C’est la finale qu’on avait rêvé en début de championnat. C’est l’affrontement ultime entre les deux géants de l’Amérique du Sud. C’est le face-à-face entre deux immenses stars fascinantes dans leurs ressemblances et leurs différences. C’est l’Argentine contre le Brésil, Lionel Messi contre Neymar.

Le Brésil a plané au-dessus tournoi, comme un rapace cherchant une proie. Impitoyable parfois, mais aussi capable de paresse. On le savait terriblement redoutable lorsque la Copa America se déroule sur ses terres. De ses neuf titres de champion, cinq ont été gagnés à la maison. En fait, à chaque fois qu’il a disputé la Copa chez lui, le Brésil l’a remportée. Cela vient avec une assurance et une confiance formidables, mais avec une pression énorme aussi. Le droit à l’erreur est aussi mince qu’une feuille de papier, même s’il n’y a pas de public dans les gradins pour rappeler l’équipe à l’ordre.

Brésil

Le Brésil a donc entamé le tournoi comme on s’attendait qu’il le fasse : sept buts marqués sans en accorder aucun, mais devant un premier adversaire décimé par la Covid et un deuxième qu’il avait battu en finale de la Copa précédente. Le Venezuela et le Pérou aidaient le Brésil à se faire les dents. Ce fut moins relaxe dans les deux autres matchs de la phase de groupe. Victoire difficile contre une Colombie accrocheuse qui crie encore au vol après un but encaissé dans des circonstances particulières et match nul contre un Équateur qui est loin d’aligner autant de talent. En quart de finale et en demi-finale, le Brésil a joué à l’économe. Un but a suffi contre le Chili et le Pérou, les deux fois grâce au pied de Lucas Paqueta. La fin justifie les moyens, dit-on.  Sans trop de douleur, le Brésil atteint donc la finale, en laissant l’impression qu’il s’en est gardé sous le pied.

Argentine

L’Argentine a débuté avec un grand choc, affrontant le Chili d’Arturo Vidal, Mauricio Isla, Gary Medel et Claudio Bravo, mais sans Alexis Sanchez resté à la maison pour soigner une blessure. Le 1-1 laisse entrevoir une Argentine pas au-dessus de ses affaires qui a dû travailler pour arracher ce verdict. Elle se rassure à peine contre le Paraguay et l’Uruguay avec de courtes victoires de 1-0 et fera encaisser à la Bolivie sa soif de réussite dans les buts. 4-1. En quart de finale, l’Équateur ne peut stopper la machine en marche et  s’incline 3-0. Mais la Colombie la rappelle à l’ordre en demi-finale et l’Argentine gagne son billet pour la finale aux tirs au but. Il n’y en aura pas de facile… Cependant, on a vu une équipe en montée de puissance, gagner en cohésion au fur et à mesure que le tournoi avançait.

Neymar

Tite avait annoncé les couleurs en début de tournoi, l’équipe devait jouer pour Neymar. Absent de la Copa America en 2019 pour cause de blessure, il revenait avec une grande envie et une grande émotion de porter à nouveau le maillot de la Seleçao. Auteur de deux buts jusqu’à maintenant, dont un sur penalty, il est certes celui qui mobilise le plus la défense adverse, celui qui attire la lumière sur le terrain laissant parfois des taches d’ombre qui permettent à ses coéquipiers de s’y engouffrer et de surprendre l’adversaire. Que ce soit sur le terrain ou dans la vie, Neymar a cette aura de star qui a nimbé tant de joueurs brésiliens…Pele, Ronaldo, Romario, Ronaldinho, Kaka, Roberto Carlos… Neymar à lui seul peut faire la différence.

Messi

Messi joue pour l’équipe et l’équipe joue pour Messi. Il a cette influence sur le jeu qui fait de lui un joueur d’exception. On l’a souvent comparé à son célèbre compatriote Maradona une comparaison qui l’agaçait un peu parce qu’il ne recherche pas les feux de la rampe. Pep Guardiola, alors entraîneur du FC Barcelone, avait dit de lui : « Messi est le seul joueur qui court plus vite avec le ballon que sans le ballon. » À 33 ans, il court peut-être un peu moins vite, les défenseurs ont peut-être plus de chance de le rattraper, mais il reste quand même magique dans ses déplacements, ses changements de direction, sa lecture du jeu et ses impitoyables coups francs. Messi à lui seul peut faire la différence.

La finale

Alors, quoi attendre de cette finale sinon un grand match. Quand le Brésil y a assuré sa place, Neymar a déclaré espérer y jouer contre l’Argentine « parce qu’il y a des amis », mais a aussi clamé que le Brésil allait l’emporter. Possiblement. L’avantage de la foule ne sera pas un atout, même si pour la première fois du tournoi il y aura des spectateurs dans les gradins. Un petit 10% du Maracana, divisé également entre Brésiliens et Argentins. Le Brésil a l’obligation de gagner chez lui et part probablement favori. La profondeur de son banc donne le vertige et l’équilibre entre la relève et l’expérience est impressionnant. Tite regarde la Copa, mais elle est dans l’ombre d’une autre Coupe qu’il convoite encore plus. Les efforts pour l’une sont en préparation pour la conquête de l’autre.

Lionel Messi n’a jamais gagné de grand trophée avec son équipe nationale, et le temps passant, les occasions seront moins nombreuses. Il est à un but du record de Pelé en tant que meilleur buteur sud-américain en matches internationaux, ce qu’il pourrait raisonnablement réussir lors de cette finale. L’Argentine réussira-t-elle à vaincre ses démons et donner à son joueur étoile le trophée qu’il convoite tant? Elle a 14 titres à son actif, un de moins que l’Uruguay le plus couronné. Mais le dernier remonte à 1993, alors que Lionel Messi avait six ans. Depuis, elle a été quatre fois finaliste, perdant trois fois aux tirs au but, dont contre le Brésil en 2004.

Le passé n’est pas toujours garant de l’avenir. Alors, Brésil ou Argentine? Neymar ou Messi? Il ne reste qu’à souhaiter que le coup de sifflet de l’arbitre au coup d’envoi lance un grand match et que cette finale soit à la hauteur des attentes.