Les athlètes veulent une hausse de salaire avant Paris
L'Olympienne canadienne Cynthia Appiah est endettée de milliers de dollars, notamment à cause du coût des lames de son bob et des nombreux voyages effectués pour participer à des compétitions.
Sa coéquipière canadienne Melissa Lotholz a récemment dû se faire héberger gratuitement dans une église alors qu'il participait à une compétition à Lake Placid, dans l'État de New York.
La rameuse olympique Andrea Proske a déclaré qu'elle rembourse encore ses dettes, et ajouté que sa mère avait agrandi son jardin afin de faire pousser plus de fruits et de légumes afin qu'elle puisse se nourrir convenablement, surtout lorsqu'elle doit gratter les fonds de tiroir pour participer à un entraînement ou à une compétition.
Alors que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris pointent à l'horizon, les athlètes canadiens exigeront une hausse de 6,3 millions $ de l'enveloppe accordée au Programme d'aide aux athlètes (PAA) lors du dépôt du prochain budget fédéral, le 16 avril.
Un chèque mensuel de 1765 $ — et de 1060 $ pour un athlète en développement — leur est octroyé afin de couvrir les dépenses courantes et les coûts associés aux compétitions qui ne sont pas défrayés par leur fédération sportive.
«Ce chèque est ma principale source de revenus, a admis Appiah. C'est la seule chose qui soit constante tout au long de l'année, tant au niveau sportif que dans la vie de tous les jours.»
Plus de 1900 athlètes impliqués dans 90 disciplines différentes sont admissibles au PAA, qui offre également d'autres avantages tels que des bourses d'études et des allocations familiales.
Les athlètes ont obtenu une hausse des versements du PAA de l'ordre de 265 $ par mois, ou 18 %, en 2017. Il s'agissait de la première hausse depuis 2014.
Leur récente requête, qui équivaut à une hausse de 18,8 %, est indépendante d'une autre demande formulée par les Comités olympique et paralympique canadiens, qui souhaitent qu'Ottawa injecte 104 millions $ supplémentaire dans le système sportif du pays.
Les deux vont de pair, cependant, puisque les athlètes paient les coûts qui ne sont pas couverts par leur fédération sportive. Appiah doit payer les lames de son bob 10 000 $, et elle doit encore rembourser 6000 $ sur sa carte de crédit pour des voyages effectués pour participer aux Coupes du monde de bobsleigh en Lettonie et en Autriche l'an dernier.
L'athlète âgée de 33 ans habite chez sa soeur à Toronto «parce que je ne peux m'offrir un appartement dans une ville comme Toronto».
Quand Appiah doit retourner s'entraîner avec l'équipe canadienne à Calgary, alors elle doit dormir sur le canapé d'une connaissance et conduire une voiture construite en 2007 rouillée et qui affiche plus de 360 000 kilomètres à l'odomètre.
Le PAA, qui rapporte 21 000 $ annuellement aux athlètes, est la principale source de revenus de plusieurs d'entre eux, même s'ils tentent également d'obtenir des subventions provinciales, des bourses et des ententes de commandite.
Appiah a indiqué que ses revenus provenant d'un programme d'aide aux athlètes en Ontario, son statut d'athlète olympique RBC et ses ententes de commandite lui permettent d'empocher environ 28 000 $ annuellement.
«Lorsque je discute de financement avec les gens, beaucoup d'entre eux ont l'impression que les Olympiens canadiens vivent dans le luxe. Il y a encore cette impression que nous empochons des sommes faramineuses en commandites», a noté Appiah.
«Andre De Grasse, Christine Sinclair, ce sont de rares exceptions qui possèdent des ententes de commandite valant des millions de dollars», a-t-elle ajouté.
Au grand désarroi d'Appiah, rien ne laisse présager une hausse du PAA dans le prochain budget fédéral.
«Bien que le budget 2023 misera sur un recadrage des dépenses gouvernementales, ce gouvernement, dans le cadre de son engagement continu envers les athlètes, a redéployé de manière stratégique les ressources au sein du Programme de soutien au sport pour s'assurer que le financement direct aux athlètes, par le biais du Programme d'aide aux athlètes, ne soit pas affecté», a déclaré par voie de communiqué le bureau de la ministre canadienne des Sports, Carla Qualtrough.
Il restera à voir comment tout ceci se traduira concrètement lors du dépôt du prochain budget fédéral. Selon Appiah, le manque de ressources dans le système sportif du pays contribue à le rendre moins sécuritaire.
«Quand nous parlons de sécurité dans le sport, bien souvent les athlètes se retrouvent dans des positions vulnérables parce que c'est leur seule option, et que leurs finances ont un impact direct sur leurs décisions, a-t-elle expliqué. Le PAA est, pour la plupart des athlètes, leur seule source de revenus, donc tu dois parfois prendre des décisions qu'aucune personne saine d'esprit ne prendrait.
«Si nous obtenons cette hausse de 18 %, et que celle-ci est indexée à l'inflation, alors nous pourrons vivre dignement, comme de véritables êtres humains», a-t-elle conclu.