MONTRÉAL – Domenic Pultrone est entré en contact avec Kevin Gilmore après que celui-ci eut été nommé à la succession de Joey Saputo. Par l’entremise de la plateforme de réseautage LinkedIn, il lui a écrit : « Vous ne me connaissez pas encore, mais un jour, on va se rencontrer. »

Pultrone ne s’attendait pas à recevoir une réponse. Et effectivement, il n’en a jamais reçu.

« Mais j’ai gardé le message, dit-il. Quand le jour va arriver, je vais lui montrer. »

Qui est Domenic Pultrone? À quoi pensait-il quand il s’est glissé dans la messagerie privée du président de l’Impact de Montréal? Et qu’est-ce qui lui fait croire que le grand patron du club de soccer de sa ville natale sera un jour son patron?

Natif de Lachine, Pultrone dirige des équipes de soccer depuis une quinzaine d’années. Il a fait ses classes chez les Lakers du Lac St-Louis, au club de soccer de Lachine et à l’Association de soccer de Pierrefonds. Il a brièvement touché à la USL et depuis cet été, il est à l’emploi d’une prestigieuse académie privée en Floride. Observée froidement, sa feuille de route n’est pas nécessairement la plus impressionnante, mais ceux qui l’ont côtoyé tout au long de son parcours voient grand pour l’homme de 41 ans.

« Il est l’un des secrets les mieux gardés du Québec », croit l’une des personnes qui nous ont mis sur sa piste.  

L’un des premiers à avoir détecté le potentiel de Pultrone est John Limniatis. Pultrone n’avait à peu près pas d’expérience dans le coaching quand il a sollicité l’encadrement de l’ancien capitaine de l’Impact en 2006. Limniatis lui a enseigné les rudiments du métier, puis lui a offert un poste d’adjoint au sein du programme AAA des Lakers.

« C’est là que ça a commencé à être plus sérieux, identifiait Pultrone dans une récente entrevue téléphonique. Il y avait plus de séances d’entraînement, plus de voyages au Québec et en Ontario. Je commençais à entraîner des gars qui jouaient pour l’équipe provinciale et même l’équipe nationale U18. À la fin de la saison, on a gagné le championnat provincial, qui nous a donné la qualification pour représenter le Québec au championnat canadien. Et on a gagné là aussi. C’était une très bonne expérience. »

Pultrone a passé les années suivantes à affûter ses armes avec différentes associations sportives de l’ouest de l’île de Montréal. En 2013, il était à la tête du club de soccer Lakeshore lorsqu’il a appris que son emploi régulier au département d’informatique d’Air Transat était aboli.

Domenic Pultrone« Je ne veux pas dire que j’ai été victime de ces coupes-là parce que j’étais l’une des personnes les plus heureuses d’avoir perdu son job. Ma patronne pleurait, elle me demandait si j’allais avoir besoin d’aide pour trouver un autre travail, et c’est presque moi qui devais la consoler. Je lui disais : "C’est correct. Je sais ce que j’ai besoin de faire maintenant". »

Une déception devenue bénédiction

Durant sa brève aventure au Lac St-Louis, Pultrone avait tissé des liens avec une autre tête de soccer aux ambitieuses visées : Marc Dos Santos. « C’est lui qui m’a conseillé de prendre des cours en Europe », retrace-t-il. Pultrone a donc fait ses valises. Il s’est rendu en Angleterre, puis en Irlande pour commencer la formation dispensée par l’Union of European Football Associations (UEFA). Il a reçu sa licence B en 2016 et celle de niveau A deux ans plus tard.

« Avec ça, tu peux entraîner une équipe de deuxième division en Angleterre ou être adjoint dans la Premiership ou la Serie A », explique-t-il fièrement. Quand on lui demande s’il a entrepris les démarches pour décrocher la licence Pro, le plus haut degré de certification qui soit, il acquiesce. « Mon objectif, c’est d’être un jour l’entraîneur de l’Impact. C’est ça le but. »

Pultrone rêve à l’Impact depuis longtemps. En 2016, il avait postulé pour une ouverture à la tête de l’équipe U14 de l’Académie. On l’avait reçu en entrevue, mais sa candidature n’avait pas été retenue. Ce douloureux rejet, il le voit aujourd’hui comme une bénédiction puisqu’il lui a permis d’élargir ses horizons et de rencontrer les précieux alliés qui ont complètement changé sa vie au cours de la dernière année.

Allié numéro 1 : Michael Nsien. Pultrone et lui se sont découvert des atomes crochus lors de leurs démarches communes pour l’obtention de leur licence UEFA B. « On s’était toujours dit que dès que l'un des deux obtiendrait un poste d’entraîneur-chef à quelque part, il amènerait l’autre dans son staff », confie le Montréalais.

En janvier dernier, Nsien a été promu au poste d’entraîneur-chef des Roughnecks de Tulsa, un club de l’USL. Il a tenu promesse et a référé Pultrone à ses patrons. Le courant a passé et quelques jours plus tard, Pultrone était dans sa voiture en direction de l’Oklahoma.

Six mois après son embauche, Pultrone a reçu un appel de l’allié numéro 2 : Toni Hernandez Garcia. Formateur émérite issu du club de Liga de Valence, l’Espagnol avait travaillé étroitement avec Pultrone sur l’implantation d’une méthodologie et d’une philosophie de jeu au club de Pierrefonds. La collaboration avait été un tel succès que lorsque Hernandez Garcia s’est vu confier les rênes d’un nouveau projet aux États-Unis, il a vu en Pultrone un collègue idéal. Depuis juillet, les deux hommes travaillent ensemble à l’Académie Montverde, à Orlando. L’institution, surtout reconnue comme une pépinière de joueurs de basketball, a notamment formé Andre Shinyashiki, la recrue de l’année 2019 en MLS.

« Quand quelqu’un de Valence t’appelle et te demande de travailler avec lui, la réponse est oui tout de suite. Ce que l’Impact n’a pas vu en moi, quelqu’un qui travaille dans l’un des plus gros clubs d’Europe l’a vu. Je suis choyé. La formation que je continue de prendre avec lui, c’est quelque chose que même l’UEFA ne peut pas te donner. »

Après des années de sacrifices, Pultrone commence enfin à récolter le fruit de ses efforts. En plus de plancher sur le transfert de la méthodologie qu’il a instauré à Pierrefonds, Pultrone dirige les équipes U17 et U15 de Montverde. Il vise éventuellement un retour au soccer professionnel, mais pas pour l'instant. Sa patience l’a bien servi jusqu’à maintenant et il compte continuer d’écouter son instinct.

« Je voudrais rester ici pendant au moins un an ou deux pour aider Toni à implanter son programme et apprendre de lui. Si une équipe d’USL, ou même de la Canadian Premier League, m’appelait et m’offrait un poste d’entraîneur, est-ce que j’accepterais? La réponse est non, pas encore. Est-ce que je suis prêt? Je pense que oui. Mais je le serai encore plus dans deux ans. »