MOSCOU - La Russie et ses sportifs ont poussé lundi un soupir de soulagement après la décision du Comité international olympique (CIO) de ne pas exclure le pays des Jeux olympiques de Rio (5-21 août), reléguant cette responsabilité aux fédérations internationales.

Cette décision a suscité de nombreuses critiques dans le mouvement olympique, alors qu'un rapport indépendant du juriste canadien Richard McLaren, à la demande de l'Agence mondiale antidopage (AMA) a mis en évidence un système de dopage d'État dans le sport russe de 2011 à 2015.

Les premiers athlètes de la Russie à Rio

L'AMA s'est ainsi dite « déçue » tandis que l'USADA, l'agence américaine antidopage, a parlé de « désordre » créé par le CIO.

En Russie, où le sport et les médailles sont une priorité nationale, le soulagement était immense. « Nous nous félicitons naturellement » de la décision du CIO, a ainsi estimé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, évoquant une « décision positive ».

« Cette décision n'est pas mauvaise pour nous. Elle a été prise et nous devons la respecter », a déclaré à l'AFP le président du comité pour le Sport à la Douma (chambre basse du Parlement), Dmitri Svichtchev, tout en regrettant que les sportifs russes ayant déjà été contrôlés positifs pour dopage, soient privés de Jeux.

« Vous ne pouvez pas punir quelqu'un deux fois pour la même peine », a-t-il déclaré. Ces conditions devraient notamment empêcher le cycliste Ilnur Zakarin, vainqueur cette année d'une étape du Tour de France et suspendu en 2009 pour prise de stéroïde, de participer aux Jeux.

La quadruple championne du monde de natation Yulia Efimova, contrôlée positive en 2014 à un stéroïde et suspendue 16 mois, devrait également être absente de Rio, tout comme sa coéquipière Natalia Lovtsova, suspendue en 2013.

La médaillée olympique d'haltérophilie Tatiana Kashirina, sanctionnée en 2006, pourrait aussi être privée de Jeux.

Gymnastes et escrimeurs déjà à Rio

Les sportifs russes ne pourront aller à Rio qu'après y avoir été autorisés par leurs fédérations de tutelle, qui passera au crible leur CV antidopage et s'assurera qu'ils ont tous subi des « contrôles crédibles » faits hors de Russie.

Première à réagir, la Fédération internationale de tennis (ITF) a donné son feu vert à la participation des huit joueurs et joueuses de tennis sélectionnés par la Russie. La décision de la Fédération internationale de judo, qui avait soutenu la Russie avant même que se prononce le CIO, devrait rapidement suivre.

Les patrons des fédérations russes d'escrime et de pentathlon ont estimé lundi que leurs sportifs seraient autorisés à concourir à Rio, mais attendent une confirmation officielle qu'ont déjà reçu les archères russes, championnes du monde.

Mais certains sportifs n'ont pas attendu pour s'envoler à Rio. C'est le cas des escrimeurs ou des gymnastes, dont l'entraîneur principal, Valentina Rodionenko, a assuré à l'agence de presse TASS : « Le pire est derrière nous ».

La majorité de la sélection s'envolera pour Rio jeudi. Pour les 68 athlètes privés de JO à cause de la suspension de la Fédération russe d'athlétisme, il n'y a en revanche plus aucune chance d'aller à Rio après la décision jeudi du Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne.

« Notre bataille pour Rio est terminée », a regretté la vedette du saut à la perche Yelena Isinbayeva, qui visait à Rio une troisième médaille d'or olympique avant de prendre sa retraite.

Si le CIO a pris des sanctions, elles visent avant tout Yuliya Stepanova, la lanceuse d'alerte à l'origine des révélations sur le dopage russe. Cette spécialiste du 800 m sera privée de JO, car elle a été sanctionnée pour dopage dans le passé, ce qui a là-aussi suscité un tollé parmi les responsables de l'AMA et de l'USADA.

Stepanova a eu ce qu'elle mérite, a estimé Komsomolskaïa Pravda, donnant le ton des médias locaux sur la sanction contre l'athlète. Un journaliste de ce tabloïd avait comparé l'athlète russe à une collaboratrice des nazis.

La Russie évalue qu'au moins huit de ses athlètes seront exclus

Au moins huit athlètes russes sont assurés de rater les Jeux olympiques de Rio de Janeiro le mois prochain en vertu des nouvelles règles du CIO interdisant aux athlètes déjà convaincus de dopage de participer aux compétitions, a indiqué le président du Comité olympique russe.

Alexander Zhukov avait révélé plus tôt que seulement huit athlètes seraient concernés, mais il a reconnu après une réunion du comité que ce nombre pourrait augmenter.

« Je pense que nous aurons bientôt toute l'information, a déclaré Zhukov. J'avais dit huit, mais il est clair que c'est plus. »

Si Zhukov n'a pas donné les noms, des athlètes en natation, en cyclisme et en haltérophilie sont susceptibles d'être concernés.

Zhukov s'est exprimé au lendemain de la décision de la commission exécutive du Comité international olympique de ne pas procéder à une exclusion complète des athlètes russes dans la foulée des allégations d'un dopage généralisé avec la complicité de l'État. Le CIO a laissé aux fédérations internationales de chaque sport le soin de décider au cas par cas si les athlètes russes peuvent y participer.

Les règles interdisent à la Russie d'envoyer aux Jeux de Rio des athlètes qui ont déjà été sous le coup d'une suspension pour dopage. Les fédérations sportives peuvent également rejeter des demandes d'athlètes russes s'ils ne se sont pas soumis à des contrôles antidopage satisfaisants sur la scène internationale. Les tests antidopage russes ne seront pas acceptés compte tenu des allégations de camouflage du laboratoire de Moscou.

On ignore pour l'instant si les critères du CIO pourraient faire l'objet de contestations judiciaires. Une mesure similaire du CIO, connue sous le nom de la règle Osaka, qui interdisait à tout athlète suspendu pour une période de plus de six mois de participer aux Jeux olympiques suivants, a été invalidée par le Tribunal arbitral du sport (TAS).

Zhukov a déclaré que les dernières règles du CIO violent le "principe d'égalité", car elles sont appliquées seulement à la Russie, mais il a déjà exclu une procédure en justice.

Andrei Mitkov, l'agent de la nageuse championne du monde Yulia Efimova précédemment suspendue, a déclaré au site web russe Sportbox que l'athlète fera appel au TAS si elle n'est pas autorisée à participer aux jeux.

Les membres de l'équipe d'athlétisme russe restent exclus des jeux à la suite d'une décision de l'IAAF, confirmée la semaine dernière par le TAS et acceptée par le CIO.

À l'approche de la cérémonie d'ouverture, le 5 août, il appartient désormais aux 27 fédérations internationales sportives restantes d'examiner la situation des athlètes sur une base individuelle.

La fédération internationale de tir à l'arc a approuvé, lundi, la présence de trois archères russes à Rio après avoir déterminé qu'elles n'ont aucun lien avec le dopage.

L'organisme a expliqué qu'il est convaincu que les trois athlètes russes nommées pour les jeux ont été "largement" contrôlées et n'ont jamais été sanctionnées pour dopage. Il s'agit de Tuiana Dashidorzhieva, Ksenia Perova et Inna Stepanova.

Le tir à l'arc n'est pas l'un des sports nommés dans le rapport de l'avocat canadien Richard McLaren, qui a accusé la Russie d'avoir camouflé des cas de dopage dans 20 sports des Jeux olympiques d'été.

Les archers russes ont été ciblés pour des contrôles supplémentaires, à la fois en compétition et à l'extérieur, depuis la publication du rapport.

La Fédération internationale de tennis a par ailleurs indiqué, dimanche, qu'elle s'attend à ce que les huit joueurs de tennis russes soient autorisés à prendre part aux jeux. La FIT a souligné que les joueurs "ont fait l'objet d'un programme de contrôles antidopage rigoureux à l'extérieur de la Russie.