Quand Serena Williams a annoncé qu’elle se retirait de la Coupe Rogers peu avant le début de la compétition, elle a évoqué des raisons personnelles pour justifier sa décision, sans toutefois donner de détails.

 

Lundi, elle a confirmé dans une publication Instagram qu'elle souffrait de déprime, 11 mois après la naissance de sa fille Alexis Olympia. L'Américaine dit avoir l'impression d’être une mauvaise mère, car elle n’est pas aussi présente qu’elle le souhaiterait auprès de sa famille. Elle a voulu en parler ouvertement pour mener ce combat de front, car elle croit que le fait de communiquer l’aidera à surmonter cette épreuve, tout comme d’autres mères qui pourraient souffrir en silence elles aussi.

 

Également une jeune maman sur le circuit de la WTA, Victoria Azarenka éprouve beaucoup de compassion pour Williams. Même si elle n’a pas vécu les mêmes difficultés après l’accouchement, elle peut comprendre l’état d’esprit dans lequel se trouve Serena.

 

« C’est une réalité avec laquelle beaucoup de femmes composent et c’est très difficile, soutient Azarenka, dont le fils Leo la rejoindra à Montréal d’ici la fin de la semaine. Je comprends tout à fait ce qu’elle traverse. Même si je suis heureuse et excitée d’avoir un fils, c’est tellement difficile de gérer son emploi du temps. Gérer toutes ces heures loin de lui est pour moi le plus grand défi, car je n’ai pas envie de le quitter des yeux une seule minute. »

 

« Je pense que c’est vraiment difficile pour une femme quand elle devient mère. J’ai lu tellement de choses et entendu tellement d’histoires sur la dépression post-partum. Je pense que c’est quelque chose qui doit être reconnu. Il faut soutenir ces femmes qui en souffrent et ne pas les juger. Je ne sais pas ce que c’est que de vivre cela exactement, mais je pense que c’est une période très éprouvante. Votre corps change, votre façon de penser change, vos priorités changent… En tant que mère, vous passez en second et c’est parfois difficile. »

 

Un rythme de vie effréné

 

Le quotidien d’un athlète est habituellement réglé au quart de tour, mais désormais, la gestion du temps demande à Azarenka une extrême discipline et capacité d’adaptation.

 

« Il (Leo) passe avant tout, relate celle qui vient de fêter ses 29 ans le 31 juillet. Me placer en deuxième tout en essayant de continuer de jouer à un haut niveau n’est pas facile. Je m’entraîne quand il dort, qu’il soit 22 h le soir ou 6 h le matin. Je veux optimiser mon temps avec lui. Prendre une heure pour soi, pour relaxer ou aller voir un film, ce n’est pas évident. Je ne me rappelle pas comment était ma vie quand j’avais tellement plus de temps libre. J’ai complètement oublié ce que c’est que d’avoir du temps pour soi. »

 

Peu importe la fatigue, peu importe les bouleversements dans sa vie, Azarenka n’a jamais pensé accrocher sa raquette comme certaines joueuses ont décidé de faire, parfois très tôt dans leur carrière, pour se dédier à leur vie familiale.

 

« Je n’ai jamais douté que j’allais recommencer le tennis, je ne savais juste pas quand. Je ne voulais pas me mettre de pression. Je n’allais pas prendre de décision tant que je n’avais pas accouché et que je ne savais pas comment j’allais me sentir. »

 

Après avoir donné naissance en décembre 2016, la Biélorusse a été bloquée en Californie pendant plusieurs mois afin de se consacrer à une bataille juridique pour obtenir la garde de son fils au cours de la dernière année. Ne pouvant voyager et donc participer à des tournois, il va sans dire que son classement a écopé, elle qui a même reculé jusqu’au 978e échelon. Ancienne no 1 mondiale en 2012, année où elle a remporté le premier de ses deux titres consécutifs aux Internationaux d’Australie, Azarenka est aujourd’hui 95e. Elle demeure déterminée à revenir au sommet de son art, pas seulement pour elle et sa carrière, mais avant tout pour être un modèle aux yeux de son fils.

 

« Malgré toutes les contraintes, je crois définitivement que je peux jouer encore mieux, car être mère m’a tellement offert des perspectives différentes que je n’aurais pas eues avant. Avoir un enfant vous force à être organisée, disciplinée et patiente. C’est une autre vision de la vie. J’apprends à mieux gérer certaines situations. Physiquement, je suis assurément meilleure qu’avant, je suis étrangement dans la meilleure forme dans ma vie. Il m’inspire tellement à faire ce que j’aime car en tant que parent, vous voulez être un bon exemple pour vos enfants. Je veux lui montrer ce que c’est d’être travaillant, discipliné et déterminé. Je veux lui montrer qu’il faut réaliser ses rêves et être humble. Je veux moi-même être l’incarnation de toutes ces choses, je ne veux pas être hypocrite. C’est une motivation que de sortir de ma zone de confort et de toujours chercher à m’améliorer. »

 

Un débat à travers la WTA

 

Selon Azarenka, qui fait partie du conseil des joueuses de la WTA, il faudra réellement se pencher sur la question de la conciliation travail-famille sur le circuit afin de mieux accompagner et soutenir les joueuses qui doivent voyager aux quatre coins de la planète toute la saison. Également, il y a actuellement un débat pour déterminer si une joueuse revenant d’un congé de maternité devrait reprendre le même classement qu’elle avait pré-grossesse et pour déterminer comment assigner le statut de tête de série à une joueuse de l’élite qui a dû s’absenter longtemps. Pour l’instant, il y a du cas par cas mais aucune règle définie.

 

« C’est à nous de faire bouger les choses et on va essayer de le faire à travers le conseil des joueurs et en discutant avec les autres joueurs, souligne Azarenka. On peut toujours faire mieux. Il y a tellement de jeunes joueuses qui ont des enfants maintenant et je suis certaine que cette tendance va continuer. C’est à nous de bâtir un meilleur avenir et je suis très optimiste que la WTA va faire tout son possible pour être un exemple dans le monde, et pas seulement dans le sport. »

 

Vu son classement actuel, Azarenka est forcée d’affronter rapidement les meilleures joueuses dès le premier tour d’un tournoi.

 

« Je joue constamment contre des joueuses du top-50 ou même top-40, mais c’est ma réalité. J’ai toujours été ce genre de joueuse contre qui mes adversaires, peu importe leur classement, veulent hausser leur jeu d’un cran pour me battre. Je suis habituée à ce genre de défi. On peut voir aujourd’hui que même les têtes de série peuvent tomber au premier tour, soit parce qu’elles ont sous-estimé leur rivale ou bien parce que le calibre est rendu tellement élevé. Ce n’est pas comme il y a 25 ans quand on pouvait voir des résultats de 6-0, 6-0 dans un match de quarts de finale. Il faut toujours être prête. »