Après deux éditions où le continent africain avait envoyé les mêmes représentants (en ajoutant l’Afrique du Sud qualifiée comme pays hôte en 2010), seul le Nigéria récidivera cette année en Russie. Ce sont donc des retours en Coupe du monde pour le Maroc (1998), l’Égypte (1990), le Sénégal (2002) et la Tunisie (2006).

Depuis la première qualification en 1934 par l’Égypte, jusqu’à cette édition 2018, l’Afrique a vécu bien des premières, mais n’a encore jamais pu passer l’étape des quarts de finale. Le premier point a été gagné par le Maroc en 1970, sur un match nul de 1-1 contre la Bulgarie.  En 1974 le Zaïre fut le premier pays de l’Afrique subsaharienne qualifié. La première victoire a été remportée par la Tunisie en 1978, 3 à 1 contre le Mexique. Le premier pays africain à sortir de la phase de groupe fut le Maroc en 1986, et le premier à se rendre en quart de finale fut le Cameroun en 1990. Il aura fallu attendre 12 ans pour qu’un pays africain récidive avec le Sénégal, à sa première présence en 2002, suivi par le Ghana en 2010.

Problèmes à résoudre

Au fil de ses participations, L’Afrique a connu moult problèmes. D’abord ceux des fameuses primes promises qui n’arrivaient pas et qui dégradaient l’atmosphère au sein des nations concernées. On peut penser au Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo, en 1974, au Cameroun en 2002, au Togo en 2006. Puis, le manque d’homogénéité des sélections qui doivent composer d’une part avec des stars à l’ego démesuré et des joueurs évoluant dans des championnats moins relevés. Pourtant, il ne fait aucun doute qu’un jour un pays africain remportera la Coupe du monde. Une première étape serait d’atteindre enfin le carré d’as.

Plusieurs facteurs pourraient aider les sélections à y parvenir. Arriver avec une bonne préparation physique et mentale, une saine gestion des moyens injectés, éviter les grèves spontanées des joueurs en réaction aux différents problèmes rencontrés, tirer des leçons des faux pas des éditions précédentes, éviter l’ingérence politique ou la démission d’entraîneurs à la dernière minute et enfin, s’assurer que les marabouts, des sorciers,  ne remplacent pas les médecins d’équipe. Farfelu ce dernier point? Il y a malheureusement des précédents, comme en 1974 quand le Zaïre s’était assuré que les meilleurs féticheurs du pays accompagnaient la sélection.

Nigéria

Des cinq équipes qui représentent le continent africain, le Nigéria est la plus expérimentée. Depuis 1994, année de sa première sélection, il n’a raté qu’une édition, celle de 2006. Par contre, son absence des deux dernières éditions de la Coupe d’Afrique des nations inquiète un peu. L’arrivée de Gernot Rohr en août 2016 semble avoir remis le Nigéria sur ses rails. Son expérience des équipes africaines, huit ans passés auprès du Gabon, du Niger et du Burkina Faso, donne confiance. Il a amené une gestion plus saine des affaires d’intendance et sur le terrain, il joue habilement avec ses effectifs n’hésitant pas à écarter de « gros » joueurs pour en mettre d’autres de l’avant. Le Nigéria, première équipe du continent africain à se qualifier, comptera sur les John Obi Mikel, Tianjin Teda (Chine) mais 11 saisons à Chelsea), Alex Iwobi (Arsenal) et Kelechi Iheanacho (Leicester city). Mais il est tombé dans un groupe difficile. D’abord, il retrouve l’Argentine qu’il a côtoyée en 1994, 2002, 2010 et 2014 sans jamais arriver à éviter la défaite, puis la Croatie et l’Islande, deux équipes très difficiles à affronter.

Les retours

La présence de la Tunisie, du Maroc, de l’Égypte et du Sénégal apporte un vent de nouveauté.  Des retours attendus par les amateurs de ces pays. La Tunisie a subi un dur coup quand Youssef Msakni, milieu offensif titulaire en sélection nationale depuis 2010, s’est rompu les ligaments croisés du genou au Qatar au début du mois d’avril. Soignant déjà une blessure à ce genou, c’est lui-même qui avait demandé à entrer sur le terrain, espérant ravir le titre de meilleur buteur du championnat à son coéquipier Youssef Al Arabi. « Qui trop embrasse, mal étreint » … Ses ambitions d’aller jouer en Europe après la coupe du monde risquent d’être revues à la baisse. Par ailleurs, le sélectionneur Nabil Maaoul fait de gros efforts pour convaincre les binationaux d’aller jouer pour le Maroc. Il a ainsi réussi avec le gardien de Châteauroux (2e ligue française) Mouez Hassen, Yohan Benalouane, défenseur de Leicester, Ellyes Shikir, milieu de Montpellier et Saif-Eddine Khaoui, milieu de Troyes. Il tente maintenant sa chance avec Kerim Mrabti qui a pourtant déjà joué un match amical avec la sélection suédoise. Mais Maaoul est convaincu qu’il est éligible.

Le Maroc s’est qualifié sans encaisser de défaite ni de but. L’arrivée de Hervé Renard en février 2016, bien que contestée, a apporté une amélioration de la qualité de jeu dans un cadre moins rigide. Les Benatia, auteur d’un doublé pour la Juventus dans la finale de la Coupe d’Italie,  Belhanda, artisan du sacre de Montpellier en 2012, mais en panne cette saison avec Galatasaray Hakim Ziyech, élu meilleur joueur du championnat néerlandais avec l’Ajax , le turbulent Nabil Dirar, sanctionné par le passé d’une suspension de 8 matchs pour avoir donné un coup de tête à un arbitre et Khalid Boutaïd, nouveau porte-couleur du club turc Yeni Malatyaspor, porteront les espoirs du Maroc pour qui ce sera difficile de sortir d’un groupe qui compte l’Espagne et le Portugal.

L’Égypte, premier pays africain en Coupe du monde, a un atout de taille en Mohammed Salah qui a survolé la Premier League cette année. L’attaquant de Liverpool fait partie d’une sélection à la défense de fer favorisée par le sélectionneur Hector Cuper. Finaliste de la Coupe d’Afrique des nations cette année, tenante du titre à trois éditions consécutives de 2006 à 2010, il faudra voir si Salah pourra donner des ailes aux ambitions de son équipe qui pourrait sortir d’un groupe à sa portée avec la Russie, l’Arabie Saoudite et l’Uruguay. Mohammed Elneny (Arsenal), blessé à la cheville contre West Ham au printemps, devrait être guéri à temps pour la Coupe du monde. Il y a même un joueur de la MLS, Omar Gaber, qui connait une bonne saison avec le Los Angeles city, qui devrait apporter sa contribution à l’équipe. En outre,  l’Égypte inscrira fort probablement un record avec la présence du gardien Essam El-Hadary qui devrait devenir, à 45 ans, le plus vieux joueur ayant évolué en Coupe du monde. La blessure subie par Ahmed El-Shennawy en avril dernier lui ouvre grand la porte des buts.

Enfin le Sénégal qui avait été magique à sa première participation en 2002, est aussi dans un groupe très ouvert avec le Japon, la Pologne et la Colombie. Mais il ne reste plus rien de cette génération de 2002 et bien que les joueurs trouvent la comparaison avec leurs prédécesseurs « flatteuse et motivante », il faudra trouver plus qu’une inspiration nostalgique pour réussir sur le terrain. Sadio Mané, génial partenaire de Mo Salah à Liverpool, ne pourra porter à lui seul cette équipe sur ses épaules. Il aura quelques bons éléments à ses côtés notamment en défense avec Kalidou Koulibaly, excellent à Naples cette année, et Cheikhou Kouyaté de West ham. Le premier match du Sénégal, contre le Japon, sera déterminant pour la suite des choses. Un miracle est-il à nouveau possible?

Selon une étude du Centre international d’étude du sport (CIES), 75% des joueurs des équipes africaines à la Coupe du monde évoluent dans des championnats étrangers, la plupart en Europe. Ces équipes font aussi partie de celles avec le plus de joueurs binationaux, le Maroc en comptant 61,5%. Mais l'Afrique attend toujours l’élue qui percera le mur des quarts de finale. L’une de l’édition 2018, ou l’une des 40 pays africains n’ayant pas encore participé à la Coupe du monde?