LAVAL – Assis devant son casier, les deux mains enfouies dans les poches de son chandail, le regard égaré dans son imaginaire, Cale Fleury ne fait pas un mois de plus que son âge.

 

Cheveux en bataille, grand sourire juvénile, un petit duvet recouvrant ses joues rouges. Il n’a ni les tatouages de Brett Kulak, ni la dentition trouée de Kenny Agostino, ni la barbe généreuse d’Alexandre Grenier. Pas besoin d’un certificat de naissance pour savoir qu’on a affaire à un jeunot.

 

Un jeunot « pesant, bâti », décrit avec justesse Daniel Jacob, l’entraîneur-adjoint attitré aux défenseurs chez le Rocket de Laval. Mais un jeunot quand même. Fleury, qui célébrera son 20e anniversaire de naissance le 19 novembre prochain, est le cadet du club-école du Canadien. Avec Alexandre Alain et Hayden Verbeek, il est l’une des trois recrues à s’y être fait une place en provenance du junior cette saison.

 

Mais lorsque Fleury enfile son numéro 38 et plante ses patins devant le quintette adverse, le clivage qui le sépare des vétérans est plus subtil de jour en jour. Son coup de patin est à la hauteur des exigences de la Ligue américaine, ses coups d’épaules lui permettent d’obtenir le respect à l’extérieur de la ligne bleue adverse et son flair offensif lui permet de faire sa part une fois qu’il la franchit. Utilisé dans sept des neuf matchs du Rocket depuis le début de la saison, Fleury est la recrue la plus productive de l’équipe avec quatre points.

 

En entrevue, ses entraîneurs ne se font pas prier pour reconnaître sa progression et les jours de matchs, cette confiance se traduit dans leurs décisions. Le 17 octobre, c’est le nom de Fleury que Joël Bouchard a décidé de rayer de sa formation pour y insérer celui de Gustav Oloffson. En fin de semaine dernière, à Rochester, c’est plutôt le Tchèque Michal Moravcik qui a été laissé de côté pour faire une place au nouveau venu Ryan Sproul.

 

On a largement spéculé sur le potentiel de la cuvée tricolore au repêchage de 2017. Comme choix de première ronde, Ryan Poehling semble faire l’unanimité. Josh Brook, le premier des quatre défenseurs dénichés cette année-là, connaît un début de saison du tonnerre dans la Ligue junior de l’Ouest. Le gardien Cayden Primeau, un choix de septième ronde, attire l’attention pour toute les bonnes raisons dans la NCAA.

 

Fleury, l’un des deux choix de troisième ronde de l’organisation cette année-là, est le premier de ce groupe à accéder au niveau professionnel et déjà, les signes qu’il montre sont très encourageants.

 

« Peut-être un peu, répond Fleury quand on lui demande si son rendement jusqu’à maintenant dépasse ses propres attentes. Mais je commence à réaliser que j’ai ce qu’il faut pour tenir mon bout à chaque soir dans cette ligue. À mon premier match, j’en ai arraché un peu, mais mes deux suivants ont été beaucoup mieux et depuis ce temps-là, je sens que je m’améliore constamment. »

 

« Ce que j’aime de Cale, c’est qu’il écoute. Il est réceptif et il pose des questions, a remarqué Daniel Jacob. Quand je veux le challenger, je vais le voir et je lui demande : ‘qu’est-ce que tu aurais pu faire différemment?’. Plus souvent qu’autrement, il a la bonne réponse. C’est un petit gars lucide et très intelligent au niveau du hockey. À date, je suis impressionné par sa capacité d’adaptation. »

 

Le parfum et les épines

 

Fleury était admissible à un retour dans le junior pour une cinquième saison, mais sa date de naissance lui permettait de faire le saut chez les pros à 19 ans. Les deux options étaient sur la table lorsqu’il est retourné au domicile familial après sa participation au tournoi de la Coupe Memorial au printemps dernier.

 

À Regina, Fleury aurait rempli un chandail avant de servir de monnaie d’échange à une jeune équipe en reconstruction. « On aurait fini par m’échanger contre des jeunes ou des choix au repêchage, quelque chose du genre », suppose-t-il. Comme l’idée l’intéressait plus ou moins, il a décidé de prendre les moyens pour contrôler son propre destin.

 

Il est arrivé à Brossard pour le camp de développement du Canadien en juillet avec des valises remplies à capacité. Plutôt que de retourner à Calgary après cette semaine formatrice, il est resté à Montréal pendant un mois supplémentaire pour s’assurer d’optimiser sa préparation.

 

« Les étés précédents, ma plus grande préoccupation était d’essayer d’apprendre le nom des soigneurs et des gars d’équipement. Cette année, j’y allais avec une toute autre intention. »

 

Fleury devait démontrer à ses patrons qu’il était assez près du prochain niveau pour justifier qu’on lui réserve une précieuse place dans la brigade défensive de l’équipe réserve. Il a remporté son pari et a signé son contrat d’entrée dans la Ligue nationale le 4 octobre.

 

Depuis, il hume l’odeur des roses en tâchant de ne pas trop se frotter sur les épines.

 

« Je vois des choses chez lui que je voyais au niveau du junior, note Jacob, qui a travaillé pendant quatre ans avec l’Armada de Blainville-Boisbriand avant d’être embauché par le Rocket. Un à un, je n’ai pas de problème avec lui, il travaille vraiment fort. Mais le défi pour lui, ça sera vraiment de gérer les rigueurs quotidiennes du hockey pro. Il va falloir qu’il ait le couteau entre les dents à chaque jour parce que c’est une jungle. Tu as beau avoir été bon le mercredi, le vendredi c’est une autre paire de manches. »

 

« Jusqu’à maintenant, il a été très professionnel là-dedans. La clé sera de garder cette même attitude. Il faut qu’il sorte de sa zone de confort. Qu’il regarde autour de lui, qu’il prenne exemple sur les vétérans et qu’il aille chercher le meilleur de tout ça pour créer le Cale Fleury qu’il veut devenir. »