Mikyla Grant-Mentis, résiliente et inspirante
Mikyla Grant-Mentis dispute sa deuxième saison dans l'uniforme de la Victoire de Montréal. Son choix de carrière est loin d'être un hasard, puisque l'attaquante est la digne descendante d'une lignée de hockeyeurs.
L'arrière-grand-père Robert Mentis a évolué dans la Coloured Hockey League, un circuit composé de joueurs noirs fondé en 1895 à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Ses quatre fils ont aussi gravité dans l'univers du hockey, particulièrement John qui a participé à trois camps d'entrainement des Bruins de Boston et joué dans la Ligue Senior du Québec dans les années 60. Le grand-père de Mikyla, Robert Cook Mentis, a joué à Sudbury et y a fondé sa famille.
Le paternel, James, a plutôt opté pour le hockey balle et représenté le Canada sur la scène internationale jusqu'à l'âge de 49 ans. Sa fille ne s'est jamais vue faire autre chose que de jouer au hockey.
« Évidemment, quand j'étais jeune il n'y avait pas de ligue féminine. Maintenant que la LPHF existe, je vis mon rêve. J'ai toujours su que c'est ce que je voulais faire dans la vie. »
La native de Brampton avait des patins au pied à l'âge de deux ans. Ses parents auraient préféré qu'elle opte pour la danse, mais rien à faire. Elle a commencé à jouer aux côtés de son jumeau Marquis, suivant également les traces de l'aîné de la famille Tre. L'attaquante a fait son chemin jusque dans la NCAA où elle a évolué pour Merrimack College, au Nord de Boston. Jamais considérée par Équipe Canada, elle est tout de même la première hockeyeuse noire à remporter le titre de joueuse par excellence dans la défunte Premiere Hockey Federation (PHF), signant ensuite le contrat le plus lucratif du circuit pour une somme de 80 000$ américains. Tout au long de son remarquable parcours, elle n'avait pas d'idole noire vers qui se tourner.
« C'était difficile de ne pas voir personne à qui je pouvais m'identifier et qui pouvait me permettre de rêver. Mon père a été mon modèle avec tout ce qu'il réalisait pour l'équipe canadienne de hockey balle. Si lui pouvait le faire, je le pouvais aussi. »
Sa mère Sandra s'est aussi imposée comme un modèle de force et de résilience, elle qui a combattu un cancer du sein en 2010.
« On lui a diagnostiqué un cancer de stade 4, le plus agressif. Les médecins n'avaient pas beaucoup d'espoir » se rappelle Mikyla. « Elle s'est battue jour après jour. Si elle avait de la chimiothérapie le matin, elle me reconduisait quand même à l'aréna pour que je joue mon match le soir. Elle s'est battue tellement fort pour moi. Je savais que je devais accomplir quelque chose de grand dans le hockey pour la rendre fière. » Cette épreuve a fait comprendre à la jeune femme, maintenant âgée de 26 ans, que rien n'est impossible.
Malgré ses succès dans la PHF, Mikyla a été ignorée lors du premier repêchage de la LPHF. Elle a dû se rabattre sur une invitation de l'équipe d'Ottawa pour faire ses débuts dans le nouveau circuit professionnel. Après six matchs, l'attaquante a été libérée. Retour à la case départ. Elle s'est résignée à joindre l'équipe de réserve de Montréal pour finalement s'établir comme joueuse régulière et ne plus jamais regarder derrière.
« Mes parents m'ont appris qu'il y aurait des embûches, mais qu'il faut seulement passer au travers. Tout finit par s'arranger si tu continues à travailler fort chaque jour. »
Devenir le modèle qu'elle n'a jamais eu
La LPHF souligne le Mois de l'Histoire des Noirs grâce à une collaboration avec une artiste montréalaise. Kezna Dalz a redessiné le logo pour « raconter une histoire puissante de célébration, de résilience et de communauté au sein du hockey », explique le circuit.
Il reste que les joueuses noires se comptent sur les doigts d'une main dans la LPHF. Sarah Nurse, Sophie Jaques et Mikyla Grant-Mentis sont de rares modèles qui peuvent inspirer la prochaine génération.
« C'est sûr que c'est difficile et que ça amène une certaine pression. Mais ce qu'on est en train d'accomplir aide à faire grandir le sport. Les jeunes filles noires qui nous regardent savent qu'elles peuvent faire carrière dans le hockey. »
Grant-Mentis cite au passage l'apport de Saroya Tinker, ex-hockeyeuse maintenant responsable des initiatives de diversité, d'équité et d'inclusion pour la LPHF. Tinker a également mise sur pied la branche canadienne du Black Girl Hockey Club en 2022.
« Si elles voient que c'est possible, elles peuvent en rêver. C'est énorme pour les jeunes » ajoute celle qui adore s'impliquer auprès des enfants en les dirigeant dans différents camps d'entrainement durant l'été.
La hockeyeuse espère marquer les esprits comme l'a fait PK Subban, lors de son passage à Montréal.
« Je n'ai pas du tout son style sur la patinoire, mais je me reconnais dans son parcours. Il a joué pour plusieurs équipes et c'est quelqu'un qui m'inspire beaucoup. Maintenant on le voit analyser à la télévision et c'est très bon pour les jeunes garçons et filles de voir ça. »
À l'image de Subban, Mikyla aime les styles flamboyants. Elle ne passe jamais inaperçue, dans les clichés partagés par l'équipe, lors de son arrivée à l'aréna. « Je fais mon gros possible, mais je ne lui arrive pas à la cheville! », dit-elle en éclatant de rire.
Grant-Mentis rejoint toutefois l'ancien défenseur étoile sur son amour pour Montréal. La communauté la ravit, mais elle est complètement séduite par la scène culinaire, à commencer par la poutine.
« J'adore le fromage! Tu ajoutes de la sauce et des frites fabuleuses et c'est tout ce dont j'ai besoin! »
Assumée, pétillante et résiliente. Montréal et la LPHF peuvent difficilement demander mieux comme visage de la diversité dans le sport.