OTTAWA – La décision de Joey Saputo d’abattre le dernier pont reliant l’Académie de son club à la première équipe avait provoqué de vives réactions lors de son annonce en décembre dernier.

Les plus virulentes étaient sorties de la bouche de joueurs qui s’étaient soudainement retrouvés sans domicile fixe. Dans un article paru dans La Presse, Simon Lemire et Mastanabal Kacher avaient vertement critiqué le président de l’Impact. On lui reprochait la dissolution du FC Montréal, mais aussi le secret dans lequel l’opération avait été menée. « C’est dommage qu’on l’apprenne aussi tard et qu’on nous prenne à la légère », avait déploré Lemire au collègue Pascal Milano.

Sept mois après le passage de la tempête, des cicatrices restent visibles, mais la plaie semble s’être refermée proprement. Rencontrés cette semaine à Ottawa, les quatre anciens joueurs du FC Montréal qui évoluent aujourd’hui au Fury FC, une équipe de l’USL avec qui l’Impact a conclu un « partenariat », ont replongé sans trop d’amertume dans leurs souvenirs.

« J’étais en voyage en Jamaïque avec ma famille quand j’ai reçu un appel d’un de mes coéquipiers qui me disaient que des rumeurs circulaient, que le club allait être dissout, s’est rappelé Jimmy-Shammar Sanon. Je savais qu’avec les médias et tout, parfois il y a du vrai, mais il faut aussi en prendre et en laisser. C’est quand je suis revenu que j’ai compris que c’était assez sérieux. »

« On a été dans le néant pendant un petit moment, corrobore Aron Mkungilwa. On s’attendait à avoir une autre saison avec le FC Montréal. De l’apprendre de cette façon, c’est sûr que ça a été difficile. »

« J’aurais aimé l’apprendre à l’interne, que le club me le dise en premier plutôt que ça vienne de l’extérieur. C’est la seule chose », ajoute le gardien David Paulmin.

« Au début, je ne voulais pas y croire, raconte Thomas Meilleur-Giguère. Sincèrement, je n’étais vraiment pas content. Je me disais qu’on était sûrement capable de tenir une équipe. Lorsque l’annonce officielle est tombée, on était tous sous le choc. En plus, selon moi, le timing n’était pas bon, la confirmation est venue un peu tard. »

Meilleur-Giguère se considère chanceux de s’être fait offrir l’opportunité de transférer à Ottawa. D’autres, parmi ses anciens coéquipiers, ont aussi rebondi ailleurs en USL. Kacher connaît une saison du tonnerre au Colorado. Alessandro Riggi a joué quelques matchs à Phoenix. Marco Dominguez s’est trouvé du boulot à Cincinnati.

« Mais on oublie tous ceux qui ont dû arrêter de jouer ou qui jouent semi-pro, souligne le jeune défenseur. Quelques-uns ont eu des essais en Europe, mais rien ne leur est garanti pour les prochaines saisons. Moi, ça me fait mal au cœur quand je vois ça. Ce sont des gars avec qui je pratiquais tous les jours, de très bons joueurs. Je me dis qu’ils pourraient être ici et jouer avec nous, mais ils n’ont pas eu cette chance. Je trouve ça dommage. »

Malgré la déception, Meilleur-Giguère et ses coéquipiers disent ne pas entretenir de rancœur envers le club qui les a élevés.

« Quand j’ai eu les explications de Joey, j’ai compris. Je suis un joueur, mais je suis aussi une personne en dehors de ça et je comprends sa décision et je la respecte parce que je respecte beaucoup Joey. Ils m’ont donné une autre chance en m’envoyant ici. Ça veut dire qu’ils croient en moi. »

« Ça ne m’a pas vraiment choqué parce qu’à la fin, le sport demeure une business, dit Sanon. Tout ce que je peux contrôler, c’est ce que fais avec les minutes qu’on me donne sur le terrain. Si je peux faire quelque chose de ce temps-là, je vais le faire. Mais gérer un club, le mettre dans une ligue ou l’enlever de cette ligue, ce n’est pas mon expertise! »

« Pour moi, la vie continue et il faut faire avec la décision du club », conclut Mkungilwa.

« Je crois que ça leur fera le plus grand bien »

L’entraîneur-chef et directeur général du Fury, Paul Dalglish, croit fermement que les quatre naufragés qu’il a accueillis bénéficieront du changement de décor.

« C’est un aspect de cette entente qui était vraiment important pour Montréal : ces jeunes joueurs ont maintenant l’occasion de sortir des cadres d’une académie, de sortir de leur zone de confort et de voir ce qui arrive quand ils sont en compétition avec des hommes qui ont besoin de jouer pour payer leurs factures. C’est une réalité complètement différente! Je crois que ça leur fera le plus grand bien d’être sortis de leur bulle et j’espère que ça les motivera à travailler encore plus fort pour accéder à la MLS. »

Dalglish convient que la transition n’a pas été facile pour ses jeunes élèves, mais assure que l’« incertitude » et le « doute » qu’il percevait à leur arrivée se dissipent à vue d’œil.

« Je crois qu’ils ont probablement été surpris par la qualité de nos joueurs à leur arrivée. Ils s’attendaient probablement à ce que ce soit facile. Je peux les comprendre parce que j’ai déjà fait la même erreur. Quand j’étais à Liverpool, j’avais été prêté à Bury et je croyais que j’allais être meilleur que tout le monde là-bas. Mais en arrivant, j’ai rencontré des joueurs qui avaient simplement été malchanceux ou à qui on n’avait jamais donné leur chance. Non seulement ils étaient meilleurs que je pensais, mais c’était des pros endurcis. »

« Pour moi, c’est la chose la plus importante à retenir : les pros endurcis ont un gros avantage sur les autres, conclut Dalglish. Il y a une grande différence entre eux et un jeune qui a du potentiel. C’est en division inférieure que j’ai appris à devenir un pro et ça, ça vaut plus que toutes les minutes du monde. »