COLLABORATION SPÉCIALE

Récemment, je vous ai parlé des aspects politiques, sociaux, éthiques et des droits humains liés aux Jeux de Pékin. Au moment où j’écris ces lignes, on peut affirmer qu’il n’y aura vraisemblablement pas de protestations d’envergure d’un ou plusieurs athlètes. Aucun participant des Jeux n’a osé défier le gouvernement chinois et c’était à prévoir. Même si ces sujets sont sensibles et d’une importance capitale, le rôle principal des athlètes présents est d’abord et avant tout de présenter un spectacle à travers leurs performances sportives. Justement, que retient-on des performances sportives de ces 24e Jeux olympiques d’hiver?

Chaque membre du public a son moment fort des Jeux et il y a évidemment des incontournables. Les Olympiques ont cette capacité à rallier des gens de tous les horizons qui ne suivent pas nécessairement le sport. Je pourrais vous sortir des statistiques et analyser des performances marquantes des derniers jours, mais les Jeux, c’est beaucoup plus que ça.

On suit les Jeux olympiques pour le sport oui, mais surtout pour les histoires. Pour moi, au-delà des médailles, les Jeux c’est d’abord et avant tout la célébration de la résilience. Ce qui me touche dans le sport, ce sont les histoires de rédemption. Il n’y a rien de plus touchant et émouvant pour moi que des histoires d’athlètes qui traversent des épreuves de toutes sortes pour finalement remporter une compétition ou parfois simplement y participer.

Plusieurs athlètes de partout sur la planète qui ont participé aux Jeux de Pékin 2022 ont réussi à surmonter des difficultés pour y arriver. Mais ce sont surtout les Olympiens de chez nous qui m’ont fait vibrer et inspiré par leur résilience durant ces Jeux. La résilience c’est quoi? Parfois j’ai l’impression que ce terme est galvaudé. Allons donc voir la définition qu’en donne le dictionnaire : capacité à vivre à se développer, en surmontant les chocs traumatiques, l’adversité.

Bien sûr, on pense à ceux qui remportent des médailles, comme Maxence Parrot par exemple. Comme il l’a dit et répété à plusieurs médias, il y a trois ans il était à l’hôpital, au milieu d’un furieux combat contre un cancer des ganglions de type hodgkinien. Cette semaine, il a remporté deux médailles olympiques. Une d’or en descente acrobatique et une médaille de bronze au grand saut. Une histoire incroyable et digne d’Hollywood, qui a fait le tour de la planète. Ses deux prestations en ont fait pleurer plusieurs. On savait que ces médailles étaient à portée de mains. On avait même déjà vu Parrot remporter les X Games à Aspen, treize mois à peine après son diagnostic. Cependant, cette fois le spectacle était encore plus grandiose parce qu’il les déroulait sous nos yeux en direct des Jeux olympiques de Pékin 2022. Au-delà des médailles, il y a aussi la manière. Sa médaille de bronze, il l’a remporté après avoir chuté et ensuite effectué un saut plus conservateur. Parce qu’à travers sa grande histoire résilience, il y a aussi cet insuccès, qui dans sa grande histoire aurait pu passer inaperçu.

C’est la même chose pour d’autres athlètes québécois comme Kim Boutin. Après une fin de compétition houleuse à PyeongChang en 2018, où elle a reçu des menaces de mort par centaines (parce qu’elle avait profité de la disqualification d’une Coréenne), l’athlète de Sherbrooke a décroché une médaille de bronze cette année. Une histoire de résilience face à l’intimidation.

Toujours en patinage de vitesse à ces Jeux de Pékin, Charles Hamelin a aussi surmonté des difficultés. Après avoir essuyé des déceptions dans les épreuves individuelles, il a terminé un parcours de 5 Jeux avec sa 6e médaille, une d’or au relai 5000 m masculin. Une histoire digne des meilleurs scénarios de films de Disney.

Cependant, la plus grande preuve de résilience que j’ai vu de la part d’un athlète québécois à ces Jeux n’a pas été récompensée d’une médaille. Ça se passait au Genting Secret Garden de Zhangiakou, à l’épreuve des bosses du côté des femmes. À ce qui était très probablement sa dernière décente olympique, Justine Dufour-Lapointe chute lourdement. À ce moment, on sait qu’elle ne pourra se rendre plus loin et ne passera pas à l’étape suivante. Pourtant, elle se relève, récupère son bâton et termine sa décente en effectuant son dernier saut. Elle n’a peut-être pas remporté de médaille, mais elle a remporté l’estime de bien des gens.

Ce bref échantillon d’histoires de résilience sportive peut paraître mielleux et superflu. Pour des gens qui ne suivent pas le sport, on donne peut-être trop d’importances à ce genre d’évènement. Pourtant, la résilience est à la base même du sport, mais aussi de la vie en société. Ces histoires ont très certainement marqué des jeunes et moins jeunes qui auront à traverser des difficultés dans le sport ou dans leur vie de tous les jours. Ces preuves de résilience inspireront sûrement d’autres. Vous n’êtes pas convaincus? Je vous raconte une brève histoire.

Il y a quelques années, j’ai perdu la vue d’un œil en jouant au dek hockey. À la suite d’un lancer frappé d’une puissance inouïe, la balle orange a dévié et m’a frappé directement à l’œil gauche. J’ai immédiatement perdu la vue, pour ne plus jamais la retrouver malgré plusieurs opérations. Vous savez à qui j’ai pensé en premier? À David-Alexandre Beauregard. Pourquoi lui? Parce que je me rappelais que lorsque j’étais jeune, j’avais entendu parler de cet attaquant du Laser de Saint-Hyacinthe (repêché par les Sharks de San Jose), qui avait perdu la vue d’un œil après s’être fait frapper par le bout d’un bâton dans un match de la LHJMQ. Il était revenu au jeu quelque temps plus tard et avait recommencé à marquer des buts comme il le faisait auparavant. Il a pu ainsi compléter son stage junior et jouer 17 saisons au hockey professionnel. Vous avez bien compris, 17 saisons! Vous pouvez vous imaginer à quel point il a été une inspiration pour moi quand j’ai eu mon accident. Alors, ne vous demandez pas à quel point ces histoires de résilience sportives peuvent avoir un impact sur la vie de ceux qui en sont témoins. C’est ça que j’aime du sport, qui fait que les Jeux olympiques sont inspirants et qu’il faut célébrer.