Le 9 décembre 2016, Richard McLaren a présenté à Londres le second volet du rapport de la commission indépendante de l’AMA dans lequel la Russie est accusée d’avoir mis en place un système de dopage institutionnalisé sans précédent. Rappelons que la première partie du rapport, parue en juillet 2016, avait rendu publique l’existence d’un système de dopage étatique en Russie durant les Jeux d'hiver à Sotchi en 2014.

Qu’est-ce que le deuxième volet du rapport McLaren nous apprend ?

La parution du deuxième volet ajoute des détails et de la profondeur, mais les reproches à l’endroit de la Russie sont fondamentalement les mêmes que dans le premier volet. Il en ressort maintenant qu’une « conspiration institutionnelle » a été instaurée tant pour les sports d'hiver que d'été par le ministère des Sports, l'agence russe antidopage (RUSADA), le laboratoire antidopage de Moscou et les services secrets russes.

Plus de mille athlètes russes auraient été impliqués avec l’assistance de fonctionnaires et des services secrets russes dans la manipulation et la substitution d’échantillons entre 2011 et 2015, notamment dans le cadre des Jeux de Londres en 2012, des Universiades en 2013, des Championnats du monde d'athlétisme en 2013 à Moscou et des Jeux d'hiver à Sotchi en 2014.

Selon McLaren, il est impossible de cerner avec exactitude à quel moment cette conspiration a été instituée. Il compare la pratique des Russes à de la concurrence déloyale. McLaren soutient que ce système de tricherie étatique avait été organisé pour que la Russie gagne le plus de médailles possible.  

Son rapport révèle que certains résultats étaient falsifiés par l’ajout de sel et de Nescafé dans les échantillons d’urine des athlètes. McLaren cite un exemple où des traces d’ADN mâle auraient été décelées dans deux échantillons de joueuses de hockey sur glace. Il mentionne qu’à Sotchi, plusieurs tubes contenant les prélèvements d’athlètes ont été ouverts et manipulés, soit 96 tubes lors des Jeux olympiques et 21 tubes lors des Jeux paralympiques. Il soutient aussi que le ministère du Sport russe aurait fourni aux sportifs un cocktail de stéroïdes pour camoufler les limites de détection du laboratoire antidopage lors des Jeux de Londres en 2012. À ce sujet, McLaren blâme les techniques de détection de 2012, lesquelles n’étaient pas aussi raffinées que maintenant.

Qu'est-ce que cela signifie pour le CIO?

Pour le CIO, les conclusions de ce rapport démontrent qu'il y a eu une attaque fondamentale à l'intégrité des Jeux Olympiques et du sport en général.

La gravité des allégations contenues à la première section du rapport avait incité le CIO à mener une enquête. C’est pourquoi le CIO avait manifesté en juillet 2016 son intention d’opérer une réanalyse des 254 échantillons d'urine des athlètes russes lors des Jeux de Sotchi. Jusqu’à présent, le CIO a sanctionné onze athlètes russes alors que le processus de réanalyse est toujours en vigueur. Notons toutefois que les 63 échantillons de sang qui avaient été prélevés sur les athlètes russes lors des Jeux de Sotchi ont déjà été réanalysés et les résultats se sont tous révélés négatifs.

Toutefois, la parution de la deuxième section du rapport a poussé le CIO à poursuivre son enquête plus loin en étendant la réanalyse des échantillons prélevés lors des Jeux de Londres aussi.  

Par ailleurs, le CIO a mis en place une autre commission pour enquêter sur les allégations de « conspiration institutionnelle » impliquant les athlètes russes des sports d’hiver et d’été, la RUSADA, le ministère du Sport, le laboratoire antidopage de Moscou et les services secrets russes.

Qu'est-ce que cela signifie pour l’AMA?

Le travail de McLaren démontre que l’AMA peut mener des enquêtes rigoureuses. Or, certains membres du CIO, qui participent au financement de l’AMA, ont récemment attaqué son rôle, prétextant que ses investigations sont préjudiciables à l’image du mouvement olympique. Par exemple, le président du Comité olympique espagnol, Alejandro Blanco s’est vigoureusement opposé à l’exclusion de la Russie aux Olympiques. Il a d’ailleurs déclaré que l’AMA porte une image négative à l’olympisme quand elle tente d’imposer ses recommandations aux organisations sportives.

À l’inverse, plusieurs organisations nationales antidopage souhaitent que l’AMA  devienne un organisme de réglementation mondial plus fort et plus indépendant, doté de pouvoirs accrus pour enquêter et assurer la poursuite des violations antidopage indépendamment du sport et du pays.

Le problème est que l’AMA a une faible capacité financière et manque de pouvoirs de sanctions. À l'heure actuelle, l’AMA peut juger si un pays viole le Code mondial antidopage, mais son pouvoir se limite à formuler des recommandations. L’AMA ne peut pas sanctionner les pays et les organisations qui sont en faute, car les sanctions relèvent du pouvoir de l’organisme responsable de la manifestation ou de la fédération visée.

Rappelons que suivant la publication de la première partie du rapport en juillet 2016, l'AMA avait suggéré l'exclusion de la Russie à toutes compétitions internationales. Or, même si l'AMA a formulé des recommandations, ce n’est pas elle qui décide ultimement. C'est pour cette raison que le CIO n’était pas contraint par les suggestions de l'AMA et a pu en décider autrement pour Rio. Quant à lui, le Comité international paralympique a suivi les recommandations de l'AMA en excluant complètement la délégation russe des Jeux paralympiques de Rio.

Est-ce que la Russie participera aux Jeux d'hiver de 2018 à PyeongChang?

La plupart des agences antidopage nationales revendiquent l’exclusion de la Russie aux prochains Jeux d’hiver, car la majorité d’entre elles ne sont pas persuadées que RUSADA pourra être totalement réhabilitée à temps pour PyeongChang et aura institué une nouvelle culture d’ici 2018.  Notons que la suspension envers RUSADA est toujours en vigueur et elle sera maintenue jusqu'à ce qu'elle parvienne à démontrer que ses démarches sont véritablement indépendantes.

Bien entendu, les conclusions du rapport McLaren feront pression sur le CIO en vue des prochains Jeux d'hiver de Pyeongchang. Le président du CIO, Thomas Bach, prévoit des sanctions sévères à tout athlète ou responsable impliqué dans le dopage.

Cependant, rien ne laisse présager que le CIO cherchera à exclure la Russie des prochains Jeux olympiques. McLaren a reconnu qu'il était incapable d’établir un lien entre le dopage commandité par l'État et le Comité Olympique Russe (ROC), n’ayant aucune preuve directe que des membres du ROC étaient impliqués dans cette conspiration. Il s’agit de l’une des raisons pour lesquelles le CIO n’avait pas voulu exclure complètement la Russie lors des Jeux olympiques de Rio.

Il est fort probable que le CIO gère le dossier PyeongChang comme celui de Rio.  Bien que l’AMA ait suggéré d’exclure totalement la Russie, le CIO n’avait pas opté pour cette mesure extrême. Plutôt, il avait permis à un certain nombre d’athlètes d’y participer. Le CIO se concentre davantage sur le comportement des athlètes individuels que sur le comportement de l'État russe. Le vice-président du ROC, Stanislav Pozdnyakov, a déclaré qu'il croyait vraisemblablement que la Russie sera autorisée à concourir aux Jeux de 2018, prétextant que la deuxième partie du rapport ne contient rien de nouveau.

Quel impact le deuxième volet du rapport peut avoir sur  la Coupe du Monde de soccer en Russie de 2018?

Il serait plutôt improbable que la Coupe du Monde 2018 soit annulée et il y a peu de chance que la FIFA relocalise cette compétition.  Il est cependant possible que la Russie soit exclue, partiellement ou totalement, des compétitions internationales. 

Mentionnons  que même après le premier rapport en juillet 2016, la FIFA avait déclaré être convaincue que le comité organisateur local et que le gouvernement russe livrerait un événement exceptionnel pour les fans de soccer en 2018.