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MONTRÉAL – Que faisait Nikola Popovic mardi sur l’heure du lunch?

 

Peut-être discutait-il avec ses adjoints de l’effort que venaient de déployer ses joueurs à l’entraînement. Peut-être réfléchissait-il à un ajustement tactique de dernière minute. Peut-être complétait-il son alignement en vue du match du lendemain.

 

Ce qui est certain, c’est que Popovic avait la tête au soccer et uniquement au soccer. Normal, c’est son job, son métier. Il est l’entraîneur-chef du Fury d’Ottawa, l’une des deux équipes canadiennes de la United Soccer League (USL).

 

Emmanuel Macagno aussi dirige une équipe de soccer. Depuis quatre ans, il est à la tête de l’AS Blainville, l’une des huit équipes de la Première Ligue de soccer du Québec. L’an dernier, son équipe a tout raflé en PLSQ, remportant à la fois le championnat et la Coupe de la ligue. Et après sept matchs cette année, elle n’a toujours pas connu la défaite.

 

Mais Macagno n’avait pas le temps de penser au soccer mardi midi. Pharmacien de profession, il venait de s’occuper de la prescription d’un patient quand il s’est permis une pause pour répondre à l’appel téléphonique du RDS.ca. Pour lui comme pour ses joueurs, le foot doit passer en deuxième. C’est une passion qui doit rester un passe-temps, un divertissement. 

 

Les joueurs du Fury d’Ottawa sont des pros, ceux de l’AS Blainville des amateurs. Mercredi soir, ils seront pourtant sur le même terrain, celui du Stade Desjardins du Complexe sportif Bois-de-Boulogne à Laval, pour y disputer le premier match de la deuxième phase de qualification du Championnat canadien. L’équipe qui sortira gagnante de cette série aller-retour affrontera le Toronto FC en demi-finale.

 

Comment l’AS Blainville s’est-il immiscé dans cette conversation? En éliminant les Blue Devils d’Oakville, champions en titre de la League 1 en Ontario, en première ronde des qualifs. La formation québécoise a remporté le match aller 2-1 à domicile et a confirmé sa progression avec une victoire de 1-0 au retour.

 

Depuis, Macagno ne peut ignorer le buzz qui entoure son équipe. Les médias s’y intéressent davantage. Sur les réseaux sociaux, on passe du rêve au fantasme en imaginant une grande finale contre l’Impact!

 

« J’essaie de protéger mes joueurs un peu. Certains ont de l’expérience avec ça, mais d’autres, ouf... je risque de les perdre! », rigole le pilote français, mi-blagueur, mi-sérieux.

 

Réalisme

 

L’entraîneur, lui, donne résolument l’impression d’avoir les deux pieds bien ancrés sur terre. L’ampleur de la tâche ne lui échappe pas et son approche est empreinte de calme et de lucidité. 

 

« On n’est pas tellement déstabilisés par la nature du Championnat canadien. On prend ça comme une récompense de notre titre de l’année dernière et on en profite un peu! [...] Les gars savent qu’ils ont affaire à un adversaire qui est supérieur. Ça ne veut pas dire qu’ils sont résignés, loin de là, sinon on n’irait pas jouer le match. Mais ils ne se disent pas que ce n’est qu’une équipe d’USL et que la différence n’est pas si grande. Ils savent, ils savent... »

 

Après avoir compilé une séquence de six matchs sans défaite en mai, le Fury a perdu ses deux dernières parties et occupe la 12e place du classement de l’Association Est de l’USL. Les amateurs québécois reconnaîtront dans son effectif de nombreux visages familiers. Le gardien Maxime Crépeau, joueur par excellence du mois de mai en USL, le milieu de terrain Maxim Tissot et le défenseur Thomas Meilleur-Giguère ont tous porté les couleurs de l’Impact en MLS.

 

D’autres membres du Fury ont des feuilles de route bien garnies. Son joueur le plus titularisé, le milieu de terrain Kevin Oliveira, a grandi dans l’académie du club portugais Benfica. L’attaquant Adonijah Reid est un prêt du FC Dallas, qui l’a repêché en deuxième ronde en 2017.
 

En comparaison, la majorité des joueurs de l’AS Blainville n’ont pas dépassé les rangs universitaires ou l’Académie de l’Impact. 

 

« Nos chances sont d’autant plus minces qu’on joue une série aller-retour, réalise Macagno. Sur un match, je n’aurais peut-être pas le même discours. Ils pourraient nous prendre à la légère, le coach pourrait utiliser beaucoup de réservistes, il y a l’arbitrage, le facteur chance... N’importe quoi. Sur 90, ouais. Mais là, même si on arrive à quelque chose sur 90 minutes, on en a 90 autres dans une semaine et ça leur laisse le temps pour corriger le tir. On s’attend à des périodes orageuses, mais on va essayer de plier sans casser. On va essayer de traverser l’orage. À un moment donné, on pourrait avoir une petite chance et alors on verra si on est capables de la saisir. »

 

Un regret

 

La seule chose avec laquelle Emmanuel Macagno est un peu moins zen, c’est l’endroit où aura lieu ce match historique pour son équipe.

 

Les installations du Parc Blainville, où le club dispute habituellement ses parties locales, ne répondent pas aux normes exigées par Canada soccer. L’éclairage est insuffisant, les gradins sont trop près de l’action, la qualité de la surface n’est pas satisfaisante. « Il ne faut pas de lignes de football non plus! C’est normal... », se désole Macagno.

 

C’est pourquoi l’AS Blainville doit se déplacer à Laval.

 

« Honnêtement, c’est mon grand regret, déplore le coach. C’est un club qui m’est cher, ça fait plus de dix ans maintenant que j’y suis associé. Réussir à jouer un tel match chez nous, ça aurait été super. Vraiment, ça aurait été incroyable. »

 

Même son domicile temporaire a ses défauts. Après le match aller contre Oakville, des accusations ont été portées contre l’AS Blainville pour l’utilisation de fusées pyrotechniques dans les tribunes. Après délibération, « le comité de discipline de Canada Soccer a déterminé que le Stade Desjardins n’était pas suffisamment préparé pour ce niveau de compétition », peut-on lire sur un communiqué publié sur le site internet de l’organisme. Le club québécois a écopé d’une amende de 2500$ et a dû prendre les moyens nécessaires pour améliorer la sécurité de l’endroit, sous menace de disputer son prochain match à huis clos.

 

« J’espère que ça va donner des idées à la ville, rêve Macagno. Avec un petit effort financier, je suis sûr qu’on pourrait y arriver. »​