LAVAL — Fin septembre, c’est le début du camp d’entraînement du Rocket de Laval. Les joueurs font connaissance avec Joël Bouchard. Après une pratique, ils se présentent devant les médias, le souffle court, les cheveux mouillés et les gouttes de sueur au menton. Jeunes et moins jeunes répondent tous la même chose lorsqu’on leur demande de résumer leur nouveau coach: intense. Un qualificatif qui collera à Bouchard du premier au dernier jour de la saison.

Bouchard est intense dans le vestiaire, derrière le banc, avec les médias et, pour l’avoir côtoyé tout au long de la saison sur la route, même au gymnase et dans l’autobus. Intense et passionné, l’un ne va pas sans l’autre.

« Il n’a pas changé. Il est encore aussi démonstratif dans le vestiaire que derrière le banc. Et quand tu joues bien, il te le dit, et quand tu joues mal, il te le dit. Il n’y a pas de zone grise avec lui », mentionnait Alexandre Alain au bilan de fin de saison, lundi, quand on lui a demandé de comparer le Joël Bouchard qu’il a eu deux ans avec l’Armada de Blainville-Boisbriand et le Joël Bouchard du Rocket.

« C’est la première fois que j’ai un coach comme lui. Avec Joël, c’est noir ou blanc. Parfois, il te dit quelque chose qui frappe, mais avec le recul, tu es content qu’il l’ait fait. Tu sais exactement à quoi t’en tenir avec lui. Moi, j’ai adoré ça » d’ajouter Michael McCarron, qui était un joueur transformé avant que sa saison prenne fin en raison d’une blessure à une épaule, le 1er janvier.

Impliqué et démonstratif

Durant les entraînements, orné de son casque rouge pour être visible (et protégé), Bouchard multiplie non seulement les consignes, mais aussi les démonstrations. La majorité des joueurs du Rocket ont dit n’avoir jamais eu un pilote aussi impliqué dans les exercices. Pas de farce, Bouchard donnait même parfois des mises en échec pour être certain que ses troupiers comprennent ce qu’il voulait!

Avant les matchs, dans le vestiaire — où on n’a évidemment pas accès —, semble-t-il qu’il n’a pas son pareil pour présenter un discours enflammé, question de crinquer sa troupe pour aller à la guerre.

Derrière le banc, il distribue les félicitations et les critiques avec la même intensité. Parfois, on croit qu’il engueule un joueur, car il est rouge, avec les dents serrées et les bras dans les airs. Mais, après la rencontre, on apprendra qu’il l’encensait pour un beau jeu.

Même chose pour ses discussions avec ses adjoints. On a quelques fois cru à une prise de bec entre Alexandre Burrows (responsable des attaquants et de l’avantage numérique) et lui. Mais non, il lui demandait simplement de changer ceci ou cela.

C’est plutôt lorsque Joël Bouchard ne bouge pas derrière son banc que c’est mauvais signe. Là, c’est qu’il n’est pas content! Il met alors généralement son pied gauche sur le banc, la main droite sur sa hanche droite, il se penche vers l’avant et ne bouge plus. Oh-Oh!

Heureusement pour lui et pour ses joueurs, on peut compter les contre-performances du Rocket cette saison sur une seule main. Ou sur une main et demie, pour être plus précis.

Souvent, les Lavallois embarquaient sur la glace avec 10 recrues dans la formation — plusieurs d’entre elles n’étant pas destinées à la LNH. Mais, malgré tout, le Rocket a été dans la course aux séries pendant six mois sur sept.

Comme il l’a fait si souvent avec l’Armada, Joël Bouchard a réussi à faire beaucoup avec peu à Laval. Bien aidé par ses adjoints Daniel Jacob (défenseurs), Alexandre Burrows (attaquants) et Marco Marciano (vidéo et gardiens), il va sans dire.

Généreux avec la presse

Bouchard est aussi intense avec les médias. De ce que j’avais vu par le passé quand il était avec l’Armada, je m’attendais à ce qu’il me « revire de bord » à quelques reprises cette saison. D’autant plus qu’à l’étranger, j’étais le seul média présent après les matchs. Mais ça ne s’est jamais produit. Pas une fois.

Dans la victoire ou la défaite, Bouchard comprend le rôle et l’importance des journalistes. Sans doute que son expérience jadis à RDS y est pour quelque chose. Cette expérience fait en sorte que, souvent, il sait exactement quelle question tu vas lui poser. Parfois, tu n’as même pas fini ton interrogation qu’il commence à y répondre!

Toujours disponible et généreux avec la presse, certains diront que Bouchard aime les kodaks. C’est vrai. D’un autre côté, il n’était pas obligé, par exemple, de parler 40 minutes lors de son bilan de fin de saison, lundi. Mais il l’a fait. Bouchard aime quand les choses sont claires et bien expliquées, avec ses joueurs ou la presse.

En grande forme, pas le choix!

Son intensité se remarque aussi dans sa vie personnelle. Souvent, sur la route, après avoir donné sa pratique, il saute sur le vélo stationnaire pour se « donner une volée », comme il aime dire. Et, croyez-moi, ce n’est pas une petite ballade dans le parc. Il sue presque autant que ses joueurs l’ont fait au préalable sur la glace!

Résultat: à 45 ans, il est encore en grande forme. Pas le choix pour passer à travers ses journées, lui qui doit penser au hockey 18 heures sur 24. Les 6 autres heures, il se permet une courte nuit de sommeil.

C’est simple, Joël Bouchard vit pour le hockey. Ou plutôt: le hockey, c’est sa vie. C’est selon.

Cette passion, Bouchard tente de la transmettre chaque jour aux meilleurs espoirs du Canadien. Et son intensité, il veut que ses joueurs l’affichent à chacune de leur présence sur la glace.

La relève entre bonnes mains

Joël Bouchard n’est pas parfait. Ça, non. Parfois, certains joueurs doivent avoir envie de lui dire de se calmer. Ou de moins se donner en show. Daniel Audette et Alexandre Grenier, pour ne nommer qu’eux, ont frappé un mur avec lui en début de saison et ont mis plusieurs semaines à assimiler toutes les subtilités de ses demandes.

Mais la relève du Canadien est entre bonnes mains avec lui. Il ne compte pas ses heures et aussi exigeant puisse-t-il être, il aime aussi profondément chacun de ses joueurs. Il prend du temps avec chacun d’entre eux, qu’il s’appelle Karl Alzner ou Matthew Struthers.

Il est aussi un maître pour soutirer le meilleur de chaque individu afin d’obtenir un résultat collectif au-delà des attentes. Ça devrait être encore mieux l’an prochain, avec l’arrivée d’espoirs de premier plan finalement dignes de ce nom comme Nick Suzuki, Josh Brook, Cayden Primeau et, peut-être, Ryan Poehling.

Ceux-ci risquent d’en baver en septembre et en octobre prochain, quand Bouchard va leur demander de faire plus ceci et moins cela. Mais, s’ils sautent à pieds joints dans le bateau, ils vont rapidement s’améliorer. Comme ce fut le cas, cette saison, pour les Jake Evans, Lukas Vejdemo et Cale Fleury, les trois plus beaux espoirs du CH à avoir vécu l’intensité de Bouchard à temps plein.

Citations savoureuses

C’est bien connu, Joël Bouchard est très volubile devant les médias. Voici quelques-unes de ses meilleures citations de la saison:

« J’ai un total buy in de mes joueurs. Quand je leur dis de tourner à gauche, ils tournent à gauche. De tourner à droite, ils tournent à droite. »

« Si un joueur me dit que son rêve, c’est de jouer dans la Ligue américaine, soit c’est un menteur, soit c’est un moron! »

« Si c’était facile jouer dans la Ligue nationale, tout le monde le ferait. »

« J’en demande pas mal à mes gars. Je les pousse. Certains ont de la broue de le toupet! »

« Ici, on bâtit un programme. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. »

« De nos jours, tout le monde veut tout vite. Tu commandes sur Internet et tu le veux le jour même. Au hockey, ça ne marche pas comme ça. »

« Y’a rien que je vous dis que je ne leur ai pas dit. Avec moi, les joueurs le savent. Quand je ne suis pas content, je le dis, et quand je suis content, je le dis aussi. »

« Y’a rien qu’un gars peut me dire que je n’ai pas vécu dans le hockey. »

« Les gars n’ont pas à chercher bien loin pour un modèle: Alex Burrows est passé par la ECHL et la Ligue américaine avant d’avoir une super carrière dans la LNH. »

« Là, y’é dans le trouble! Il m’a montré qu’il était capable de faire. Je ne veux plus rien d’autre maintenant! »

« Je veux rien savoir de l’ancien Antoine Waked. Qu’il reste chez lui! Moi, je veux le nouveau. »

« Avec la formation qu’on a, il faut pratiquement jouer un match parfait pour gagner. Et encore là, on n’est assuré de rien! »

« Notre formation est mince présentement. On est en culottes courtes. » (je ne l’ai pas encore comprise celle-là...)

« Je suis extrêmement fier de mes joueurs. Ils donnent tout ce qu’ils peuvent donner soir après soir. Comme entraîneur, tu ne peux pas souhaiter mieux. »