Tommy Lafrenière, le Québécois venu de l'Ouest
BUFFALO – Sylvie Paré et Guy Lafrenière ont tenu leur bout longtemps. Le hockey l'été, c'était non pour leur fils Tommy.
Quand on vit sur l'île d'Hornby, une petite parcelle de paradis située tout près de l'île de Vancouver et surnommée « l'Hawaï du Nord » – ses 1225 habitants* vous prieraient de ne pas trop ébruiter la chose svp –, on joue dehors.
Vélo de montagne, triathlon, baseball, pickleball, plage… L'adolescent s'est adonné avec plaisir à toutes ces choses au fil de son adolescence, même si l'envie de chausser les patins comme ses amis le démangeait.
Car si Sylvie et Guy ont décidé il y a 17 ans de quitter Montréal pour aller vivre à temps plein l'aventure de l'Ouest canadien, c'était pour offrir à Tommy et ses deux sœurs aînées l'opportunité de grandir au grand air.
Ils étaient cependant loin de se douter que leur petit Tommy, alors âgé de neuf mois, s'y développerait sur la patinoire au point de bientôt être repêché dans la LNH.
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Les Lafrenière ont d'abord établi leur camp de base hivernal à Whistler, la mecque du ski alpin au Canada. Naturellement, la petite famille a vite été attirée sur les pentes.
Kaila, l'aînée de la fratrie, y a trouvé sa passion, au point de devenir une skieuse de haut niveau qui évolue aujourd'hui sur l'équipe de l'Université de l'Utah dans la NCAA.
Tommy a aussi développé un certain talent bottes de ski aux pieds, si bien qu'il a croisé la légende québécoise du ski acrobatique Mikaël Kingsbury le temps d'un camp.
« Tommy, c'est un skieur phénoménal », s'émerveillait récemment sa mère lors d'une conversation téléphonique avec le RDS.ca.
« Tout semblait me diriger vers ça », confiait quant à lui Lafrenière au début du mois au Camp d'évaluation des espoirs de la LNH à Buffalo. « Je skiais quasiment chaque jour. »
Reste que c'est au hockey qu'il voulait jouer. Et il l'a su au premier instant.
« J'aimais tellement ça être sur la glace, patiner vite, scorer des buts. Je voulais juste faire ça. »
« Assez rapidos, il a montré qu'il avait du potentiel, poursuit sa plus grande fan. C'est comme s'il était fait pour jouer au hockey cet enfant-là. »
Un naturel pour le sport de Maurice Richard, Lafrenière s'est toutefois rapidement heurté aux limites du niveau de jeu offert par le hockey mineur de Whistler.
« Ce n'était pas le hockey le plus fort c'est sûr, reconnaît aujourd'hui l'attaquant des Blazers de Kamloops. J'allais à Vancouver pour y jouer du hockey de printemps et c'était le plus haut niveau dans lequel je pouvais jouer.
« Durant l'hiver, c'était un peu plus pour ma confiance. J'avais du fun, je skiais, mais quand venait le temps du hockey de printemps, c'était du sérieux. »
Lafrenière s'est développé ainsi jusqu'à l'âge de 12 ans, devenant l'un des meilleurs hockeyeurs de son groupe d'âge en Colombie-Britannique. Un entraîneur a alors recommandé à ses parents qu'il déménage à Vancouver afin qu'il y développe ses habiletés au sein de l'élite.
La maladie d'une proche a toutefois à ce moment précis ramené les Lafrenière au Québec et non loin des pentes pour un intermède de deux ans.
En choisissant Saint-Sauveur comme lieu de résidence, la famille a permis à la jeune Kaila de continuer à y peaufiner ses habiletés de skieuse, jusqu'à faire sa place sur Équipe Québec.
Tommy s'est quant à lui joint au programme des Sélects du Nord sur la patinoire, se retrouvant dans une situation similaire à celle vécue à Whister. Encore une fois, il était trop fort pour son groupe d'âge.
« Ils voulaient encore le remonter dans une année plus forte », se souvient sa mère.
Lafrenière n'aura finalement joué qu'une saison avec les Sélects, le temps rêver à une participation au tournoi pee-wee de Québec et de faire son apparition dans un top-20 des meilleurs joueurs de la province selon le Journal de Québec, avant que la COVID ne le ramène en Colombie-Britannique.
Le hockey étant alors à l'arrêt complet au Québec, les parents de Lafrenière ont accepté qu'il quitte à 14 ans pour Abbotsford afin de se joindre à la Yale Hockey Academy, une école préparatoire.
À sa première saison en 2021-2022, Lafrenière amasse plus d'un point par match (15 buts et 25 passes en 30 rencontres) et tombe dans l'œil des Blazers de Kamloops, un club de la Ligue junior de l'Ouest (WHL) qui fait de lui un lointain choix de 8e tour, le 174e au total.
« Je faisais peut-être 5 pi 6 po et 150 lb à l'époque. Ma game n'était pas où elle devait être. Je pense que la 8e ronde, c'était un bon fit. »
Une sélection payante, à tout le moins. Dans les deux saisons qui ont suivi, Lafrenière a maintenu avec Yale une cadence de plus d'un point par sortie avec 39 et 58 points en 34 et 30 rencontres.
Rappelé par les Blazers à la fin de la campagne 2023-2024, l'ailier droit a ensuite récolté deux buts et deux mentions d'aide en neuf prestations. Et, surtout, un argument de poids.
Le hockey l'été, c'était maintenant oui.
« J'ai travaillé fort pour convaincre mes parents, mais je devais faire des compromis. Au final, ils voulaient ce qui était le mieux pour moi. »
À sa première année complète avec les Blazers, une équipe en reconstruction, Lafrenière a inscrit 24 buts et 56 points à sa fiche, le troisième plus haut total chez les recrues de la WHL cette saison. C'est quatre de moins que le premier de classe, le surdoué Landon Dupont.
En octobre, dans sa première liste des joueurs à surveiller en vue du repêchage 2025, la Centrale de recrutement de la LNH projetait Lafrenière comme un espoir pouvant aspirer aux rondes 6 et 7. À la mi-saison, l'attaquant de 5 pi 11 po et 172 lb avait grimpé au 86e rang. Il a fini l'année au 57e échelon.
« Il y a un an, jamais je n'aurais pensé me retrouver ici », confie celui qui peut aujourd'hui rêver à une sélection à partir de la troisième ronde.
« Il n'y a pas de présence de congé pour Tommy Lafrenière, dépeint le site spécialisé Elite Prospects. Cet attaquant polyvalent a affiché de gros chiffres au sein d'une équipe faible grâce à son impressionnant moteur, son attention aux détails et son pif pour le filet.
« Lafrenière gagne des rondelles avec sa vitesse, des contacts efficaces ou simplement par ses efforts si le reste échoue. Engagé dans le jeu, il n'arrête jamais de se battre pour la rondelle, spécialement sur l'échec-avant, et la récupère souvent. »
Cette ardeur au travail n'est pas sans rappeler celle qu'affiche depuis toujours son idole de jeunesse, Brendan Gallagher.
« J'ai porté le numéro 11, comme lui, presque toute ma vie », révèle celui qui a d'ailleurs abordé le sujet avec les Canadiens de Montréal lors d'un entretien avec ces derniers par Zoom cette saison.
« Il est peut-être plus vieux aujourd'hui, mais c'est quasiment tout le temps lui qui travaille le plus fort sur la glace », admire-t-il. Lafrenière se reconnaît toutefois un peu plus dans le jeu d'un autre membre du Tricolore, le capitaine Nick Suzuki.
Comme quoi les racines québécoises sont bien présentes chez ce Britanno-Colombien qui converse toujours en français à la maison avec sa famille.
« Je suis un peu un mix des deux. J'aime bien ça parler français, j'aime aller à Montréal, à Saint-Sauveur. J'ai grandi à Whistler et c'est chez moi, mais Montréal a aussi une place spéciale dans mon cœur. »
*Données du recensement canadien de 2021.