi se demander si Martin Jones est vraiment le gardien dont ils ont besoin pour se rendre aux grands honneurs. Capable de performances solides sans être brillantes, Jones et malheureusement très souvent capables de performances moyennes, voire carrément mauvaises.

 

Et que dire d’Evander Kane? Âgé de 27 ans, Kane touchera 7 millions $ en moyenne pour les six prochaines saisons. C’est très cher payé pour un joueur sur lequel les Sharks comptaient énormément en séries, mais qui est loin d’avoir joué à la hauteur des attentes comme en témoignent ses deux buts et huit points en 20 parties et un différentiel de moins-5.

 

Trois de ces huit points (un but, deux passes) ont été récoltés lors des deux premiers matchs de la série contre Vegas en première ronde. En finale de l’Ouest, il s’est contenté d’une passe.

 

De fait, Kane a fait bien plus parler de lui en raison de ses guerres de mots avec les membres des Golden Knights et ses 61 minutes de pénalité que par la contribution offensive qu’on attendait de lui.

 

Comme Martin Jones, Evander Kane fait-il partie des solutions ou des problèmes des Sharks?

 

La question mérite d’être posée.

 

La réponse à cette question et à toutes celles qui détermineront l’avenir des Sharks à court, moyen et long terme viendra au cours des prochains jours, semaines et mois.

 

À commencer par celle qui déterminera l’avenir de Jumbo Joe Thornton.