Même s’il ne joue plus avec l’Impact, on est loin d’avoir fini de parler de Ballou. Le joueur dont les aventures prennent parfois l’allure d’albums de Tintin a récemment été convoqué pour la première fois en équipe première au FC Barcelone. Donc, après « Ballou s’éclate contre la Roma », « Ballou joue à la Diva » et « Ballou s’en va au Barça! », voici maintenant « Ballou en Copa Catalunya ». 

 

En dépit de cette ascension rapide au sein du club catalan, le début officiel de Ballou avec l’équipe A devra attendre à une prochaine fois, l’ex-ailier de l’Impact n’ayant pas participé à la victoire du Barça face à l’Espanyol en Supercopa Catalunya, une compétition régionale somme toute assez mineure. À vrai dire, l’entraîneur Ernesto Valverde avait choisi pour l’occasion de reposer Lionel Messi, Luis Suarez et Gerard Piqué. Mais Ballou se sera tout de même retrouvé dans le vestiaire avec des joueurs comme Ousmane Dembélé et André Gomes alors que le reste du groupe était constitué de plusieurs de ses coéquipiers de l’équipe B.

 

Par ailleurs, il ne faudrait pas non plus s’étonner de voir Ballou rejouer avec les U19 dès la semaine prochaine en Ligue de la jeunesse de l’UEFA (Youth League) où le Barça affronte l’Atletico Madrid en quart de finale. L’ascenseur monte, mais l’ascenseur descend aussi, ce qui n’est pas inhabituel pour un jeune joueur en développement. Depuis janvier, Ballou a donc été convoqué dans trois équipes sur trois niveaux de compétition différents, ce qui ne change rien au fait qu’il fait toujours partie d’un seul et même club. 

 

Chez nous, l’équivalent serait un joueur de 18 ans d’un club amateur comme le CS Longueuil qui ferait l’ascenseur entre les semi-pro, l’équipe des seniors et les U18 de son club. C’est presque du pareil au même, si on fait abstraction de la présence de Lionel Messi, d’un stade de 100 000 places et des couleurs sur le maillot… Qui sait, peut-être existe-t-il une nouvelle Pulga dans le 450?

 

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Parlant de club amateur, ils sont nombreux chez nous à suivre le parcours de Ballou, particulièrement les clubs où il a joué. Il faut comprendre que les succès de leur ancien protégé pourraient très bien se transformer pour eux en des revenus auparavant inespérés. Bref, dans cette histoire, il n’y a pas que l’Impact qui est concerné.

 

De fait, qui dirait non à une aide financière de 10 500$ pour son club de soccer amateur? Ou si on vous faisait miroiter la possibilité d’obtenir un montant de 44 000$ en frais de solidarité, ne serait-ce pas là un joli revenu supplémentaire pour boucler le budget de l’année? Ces montants, ce n’est pas moi qui les ai inventés. Croyez-le ou non, le marché des transferts a déjà des retombées dans nos contrées. 

 

Olivier NtchamTenez, prenons le cas de l’Association de soccer du Sud-Ouest de Montréal (ASSOM), un tout petit club de St-Henri/Côte-St-Paul qui reçoit un jour par la poste un chèque en provenance du Celtic Glasgow. Tout part du transfert d’un joueur français dénommé Olivier Ntcham de Manchester City au club écossais. Il se trouve qu’il y a de cela une dizaine d’années, le petit Olivier avait joué pendant deux saisons à l’ASSOM à l’époque où sa mère était venue au Canada pour y travailler. « Il avait 11 ans, mais on l’avait surclassé en U13 », mentionne au téléphone Azzedine Baghdadi, président de l’ASSOM. En faisant ses vérifications à la suite du transfert, le comptable du Celtic, soucieux de bien vouloir redistribuer à tous les ayants droit les indemnités prévues par les règlements de la FIFA, aura retracé le parcours de Ntcham jusqu’au centre Gadbois. « Les clubs britanniques sont corrects », ajoute Baghdadi. Bref, après quelques échanges de courriels, comme on dit à Glasgow, « the check was in the mail ».

 

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Pendant ce temps, il semble qu’on garde un oeil attentif sur les visites du facteur aux bureaux de certains autres clubs amateurs québécois. La belle histoire de correspondance entre l’ASSOM et un sympathique comptable de Glasgow a-t-elle des chances de se répéter ailleurs chez nous? Certes, on connaît le cas Ballou, mais il existe d’autres situations moins médiatisées dont il convient de faire mention.

 

Zorhan BassongZorhan Bassong est un ancien joueur du CS Longueuil parti poursuivre sa formation en Belgique à l’âge de 14 ans. Après des passages à Mouscron et Anderlecht, il rejoint la France en passant à Lille où il intègre l’équipe B du LOSC à l’été 2017. L’arrière gauche de 18 ans évolue depuis en National 2 (4ème division) et fait désormais partie du groupe professionnel du club français. Or, dans ce cas particulier, le CS Longueuil est toujours en attente des indemnités de formation et/ou des frais de solidarité auxquels il juge avoir droit.

 

Des démarches ont donc été entreprises par les dirigeants du club de la Rive-Sud pour réclamer un montant en fonction des années de formation de Bassong au CS Longueuil. Selon un représentant du club bien au courant du dossier, il s’agit d’une somme de plusieurs « dizaine de milliers de dollars, qui correspond à ce qui est stipulé dans les règlements de la FIFA. » Autrement dit, il y aurait là matière à financer quelques nouveaux projets pour un club comme le CS Longueuil. Or, aux dernières nouvelles, toujours aucun signe du facteur… 

 

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Ce qui nous ramène donc au cas de Ballou. Du côté de Panellinios SC, son dernier club amateur avant de revenir à l’Académie de l’Impact, le président et fondateur Andy Kontogiannis affirme s’en remettre à la Fédération de soccer du Québec (FSQ) et à l’Association canadienne de soccer (ACS) pour le guider dans ce dossier. 

 

Est-ce à dire que l’on attend sagement l’arrivée d’un courrier recommandé en provenance de Barcelone? Pour le moment, pas de signe de vie de la part du club catalan – ni de l’Impact, soit dit en passant – ce qui n’a toutefois pas l’air de contrarier le responsable du club amateur montréalais. Kontogiannis clame haut et fort ne jamais avoir pensé qu’un joueur étant passé par son club se transforme en une source de revenus pour Panellinios. « Je suis très fier de ce qui se passe avec Ballou. Mais on ne fait pas ça pour l’argent. Chaque année, j’en sors de ma poche pour couvrir certaines dépenses au club. » 

 

En fait, la situation financière de Panellinios est loin d’être rose. « Mon club accuse un déficit de plusieurs milliers de dollars. Nous n’avons pas de ligue maison de 3 000 joueurs comme dans d’autres organisations de l’île de Montréal, ce qui représente une grosse vache à lait. Nous sommes un club compétitif, mais notre ligue maison est toute petite. On ne peut pas demander à nos joueurs AAA de payer des frais de 1 500$ par année. »

 

Si on ignore toujours le montant exact du transfert de Ballou de l’Impact au Barça – on sait toutefois qu’il s’agit d'un montant dans les sept chiffres – on peut néanmoins supposer que les indemnités de formation du joueur aideraient à éponger la dette du club de Parc-Extension. En attendant, un voyage semble dans les plans du président. « J’ai juré que je serais là en personne le jour où Ballou jouera à côté de Messi ». Reste à voir s’il apportera avec lui dans ses bagages une facture à l’intention du club catalan ou s’il reviendra en portant ses doléances aux bureaux du Stade Saputo.

 

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Il faut savoir que cette histoire d’indemnités de transfert et de frais de solidarité ne fait pas seulement jaser dans la communauté du soccer québécois. Un des exemples les plus éloquents est celui de l’international américain De Andre Yedlin, ex-joueur des Sounders de Seattle qui joue dorénavant à Newcastle. Le dossier de Yedlin a fait état d’un recours juridique de la part de clubs amateurs aux États-Unis, lesquels réclament des montants qui sont présentement bloqués par la MLS. Sans entrer dans les détails, disons qu’on est toujours à la recherche d’un accommodement raisonnable entre les règles de fonctionnement de la MLS et les normes européennes en matière de transfert de joueurs. 

 

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Enfin, avant de terminer, je m’en voudrais de ne pas glisser un mot à propos d’une personne qui a conseillé Ballou en coulisses dans les dernières années. Serge Epoh, de Soccer Placement, était présent au retour de Ballou à l’Académie de l’Impact après des tentatives avortées en Europe. Alors qu’on critique souvent la gestion de carrière du joueur, il souligne que ce passage au Bleu-blanc-noir a contribué à son succès en lui donnant « la chance de jouer en MLS et d’être visible auprès des clubs professionnels européens ».

 

Epoh avait lui-même établi des ponts avec des clubs anglais pour permettre à Ballou d’effectuer des essais alors qu’il évoluait au CNHP – la même période où il jouait à Panellinios. L’intérêt envers le joueur existait déjà à ce moment-là, mais sans passeport européen, l’impossibilité de jouer avant d’atteindre l’âge de 18 ans était un obstacle majeur à toute tentative de développement. C’est à ce moment qu’on établit le plan selon lequel Ballou revient à l’Impact pour se rôder en attendant la bonne occasion de retourner en Europe.

 

S’ils sont nombreux à tirer la couverte de leur côté quand il est question de la « formation » d’un joueur au talent clairement inné de Ballou, Epoh n’est pas du genre à s’accaparer le mérite de cette réussite. « Beaucoup de monde ont été de gros ‘plus’ dans le parcours et la vie de Ballou: son premier entraineur du club Pointe-Aux-Trembles, Panellinios, l’Impact de Montréal : dont Philippe Eullaffroy, Simon Gatti, Jason Di Tullio et même Patrice Bernier. »

 

S’il reconnaît que l’intervention de Didier Drogba est à l’origine du transfert de Ballou au Barça – ce sont ses agents qui ont établi le contact une fois le dossier pris en mains – Epoh semble parfois irrité par tout ce qui se raconte au sujet du joyau du soccer québécois. Qu’à cela ne tienne, Epoh poursuit son travail de détection et espère voir d’autres « Ballou »  passer au sein de son organisation : « Je crois très fort au talent local. Je souhaite que tout le monde travaille ensemble avec un même discours auprès des jeunes ». 

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