VOLGOGRAD, Russie – Le doyen des « Pharaons » est plus que jamais immortel! Le mythique gardien égyptien Essam El-Hadary, aligné d'entrée de jeu lundi face à l'Arabie saoudite, est enfin devenu à 45 ans et 161 jours, le joueur le plus âgé à disputer une phase finale de Coupe du monde.

« Je suis la personne la plus heureuse du monde pour ce record, mais d'un autre côté, je suis vraiment triste du résultat », a dit le héros du match, toutefois perdu 2-1. Car pour marquer le coup, il a arrêté un penalty, sa spécialité, avant de céder sur un second. L'issue est cruelle, mais l'histoire est belle.

Déjà légendaire sur le continent africain, El-Hadary a fini par entrer dans les annales de la Coupe du monde... même si l'attente fut longue. Car malgré quatre CAN à son palmarès (1998, 2006, 2008, 2010) et plus d'une vingtaine de trophées décrochés, le portier n'avait jamais pu disputer jusqu'à présent le plus grand tournoi de la planète, compétition qui se refusait à l'Égypte depuis 1990.

Mais plus d'un quart de siècle plus tard... et deux matchs de la Coupe du monde 2018 passés sur le banc, sa patience a finalement été récompensée par un drôle de record du monde : titularisé contre l'Arabie Saoudite, il devient le joueur le plus âgé à disputer une Coupe du monde, effaçant la marque détenue par le gardien colombien Faryd Mondragon (43 ans et trois jours) depuis 2014.

« C'est un peu triste pour moi mais s'il le fait, il faudra lui tirer notre chapeau parce qu'arriver à disputer une Coupe du Monde à 45 ans, c'est vraiment une valeur ajoutée », avait rendu hommage le Colombien, auprès de l'AFP au début du tournoi.

Une forme de consécration dans une carrière aux bords des oubliettes après le dernier sacre continental de 2010, point de départ de descente aux enfers du foot égyptien. Car le charismatique portier aux cheveux gominés n'aurait même jamais dû revenir en sélection.

« Huit kilos perdus en 21 jours »

Mais une date, le 4 juin 2016, et la confiance d'un homme, Hector Cuper, changeront son destin international. En dépit d'une absence de plus deux ans, le sélectionneur argentin des « Pharaons » n'hésite pas à le titulariser contre la Tanzanie (2-0), rencontre qui validera le billet des Égyptiens pour la CAN 2017 au Gabon... où il mènera son équipe jusqu'en finale!

Depuis ce pari gagnant, le portier n'a plus quitté ses cages lors des matchs importants. Et quand un énième « challenger » a tenté de lui chiper la place de titulaire, le sort s'est chargé de l'écarter de la route : Ahmed El-Shenawy, blessé gravement au genou en avril, a dû déclarer forfait pour la Russie.

Mais c'est son homonyme Mohamed El-Shenawy qui a finalement été titularisé aux deux premiers matchs de la Coupe du monde... Qu'importe. L'histoire se finit bien pour El-Hadary.

Comment expliquer ce retour et une telle longévité? « Quand il est revenu à Wadi Degla en 2015, son entraîneur lui a dit : "Je vais te ramener au sommet, à tes 22 ans". Juste après, il a perdu huit kilos en 21 jours », raconte à l'AFP Karim Hafez, qui l'a côtoyé aussi bien en sélection que dans le club égyptien.

Une anecdote, sur sa gestion du sommeil par exemple, a particulièrement marqué Patrice Carteron, son ancien entraîneur dans ce club de la capitale (2016).

« Le Caire est une ville de 20 millions d'habitants, cela veut dire que parfois, pour traverser la ville, il faut quasiment trois heures avec les bouchons, raconte-t-il à l'AFP. C'était le seul joueur à avoir un appartement juste à côté du stade afin d'éviter de trop circuler, alors que sa femme et ses enfants habitaient un peu plus loin dans une grande maison. »

« Force mentale sur ses camarades »

Au-delà d'une hygiène de vie remarquable, El-Hadary reste un gardien talentueux, capable de gagner un match à lui seul. « Dans le face-à-face, il est exceptionnel. C'est vraiment là où il a le plus de qualités, il sait attendre le dernier moment pour se jeter dans les jambes », souligne Carteron.

L'Égyptien, qui avait notamment écœuré Didier Drogba lors d'une séance de tirs aux buts épique en 2006, raffole surtout des duels sur penalty. Cela s'est vu contre les Saoudiens.

Au point de dire qu'il exerce un vrai impact psychologique sur ses adversaires? « Peut-être », admet auprès de l'AFP Paulo Duarte, le sélectionneur du Burkina Faso, « victime » d'El-Hadary lors de la demi-finale de la CAN 2017 (1-1, 4 t.a.b à 3).

« Le fait qu'il soit au centre de toute l'attention de l'Égypte, avec ses prières, son expérience... peut-être qu'il déverse une force mentale sur ses camarades », ajoute-t-il.

Cela n'a toutefois pas suffi à l'Égypte, partie sur une troisième défaite. Rendez-vous quand même en 2022 pour la prochaine Coupe du monde. Avec El-Hadary?