Aujourd'hui, le rapport McLaren a été publié, lequel a conclu que le ministère du Sport russe, avec l'aide des services secrets et des laboratoires antidopage de Moscou et de Sotchi, avait « dirigé, contrôlé et supervisé » un système de dopage d'État entre 2011 et 2015. McLaren soutient que ce système de dopage était présent dans la plupart des sports d'hiver et d'été. Lors de la conférence de presse de ce jour, ce dernier a affirmé que son mandat consistait à établir les faits et qu'il ne formulerait pas de recommandations subséquentes.

Rappelons que le 12 mai 2016, l'ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, Grigory Rodchenkov, avait confié au New York Times que les athlètes russes avaient eu recours à un programme de dopage supervisé lors des Jeux olympiques de Sotchi en 2014. Ce système de dopage, selon lui, avait impliqué les services secrets russes. Rodchenkov avait indiqué au New York Times que des douzaines de sportifs avaient bénéficié de ce programme de tricherie, dont au moins 15 médaillés olympiques.

Rodchenkov avait précisé qu'il s'agissait d'un programme de dopage non individuel soutenu par les autorités russes auquel il avait lui-même joué un rôle direct. Pour soutenir ses allégations, Rodchenkov avait transmis des échanges courriel et il avait admis avoir conçu un mélange de trois stéroïdes anabolisants, soit du méténolone, du trenbolone et de l'oxandrolone. Les athlètes buvaient cette mixture avec de l'alcool, le tout pour diluer les résultats. De plus, il a mentionné que les services secrets russes contribuaient activement à ce système en interchangeant des échantillons d'urine durant la nuit par des échantillons propres. Selon Rodchenkov, les services secrets accédaient au laboratoire antidopage de Sotchi durant la nuit par le biais d'une petite trappe. Spécifions que la Russie avait terminé au premier rang du tableau des médailles lors des Jeux d'hiver de 2014.

Rapport McLaren

Suivant les déclarations de Rodchenkov, l'AMA avait demandé qu'une enquête indépendante soit menée par l'avocat canadien Richard McLaren. Cette enquête avait pour but d'examiner la situation présumée de camouflage d’échantillons positifs et les suspicions de dopage organisé à Sotchi en lien avec les allégations de Rodchenkov.

Recommandations de l'AMA

Suivant le dépôt de ce rapport, l'AMA a recommandé l'exclusion de la Russie de toutes les compétitions internationales, incluant les Jeux de Rio ainsi que la suspension des responsables directement mis en cause. D'ailleurs, l'agence antidopage américaine et canadienne avait révélé samedi dernier qu'elles souhaitaient l'exclusion de la Russie aux Jeux de Rio.

Rôle de l'AMA

Même si l'AMA a suggéré l'exclusion de la Russie à toutes compétitions internationales, elle n'a pas le dernier mot. L'AMA peut faire des recommandations, mais les sanctions relèvent du pouvoir de l’organisme responsable de la manifestation ou de la fédération visée. À titre illustratif, le 9 novembre 2015, l'AMA a publié un rapport qui avait été commandé dans le cadre d'une commission d'enquête indépendante suivant des allégations de dopage organisé en athlétisme russe. L'AMA recommandait la suspension de la Fédération russe d'athlétisme pour les Jeux olympiques de 2016 à Rio, mais c'est le Conseil de la fédération internationale d'athlétisme qui avait suspendu la Fédération russe d'athlétisme jusqu'à ce qu'elle mette en place des mesures efficaces et fasse la démonstration de progrès significatifs en matière de lutte antidopage.

De telle sorte que pour les Jeux de Rio, c'est le CIO qui devra prendre une décision quant à l'exclusion de la Russie et non l'AMA.  Ainsi, l'AMA n'a pas de relation directe avec le pays, car elle a un mandat indépendant des organisations sportives et des gouvernements. Plus précisément, l’AMA est un organisme indépendant qui a comme principale mission de « promouvoir, coordonner et superviser au niveau international la lutte contre le dopage dans le sport sous toutes ses formes ».

De manière générale, l’AMA est une organisation qui a pour but de définir les comportements associés au dopage et de recenser les substances prohibées ainsi que les méthodes utilisées pour améliorer les performances athlétiques.

Franc-jeu et sport propre

L'AMA doit toutefois veiller à ce que ses signataires se conforment aux exigences du code mondial antidopage. Par conséquent, l'Agence russe antidopage (RUSADA) est assujettie aux dispositions obligatoires du code mondial antidopage.

L'essence même des programmes antidopage vise le franc-jeu et ils sont mis en place pour protéger la valeur intrinsèque du sport, communément intitulé « esprit sportif ». Ces programmes, fondés sur les talents naturels et l'excellence humaine de l'athlète, promeuvent le sport propre.

C'est pourquoi les programmes antidopage valorisent l’honnêteté, l’éthique, la santé ainsi que le respect des règles et des lois. L'organisation sportive qui choisit d'appliquer le CMA doit le mettre en œuvre en incluant toutes ses dispositions obligatoires à ses règles et politiques.

La Russie est signataire du code mondial antidopage et elle doit le respecter vigoureusement. Les actes reprochés à la Russie sont une violation directe à l'esprit du code et ils sont contraires à la lutte antidopage. En adhérant aux dispositions du code, la Russie devait organiser des programmes éducatifs et préventifs pour que les athlètes et le personnel sportif soient bien encadrés. 

Est-ce possible que la Russie soit complètement exclue des Jeux de Rio?

Tel que mentionné précédemment, c'est le CIO qui doit prendre la décision suivant les recommandations de l'AMA. Ce matin, le CIO a indiqué qu'il n'hésiterait pas à imposer les sanctions les plus sévères possible. Une commission exécutive du CIO devrait avoir lieu mardi pour trancher cette question. 

Cela dit, il est probable que la Russie soit exclue de toutes compétitions internationales jusqu'à ce qu'elle ait démontré des progrès significatifs dans la lutte antidopage.

Régime d'exception pour certains athlètes

Advenant l'exclusion de la Russie aux compétitions internationales, il est possible que certains athlètes puissent bénéficier du régime d'exception et faire une demande auprès du Tribunal Arbitral du Sport  (TAS). C'est d'ailleurs ce qui avait été mis en place suivant la suspension de la fédération d'athlétisme russe.

Le CIO peut autoriser des athlètes russes non impliqués dans des cas de dopage à participer aux Jeux par des mesures d'exemption. Une procédure juridique est possible devant le TAS où certains athlètes peuvent déposer une demande pour concourir aux Jeux olympiques de Rio malgré la suspension de leur fédération ou de leur organisation nationale.

En athlétisme, tous les athlètes russes qui n'avaient pas été contrôlés dans le système russe, mais par des programmes antidopage externes et efficaces pouvaient faire valoir leur demande individuelle. Puis, ces derniers devaient être déclarés admissibles par leurs fédérations internationales suivant la tenue d'une évaluation.

Selon la fédération internationale d'athlétisme, ces athlètes pouvaient participer aux Jeux à titre d'athlètes indépendants, mais il revenait au CIO de définir les paramètres de leur participation et de décider sous quelle bannière ils défileraient aux Jeux. Le CIO souhaite que les athlètes russes défilent sous la bannière russe grâce à des mesures d'exemption, puisqueseuls les membres affiliés au comité national olympique peuvent concourir aux Jeux. En raison de la suspension de la fédération russe, elles ont été déclarées admissibles sous un drapeau neutre par la fédération internationale d'athlétisme. Or, le CIO demande à ce que les Russes concourent sous leur drapeau national, car le comité olympique national russe n'a pas encore été suspendu.

Par exemple, la sauteuse en longueur Darya Klishina est la seule athlète russe repêchée sportivement par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) puisqu'elle satisfaisait aux conditions établies, soit d'avoir été contrôlé par des programmes antidopage à l'étranger. Comme elle est basée en Floride, Klishina remplissait parfaitement les exigences. Par ailleurs, l'IAAF a annoncé que la lanceuse d'alerte, Yuliya Stepanova, était aussi éligible aux Jeux. Cependant, les deux Russes n'ont pas encore la certitude de pouvoir aller à Rio, car il faut que le CIO valide leur sélection.

Cette façon de faire démontre une flexibilité du système. Il ne faut pas sanctionner les athlètes propres, mais bien le système en place. Il doit y avoir des conséquences pour la Russie, le gouvernement russe étant lui-même impliqué dans ce système de tricherie. C'est un cas unique. Les faits en cause sont très graves et ils constituent une atteinte sans précédent au franc-jeu et au sport propre.

Sort des athlètes dopés

Lorsqu'une règle antidopage est enfreinte durant une manifestation, tous les résultats obtenus par l'athlète concerné peuvent être annulés. Cet athlète peut également se faire retirer ses médailles, points et prix.