VANCOUVER - Les experts disent que la bonne volonté créée par le succès sur le terrain par les équipes de soccer canadiennes dans les derniers mois s'effrite rapidement en raison d'échanges houleux entre la formation masculine et Canada Soccer, l'association nationale du sport.

L'équipe a refusé de disputer un match amical en prévision de la Coupe du monde contre le Panama, dimanche. Le match prévu à la B.C. Place de Vancouver a été annulé moins de deux heures avant le coup d'envoi.

Des entraînements à Vancouver vendredi et samedi ont également été annulés compte tenu des négociations prolongées.

« C'est probablement la dernière chose que Soccer Canada voulait qui arrive », a dit Tom Mayenknecht, un expert en marketing sportif. « Cette partie était essentiellement assurée d'être une célébration après une qualification historique pour la Coupe du monde 2022 au Qatar. Et c'est exactement le contraire de ce que je crois qu'ils avaient besoin. »

Les joueurs canadiens ont publié un communiqué, lundi, révélant qu'ils ont participé à l'entraînement la journée même, mais qu'ils n'ont pas encore trouvé un terrain d'entente avec Canada Soccer.

Des centaines de partisans déçus vêtus de chandails rouges et blancs se sont attardés à l'extérieur du stade après l'annulation de la rencontre, dimanche.

Si les partisans sont conciliants lorsque leur chanteur ou athlète favori annule une performance en raison de la COVID-19 ou d'une maladie, ils le sont vraiment moins lorsqu'il s'agit d'une annulation en raison de négociations contractuelles, a dit Moshe Lander, un économiste du sport à l'Université Concordia.

« Peu importe à quel point c'est fondé sur des principes, a-t-il déclaré. Ça passe toujours de travers. »

La dispute peut également mettre un frein dans les efforts d'attirer de nouveaux partisans dans cette période cruciale pour le soccer canadien, a ajouté Lander.

« Quand tu essaies d'augmenter l'intérêt au soccer et de rendre les gens excités... Tu ne peux pas te permettre d'avoir une relation publique à couteaux tirés, même si elle est fondée, a-t-il expliqué. Ce n'est pas le moment pour le faire. »

Les clubs de soccer canadiens ont connu un succès monstre sur la scène internationale récemment. L'équipe masculine s'est qualifiée pour la Coupe du monde pour la première fois depuis 1986 et la formation féminine a remporté l'or aux Jeux olympiques de Tokyo, l'été dernier.

En plus, le Canada sera l'un des trois pays hôte pour la Coupe du monde de 2026 - avec le Mexique et les États-Unis - alors que le sport devrait connaître une croissance énorme au travers du pays, a analysé Mayenknecht, mais seulement si Canada Soccer et ses joueurs peuvent régler l'épineux dossier.

« Je le sens, le danger, la chute que peut entraîner toute cette histoire si tu ne prends pas complètement avantage des cinq prochaines années », a-t-il noté.

« C'est également historique, le fait que tu es non seulement qualifié pour Qatar 2022, mais que tu es également assuré d'une place pour la Coupe du monde de 2026. Ces qualifications coup sur coup, je ne peux jamais assez le dire, d'un point de vue de business, à quel point c'est une opportunité en or de complètement revoir les investissements au Canada dans le soccer. »

Les joueurs canadiens ont publié un communiqué, dimanche, qu'ils ont commencé les pourparlers en mars et ont décrit la proposition faite par l'organisation jeudi comme étant « archaïque ».

« Il est temps que nous prenions position pour l'avenir du soccer au Canada », a indiqué le communiqué.

Les joueurs ont aussi fait savoir qu'ils souhaitaient plus de transparence de la part de Canada Soccer, des changements dans le leadership de l'organisme et une compensation pour la Coupe du monde qui comprend 40% en rémunération et un "forfait complet pour les amis et la famille" pour la Coupe du monde 2022 au Qatar.

La proposition des joueurs n'est pas viable financièrement, a affirmé le président de Canada Soccer, Nick Bontis. Il a ajouté qu'il a proposé une offre « raisonable ».

« Canada Soccer travaille avec les joueurs de bonne foi pour trouver un accord qui est juste et équitable pour tous », a-t-il mentionné.

Les joueurs veulent également une révision de l'accord que Canada Soccer a signé avec Canadian Soccer Business (CSB) en 2019. L'accord de 10 ans prévoit que CSB représente les équipes nationales masculines et féminines dans toutes les ententes de commandite et de diffusion.

Bontis a défendu l'accord, affirmant que Canada Soccer Business a joué un rôle « pivot » dans le développement du sport au Canada.

Le président de Canada Soccer Business, Scott Mitchell, a publié une déclaration, dimanche soir, disant qu'il « soutient pleinement » l'appel à plus de transparence.

« Nous sommes fiers de notre accord avec Canada Soccer et de ce que cela signifie pour l'écosystème du soccer canadien, a-t-il mentionné. Nous sommes prêts à une totale transparence sur notre accord qui a inclus un montant sans précédent de revenus pour Canada Soccer au cours des 18 derniers mois sous forme de commandites et d'argent des médias internationaux. »

Ce n'est pas inédit pour les organisations de sports de conclure une entente avec une compagnie pour gérer ses partenaires et ses droits télévisuels si ces compétences sont hors de leur champ d'expertise, a expliqué Mike Naraine, un professeur assistant de gestion du sport à l'Université de Brock.

« Le problème que cela introduit c'est que, d'une perspective de gestion de business sportive, tu es désormais tributaire de cette compagnie et tu as les mains liées pour la durée du contrat, a-t-il laissé tomber. Et tenter de briser ce contrat c'est très dispendieux, cela coûterait trop d'argent. Donc tu dois pas mal vivre avec. »

« Et c'est ça le problème de signer des ententes à long terme. »

Les commandites de Canada Soccer sont « négligibles », comparativement aux autres organisations nationales de sports au pays a renchéri Naraine.

« Curling Canada vient de trouver un partenaire de pari sportif. Il n'y aucune raison pourquoi Canada Soccer ne peut pas faire de même, a-t-il lancé. Mais encore une fois, ils ne peuvent pas le faire, car Canada Soccer Business détient leur droit de parraineur. »

Les joueurs demandent également une structure de rémunération équitable pour les équipes masculines et féminines, et le développement d'une ligue nationale féminine.

L'équipe féminine canadienne a réagi dans un communiqué qu'elle était heureuse de l'initiative de l'équipe masculine, mais elle a noté que l'équipe féminine ne considère pas les pourcentages égaux de la FIFA pour les deux équipes comme un salaire égal.

« L'équipe nationale féminine n'acceptera pas un accord qui n'offre pas un salaire égal », indique le communiqué.

L'équipe féminine a également précisé qu'elle considérait la proposition déposée vendredi par Canada Soccer pour les deux équipes comme une « étape positive » vers l'équité salariale entre les équipes masculine et féminine, « et qui fournit une base pour de futures négociations ».

L'association américaine de football a récemment accepté des conventions collectives qui offrent un salaire égal pour la première fois aux équipes masculines et féminines.

L'équipe masculine n'a pas joué à domicile depuis qu'elle a vaincu la Jamaïque 4-0 à Toronto, le 27 mars, et décroché une place pour la Coupe du monde.

Le Canada doit donner le coup d'envoi de la Ligue des nations de la Concacaf contre Curaçao (79e) à Vancouver, le 9 juin.