MONTRÉAL - Tout bon entraîneur a pété les plombs au moins une fois dans sa carrière. Les nôtres n’y font pas exception.

Gaston Therrien : pour le « show »

À l’époque où je dirigeais le Rocket de Montréal, les équipes de la LHJMQ jouaient des matchs contre des rivales de la Ligue de l’Ontario. L’un de ces matchs nous avait opposés aux St. Michael’s Majors de Toronto. Cette équipe comptait parmi ses entraîneurs Mark Osborne, un ancien de la LNH. Le directeur général était l’ancien du Canadien Mark Napier.

On avait une bonne saison et on était une équipe très robuste. Les esprits avaient commencé à s’échauffer et j’avais dit aux joueurs de lever la tête. Je ne voulais pas qu’ils soient les instigateurs, mais je ne voulais pas qu’on se fasse piler dessus non plus. Soudain, après un but, mon adjointe Danièle Sauvageau s’approche et me dit qu’à chaque fois qu’une équipe marque ou qu’il y a une punition, un coach sur l’autre banc l’arrose « Qu’est-ce que tu veux que je te dise? », que je lui réponds. « C’est de l’eau, ça va sécher. »

Gaston pète les plombs

C’est moi qui est le plus proche du banc adverse quand on marque le but suivant et à mon tour, je reçois un jet d’eau en plein visage. Danièle s’approche et me lance : « Gaston, casse-toi pas la tête, c’est juste de l’eau! » Mais je suis devenu enragé noir. J’ai grimpé sur le bord du banc et j’ai crié au gars l’autre bord d’arrêter ses niaiseries. Dans le junior, il fallait donner un spectacle et j’étais bon pour le faire. Pendant que je m’obstinais, donc, leur gardien réserviste m’a touché le bras avec son bâton. Pas un gros coup, juste pour m’accrocher, mais quand même! J’avais environ deux mètres à marcher sur la bande pour me rendre sur leur banc et c’était bien mon intention quand tout d’un coup, je m’aperçois que j’arrête d’avancer. André Paré, notre préposé à l’équipement, me tenait par la ceinture. Je lui ai donné un coup de coude directement sur le nez. Je ne l’ai pas manqué parce qu’il a commencé à saigner. J’ai repris ma marche vers le banc adverse, mais là c’est Gilbert Delorme, mon autre adjoint, qui m’a agrippé par le fond de culotte! C’était comme si je venais d’être coincé dans le béton. Je lui ai dit de me lâcher, mais il est tellement fort et il tenait absolument à m’empêcher de faire le cave.

Il m’en est arrivé une autre bonne à Rimouski. Avant le début d’un match, l’arbitre Éric Charron était passé devant notre banc et m’avait montré l’intérieur de sa main. Dans sa paume, le numéro 19 était écrit au crayon feutre. C’était Éric Normandin, l’un de mes meilleurs joueurs, le compagnon de trio de Vincent Lecavalier et Éric Bélanger. Charron me regarde et me dit : « Lui, il ne finit pas la game ». Je vais donc voir Normandin au banc et je l’avertis de se tenir tranquille, mais il était tellement arrogant et il narguait tout le monde. Les arbitres s’étaient sûrement passé le mot. Charron était passé de la parole aux actes. Il lui avait donné une punition dès la première période, puis une deuxième. Comme j’étais en train de me dire que je devais m’en mêler, il lui donne une inconduite de partie. Je venais de perdre mon meilleur ailier droit et je n’étais pas content. Je dis à Charron que je veux lui parler, il me répond qu’il va passer après la période. Finalement, il passe en face du banc avant le premier entracte et me dis que ça ne lui tente plus de parler.

Au début de la deuxième période, j’ai demandé une bouteille d’eau à notre soigneur et je l’ai lancée vers Charron, mais le bouchon était mal fermé et je l’ai raté. J’en ai pris une deuxième et je l’ai atteint dans les côtes. Il m’a dit qu’il allait m’expulser. J’ai répliqué que s’il était un homme, il allait venir me parler. Je ne vous raconte pas tous les blasphèmes qui sortaient de ma bouche. Charron a fini par m’expulser et je lui ai dit qu’il n’était pas assez brave pour venir me sortir. Dans ce temps-là, le Colisée de Rimouski était toujours rempli à craquer. La foule avait commencé à scander mon nom, ça lançait toutes sortes de choses sur la glace. Maurice Tanguay, notre propriétaire, était assis derrière le banc et il me disait de partir, que j’allais provoquer une émeute. C’est finalement ma femme Madeleine qui était venu me conseiller de disparaître. Ça m’avait saisi et je l’avais écouté. J’avais reçu un match de suspension, mais j’avais donné tout un spectacle!

Norman Flynn : une trahison qui passe de travers

J’avais un sale caractère, je l’avoue, pendant les années que j’ai passées derrière les bancs de la LHJMQ. Les partisans qui sont assez vieux pour avoir suivi cette époque vous diront que des crises, j’en ai piqué plus d’une au vu et au su de tous. Mais la pire de toutes, personne n’en a été témoin. J’étais seul dans mon bureau du Stade L.P. Gaucher de St-Hyacinthe quand c’est arrivé. Je venais d’apprendre que les propriétaires du Laser, Dave Morin en tête, étaient de mèche avec les frères Morissette pour favoriser l’avancement des Prédateurs de Granby jusqu’en grande finale. Je vous explique.

Norman Flynn derrière le banc du Laser

On est en 1996, l’année où les Prédateurs ont mis fin à la longue disette des équipes du Québec au tournoi de la Coupe Memorial. L’équipe de Michel Therrien a fini le calendrier de la saison régulière une tête au-dessus de tout le monde. Pour nous, à St-Hyacinthe, ça avait été plus difficile. On était largement négligé quand les Prédateurs se sont retrouvés sur notre chemin en deuxième ronde des séries éliminatoires. On a perdu le premier match là-bas, une dégelée de 7-1, mais à la surprise générale, on avait égalé la série avec une victoire de 4-2. Le deuxième match avait été ponctué de grabuge. Jason Doig avait été le troisième homme dans une bagarre, Georges Laraque avait dardé Mathieu Benoît dans le visage. J’étais tellement en furie après le match que j’avais conduit jusqu’à Québec pour aller remettre les vidéos en mains propres à Maurice Filion, le préfet de discipline du circuit. J’avais profité de ma visite pour loger une plainte officielle par rapport à ces deux événements. Maurice m’avait dit qu’il regarderait ça à tête reposée le lendemain, mais qu’il y aurait assurément des suspensions.

Deux jours plus tard, je suis sorti du lit par un appel de mon capitaine à 6 h 30 du matin. J’étais nerveux, je me disais qu’il devait être arrivé quelque chose de grave pour qu’il m’appelle à cette heure-là. Il me dit : « Norm, va chercher le Journal de Montréal, tu vas comprendre ». Je fais ce qu’il me dit, je l’ouvre à la section des sports et je vois ça : une demi-page signée de la plume de Marc Lachapelle où Dave Morin annonce que le Laser retire les plaintes portées contre les Prédateurs afin de ne pas empêcher l’organisation de représenter le Québec à la Coupe Memorial. Je vous jure que je ne l’invente pas! Quand j’ai lu ça, j’ai complètement perdu la carte. Je me suis rendu à l’aréna et le mobilier de mon bureau a payé le prix.

Peu à peu, j’ai allumé sur bien des affaires. J’ai compris pourquoi on avait échangé Laraque à Granby en saison régulière. Tout était arrangé avec les Morissette. Je l’ai su après, mon équipe avait fait un pacte avec l’ennemi. J’ai parlé à Maurice Filion, qui m’a expliqué que comme les plaintes avaient été retirées, il n’était plus en droit de sévir. J’avais convoqué les joueurs, ils me demandaient tous ce qu’on allait faire. Je leur ai dit que les propriétaires pouvaient bien aller chez le diable. Les gars voulaient abandonner. Il a fallu que le proprio arrive avec 20 000$ en argent comptant, en cadeau aux joueurs, pour les convaincre de rester. Mais le reste de la série n’a été qu’une mascarade. Insultés, on avait tous lancé la serviette. On a perdu les trois matchs suivants 7-1, 6-0 et 10-1.

Encore aujourd’hui, j’ai deux jointures qui me rappellent la colère que j’ai piquée le matin où j’ai appris que les dés étaient pipés.

Russ Anber : quand l’égo s’en mêle

Début des années 2000, on est à Windsor en Ontario pour les Championnats canadiens. Un soir, je suis dans le coin de Jessy Thompson. Jessy est aujourd’hui l’un des meilleurs entraîneurs au Québec et dans son temps, c’était tout un boxeur. Il a disputé plus d’une centaine de combats sur la scène amateur, c’était un vrai étudiant du noble art. On monte sur le ring pour le combat et l’arbitre se dirige immédiatement vers nous. Sans nous saluer, sans un « bonjour », il me regarde et me dit : « I’m gonna be watching you! » Si tu me demandes quelle est la chose que je déteste le plus dans mon sport, et même dans la vie en général, c’est l‘intimidation gratuite. Et là, j’avais un vrai « bully » juste en face de moi. Rien de surprenant parce qu’à mon avis, il s’agit de la raison d’être de la plupart des officiels. Quand ils partent sur un « power trip », il n’y a rien à faire pour les arrêter.

Le combat commence et tout de suite, l’arbitre se met à avertir mon boxeur pour des fautes qu’il ne commettait pas et à le punir pour des fautes qui auraient dû être décernées à son adversaire. Je commence à crier, il fallait que je défende mon gars. Sans crier gare, l’arbitre arrête tout et m’expulse de mon coin. Je le savais pourquoi il faisait ça. À cette époque,  je venais de commencer mon émission « In This Corner » à TSN. J’avais une grand gueule et je me servais de ma tribune pour exprimer mon opinion. On pourrait dire que j’étais devenu une petite vedette dans le milieu. Lui, c’était l’évidence même que tout ce qu’il voulait, c’était raconter à ses amis le soir au bar qu’il avait sorti Russ Anber de l’aréna. C’est ça qu’il voulait. Il cherchait l’opportunité de raconter une histoire à ses amis. Je le sentais, je le savais dans le fond de mon cœur. Alors quand il l’a fait, j’ai piqué une crise. En sortant du ring, il y avait une chaise qui était dans les jambes. Je l’ai prise et je l’ai fracassé sur le mur. Ça a fait un article dans le journal le lendemain. Le titre, bien sûr, mettait l’accent sur le fait qu’une personnalité de TSN avait perdu le contrôle. Comme vous pouvez l’imaginer, le lundi suivant, je me suis retrouvé dans le bureau du patron, qui cherchait à comprendre ce qui s’était passé. J’ai toujours gardé de l’amertume de cet épisode parce qu’on avait agi dans le simple but de me nuire sans faire preuve de discernement. Je ne peux pas respecter quelqu’un qui agit de la sorte.

Dany Dubé : « J’ai vraiment fait ça?

Pour moi, ce n’est pas une anecdote édifiante, mais en même temps elle explique un peu le cheminement nécessaire d’un coach. J’y repense aujourd’hui et je me dis : « T’as vraiment fait ça ? »

On était à Victoriaville. Les Tigres avaient une légère avance sur nous au classement, c’était une lutte très serrée. Leur avantage numérique était mortel, alors j’avais bien pris la peine d’insister auprès de mes joueurs sur l’importance de la discipline. Mais le match commence et c’est comme si je leur avais dit le contraire. C’est rapidement devenu 2-0 ou 3-0 avec, bien sûr, des buts en avantage numérique. Quand tu as l’impression que tout a été dit, c’est là que ça peut mener à des débordements. J’ai réfléchi à ce que je pourrais faire, mais je n’ai pas pris le bon chemin cette fois-là. J’ai pris un bâton. C’était celui d’un gars qui jouait moins, ce qui était encore pire comme idée parce que quand tu tires de l’arrière, tu veux donner la chance à plus de monde de contribuer. Mais bref, vous pouvez vous imaginez ce que j’ai fait avec. Je l’ai cassé, avec quelques jurons en prime. Quelques années plus tard, mon fils s’était fait raconter cette histoire par un ami qui avait vu la séquence à RDS. Il ne le croyait pas. À ses yeux, j’étais incapable d’un tel élan de colère! J’avais dû le prendre à l’écart et lui expliquer que dans la vie, il arrive qu’on fasse des choses dont on n’est pas très fier. C’en est certainement une.

Il m’en était arrivé une autre vers la fin de ma carrière. Les pénalités étaient encore au cœur de ma frustration, mais cette fois j’en avais plus contre l’arbitre Chris Lee, qui travaille aujourd’hui dans la LNH. C’était la première année des Screaming Eagles du Cap-Breton, qui venaient tout juste de gagner la Coupe Memorial sous leur ancienne identité, celle des Prédateurs de Granby. On n’avait vraiment pas beaucoup de ressources et dans un match contre Sherbrooke, Lee nous avait décerné quelque chose comme sept punitions consécutives.

C’est simple, après la quatrième punition en première période, il n’y avait déjà plus de mach. Il était venu au banc pour me parler. Je l’avais laissé venir, mais dès qu’il était assez proche pour parler, je m’étais éloigné en croisant les bras. Je ne le regardais même pas. Il était revenu à la charge trois fois, il ne voulait pas que je le ridiculise devant tout le monde. Quand j’avais finalement daigné lui parler, je lui avais fait comprendre qu’il pouvait bien s’en aller chez lui. À cause de lui, le match était déjà terminé.

Olivier Brett : dans une autre vie

Je n’ai l’air de rien comme ça, mais il y a une époque de ma vie où je n’étais pas un cadeau près d’un terrain de soccer. Je le regrette aujourd’hui, mais j’ai été vraiment désagréable envers plusieurs arbitres qui ont croisé mon chemin. Je ne calcule plus le nombre de fois où je me suis fait expulser, où j’ai pété ma coche en essayant de convaincre un arbitre qu’il avait fait une erreur. Je suis encore convaincu, d’ailleurs, qu’ils avaient fait des erreurs, mais je me rends compte que c’était de l’énergie qui était lancée par la fenêtre et que j’aurais pu utiliser pour faire autre chose.

ContentId(3.1366045):Texte web : Olivier Brett expulsé au Stade Saputo
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Il y en a eu trop de ces fois où j’ai perdu les pédales. C’était un de mes grands défauts. Et comme Philippe Eullaffroy n’était pas plus doué que moi dans ce domaine, ça donnait souvent des situations catastrophiques. Il existe d’ailleurs une vidéo sur Youtube pour en témoigner. Aujourd’hui, je suis content d’avoir passé les dix dernières années de ma vie à travailler fort sur mon propre moi-même!