… Et à la fin, ce sont les Allemandes qui gagnent. Hormis nous permettre de ressortir ce bon vieux cliché, le tournoi olympique 2016 aura été l’occasion de faire un point intéressant un an après la Coupe du monde et de souligner la transition en train de s’effectuer.

L’Allemagne, championne logique

Assurément la mieux organisée. Elle est entrée dans ce tournoi avec pas mal de doutes : une Coupe du monde 2015 en demi-teinte (quatrième tout de même, mais sans jamais avoir été clairement en position de prétendre gagner) et surtout un cycle compliqué dont on se demandait si elle allait pouvoir sortir avec d’abord une Coupe du monde 2011 disputée à la maison, dont elle se fait sortir proprement par le Japon en quarts, un échec qui signifie aussi la non-qualification pour les JO 2012. Un hiatus important pour une sélection qui restait sur trois bronzes olympiques consécutifs.

L’autre questionnement portait sur le renouvellement de l’effectif. La génération emmenée par Birgit Prinz (championnes du monde en 2003 et 2007) est partie. La relève a eu du mal à s’imposer : elle demeure dominante en Europe, mais à l’échelle mondiale les récents résultats ne suivaient plus. Cette relève était-elle d’un niveau tellement inférieur? La réponse est définitivement non, mais il a fallu du temps pour la mettre en place. Plusieurs joueuses attendues il y a déjà 3-4 ans ont mis plus de temps que prévu pour faire leur marque. Est-ce durable? On peut penser que oui.

Des individualités qui se libèrent… dans le collectif

Le cas le plus flagrant est celui de Maroszan. Elle était présentée comme l’avenir de cette nouvelle génération. Elle possède tout : vitesse d’exécution, lecture du jeu, qualité technique, frappe impressionnante, appuyés par une solide assise physique. Elle n’avait jamais réussi à vraiment s’imposer dans les grands matchs. Lors de la finale, elle a livré une performance enfin à la hauteur des attentes. Ce tournoi a enfin permis à d’autres joueuses comme Däbritz, Leupoltz, Kemme, Behringer (surtout elle!) et la paire Bartusiak - Krahn (la meilleure défense centrale du tournoi) de se libérer d’un héritage sans doute un peu pesant. La qualité du jeu s’est graduellement améliorée au fil des matchs (après un premier tour tout de même hésitant) et l’exécution collective sur les deux dernières rencontres a été excellente.

Le collectif est l’argument essentiel. Ce tournoi nous a montré qu’il est désormais impossible de s’imposer grâce à une ou deux individualités capables de basculer match après match. Dans le passé, les Ackers-Stahl, Hamm, Sun Wen, Prinz, Sissi (et Hooper au Canada), plus récemment Marta’ Sinclair ou Wambach pouvaient à elles seules décider d’un match, voire d’un tournoi. C’est sans doute fini.

Élargissement de l’élite

Deux autres points à souligner : d’abord l’élargissement constant de la palette des prétendantes. Aux favorites annoncées avant le tournoi (États-Unis, Brésil, France, Allemagne) se sont jointes (ou rejointes) d’autres équipes désormais capables de réussir une série de gros résultats plutôt qu’un « coup » ponctuel sur un tournoi : l’Australie et le Canada pouvaient avoir des vues légitimes sur une place en finale, la Suède, pourtant perçue comme en déclin, y est parvenue en battant deux favorites et allant inquiéter une troisième. Ce phénomène devrait probablement continuer de grandir d’ici la prochaine Coupe du monde (2019).

Cette poussée générale vers le haut nous donne des matchs généralement plus serrés. Les deux plus gros scores de ce tournoi ont été des 6-1 (Allemagne et Australie face au Zimbabwe, de loin l’équipe la plus faible et la moins expérimentée). Auparavant, les affrontements en phase de groupes nous offraient plusieurs 7 ou 8-0. C’est désormais plus rare. Au niveau supérieur, c’est encore plus serré : six buts en six matchs quarts et demi. Un peu plus lors des deux derniers matchs, mais eux-mêmes décidés à un but d’écart.

Pas de qualité offensive

Les systèmes sont mieux organisés. Auparavant, les équipes se classaient entre offensives et défensives, les premières étant clairement meilleures, les secondes nettement en dessous et n’ayant pour autre ambition que de « limiter les dégâts ». Ce qui se traduisait généralement par ces 7 ou 8-0 dont on parlait. Aujourd’hui, même des équipes du haut de tableau sont capables d’adopter des positions résolument défensives et refusant même la possession. La Suède en a été un gros exemple, le Canada par moments. Avec réussite. L’évolution globale du jeu depuis deux ans (et illustrée par les succès de Leicester, de l’Atletico et d’autres à l’Euro), montre que le jeu de possession n’est plus l’irrésistible recette, mais qu’une excellente organisation sans ballon peut être tout aussi irrésistible.

Les systèmes défensifs (sans ballon) sont mieux organisés et cela nous amène vers un gros point noir de ces JO : la piètre qualité offensive. Mauvais choix, mauvaises exécutions, prises de décision inexistantes, manque flagrant de qualité devant le but… La plupart des équipes ont connu de sérieux problèmes de finition (France, Brésil, États-Unis en particulier), quand ce n’est pas d’organisation offensive générale. Les défenses se sont grandement améliorées, ça ne doit pas non plus excuser un gâchis offensif assez général.

Ce qui explique que ce tournoi olympique n’a peut-être pas été aussi spectaculaire qu’il l’aurait pu, et d’un niveau technique / tactique parfois insuffisant. Il a par contre été imprévisible, ouvert, suffisamment indécis pour que l’on puisse enfin arriver à des tournois à plus de trois favorites. S’agit-il de la « démocratisation de l’élite »? Ce serait une excellente chose…