L’art de « brouiller le message » ou « à mots couverts »... Peu importe l’expression utilisée et n’en déplaise à certains, le Canadien de Montréal et les Sénateurs d’Ottawa sont en mode « reconstruction », point à la ligne.

 

La Sainte-Flanelle a bel et bien l’intention de faire ce pas de côté – pour ne pas dire ce pas en arrière – question de rebâtir sur des bases solides via le repêchage et par la suite le développement des joueurs, afin de réparer en quelque sorte certaines erreurs du passé – passé pas si lointain.

 

Même si ça ne semble pas être chose commune chez le Canadien, « acheter du temps » est peut-être l’expression qui colle le mieux à la peau du directeur général, Marc Bergevin, pour l’instant.

 

Ce dernier a dû résister à la tentation de se servir du mot « reconstruction » publiquement. Il a aussi dû apprendre à dire non à ceux qui, à l’ouverture du marché des agents libres sans compensation, et de plein droit, essayaient de profiter d’une possible surenchère.

 

Un 1er juillet qui, selon les analyses de plusieurs, aura fait de certaines équipes de grandes gagnantes, mais aussi de grandes perdantes. Seul le temps pourra confirmer dans un sens comme dans l’autre.

 

En assumant ses propres actions et ses propres gestes des derniers jours, Bergevin aura tout de moins eu le mérite de faire preuve de sagesse et surtout de lucidité en s’oubliant comme personne pour les années à venir, et ce, pour le bien organisationnel en évitant de consentir certains contrats potentiellement toxiques, même s’il y a risque qu’il n’en soit pas bénéficiaire.

 

En résistant à la pression extérieure d’un marché aussi demandant et exigeant que celui de Montréal, bien conscient de cette réalité et des attentes du marché montréalais, Bergevin semble maintenant avoir les idées de plus en plus claires au niveau du plan stratégique pour les années futures.

 

Le tout se fera à l’interne, passant du département de recrutement au système de développement via cette phase transitoire entre ce passage quasi-obligatoire entre la Ligue américaine et la Ligue nationale de hockey. Tout cela, même si le circuit Bettman appartient de plus en plus à cette jeunesse qui ne cesse de vouloir devancer les échéanciers.

 

Autant plusieurs pouvaient reprocher, à tort ou à raison, à la haute direction du Canadien d’être réactionnaire selon les tendances du marché au cours des dernières années, en sacrifiant le talent et la jeunesse, aujourd’hui le Canadien semble avoir adopté le choix de progresser avec une vision à moyen et à long terme. Cela est sans aucun doute la meilleure option pour atteindre l’objectif visé à l’interne.

 

D’une façon ou d’une autre, l’organisation du Canadien avait-elle le choix, après avoir vu certains joueurs de premier niveau soustraire de leur liste le désir de se retrouver avec le CH?

 

Au final, il s’agit d’un message porteur de l’extérieur par rapport à ce que représentait le Canadien du passé et celui d’aujourd’hui, et ce, peu importe les motifs.

 

Dorion menotté comme jamais

 

« Inexprimable » est le mot qui me vient à l’esprit pour tenter d’expliquer l’inexplicable. En un an, jour pour jour, les Sénateurs d’Ottawa auront réussi à passer d’un extrême à l’autre au niveau de la performance sportive et au niveau de l’environnement immédiat.

 

Or, au-delà de l’absence de résultats positifs au cours de la dernière saison et au-delà des moments de forte déception, la fragilité à laquelle fait face la franchise des Sénateurs d’Ottawa interpelle énormément.

 

Pierre DorionOttawa est un marché qui ne peut prendre le risque de tomber dans l’indifférence des gens de la communauté et des différents partenaires corporatifs, si cela n’est pas déjà fait.

 

Un lien de confiance aussi fragile qu’une maison de verre qui, en bout de ligne, ne fait que représenter beaucoup d’adversité pour le directeur général, Pierre Dorion, dans l’accomplissement de ses fonctions.

 

Là où l’art de se concentrer sur ce qu’on peut contrôler prend tout son sens. Il faut se préoccuper uniquement de son environnement immédiat et non celui de ses principaux concurrents.

 

Dorion est à la remorque de celui qui lui a donné confiance pour occuper ce poste, soit le propriétaire, Eugene Melnyk. Le cadre est très restrictif ce qui fait en sorte que Dorion est carrément menotté dans son poste de DG de la formation ottavienne, même si cela n’est pas dit ouvertement.

 

Si à Montréal, il semble être un peu plus difficile d’attirer les agents libres sans compensation, imaginez maintenant le contexte des Sénateurs d’Ottawa. Depuis plusieurs années déjà, la formation a presque toujours été dans l’obligation de consentir plus d’argent et/ou plus d’années que la normale pour attirer certains vétérans afin d’être en meilleure posture pour compétitionner face aux meilleures équipes du circuit.

 

Une situation qui même de l’interne semble en pousser certains à demander d’aller voir ailleurs, comme la rumeur le veut dans le cas du vétéran gardien de but Craig Anderson. Et fort possiblement dans le cas du capitaine Erik Karlsson. Et peut-être même certains autres joueurs qui auront à négocier un nouveau contrat bientôt...

 

Pour le clan Karlsson, l’important est de vouloir évoluer avec une formation aspirante aux grands honneurs plus tôt que tard. Le principal concerné pourrait exiger un peu moins financièrement pour se retrouver à la bonne place au bon moment, ce qui semble d’ailleurs avoir été une des motivations de John Tavares dans sa décision de quitter l’organisation des Islanders de New York pour aller à Toronto.

 

Il s’agit d’un mini-deuil que doit accepter Dorion au quotidien. Il doit maintenant s’adapter aux différents changements et surtout rester centré et concentré sur le moment présent en se rabattant sur le positif que peu apporter le virage jeunesse pour le futur organisationnel, en espérant que le temps arrangera les choses.

 

Que ce soit par un changement éventuel de propriétaire ou par l’entrée de nouveaux partenaires financiers, question de donner un peu plus de flexibilité à celui-ci dans l’exercice de ses fonctions, la situation changera éventuellement.  

 

Julien et Boucher : des enjeux bien différents

 

Même s’il s’agit d’un passage obligatoire pour Claude Julien et Guy Boucher, deux entraîneurs de carrière, les enjeux restent bien différents pour les deux hommes.

 

Le facteur temps et la situation contractuelle de Julien est un élément non-négligeable qui jouera en faveur de celui-ci dans l’art de négocier avec le virage jeunesse que vient d’entreprendre le Canadien.

 

De composer avec les essais-erreurs liés à l’apprentissage risque de se faire un peu plus en douceur dans le processus de développement de certains jeunes vétérans qui auront à occuper fort possiblement un rôle important de façon un peu prématuré.

 

Claude JulienDe l’autre côté, au bout de la 417, c’est tout le contraire pour son homonyme Guy Boucher qui, à la surprise de certains, entamera sa 3e et dernière année contractuelle le liant aux Sénateurs d’Ottawa.

 

Un contexte qui lui laissera très peu de marge de manœuvre et d’élasticité (il en est très conscient) dans ses actions. Or, il s’agit tout de même d’un « challenge » intéressant pour ceux qui aiment les défis.

 

Le défi sera grand pour celui qui devra inévitablement se conditionner à se libérer du regard des autres et faire ce qui est le mieux pour le développement et le cheminement des joueurs sous sa responsabilité.

 

Boucher devra se faire partenaire et s’associer aux différents défis actuels sur une base quotidienne. Cela risque d’être le leitmotiv actuel de celui qui tentera de confondre les sceptiques à son endroit.

 

Le processus de développement devra passer en premier, quitte à laisser de côté les résultats – dans la mesure du possible dans un marché aussi précaire que celui d’Ottawa – à court terme.

 

À suivre!