La semaine dernière, Alex Rodriguez a déposé une poursuite contre le baseball majeur (MLB) et Bud Selig devant la Cour suprême de l'État de New York. Étrangement, cette poursuite survient en plein processus de l’appel porté par Rodriguez à la suite de sa suspension pour dopage, lequel appel a été amorcé le 30 septembre dernier.

D’entrée de jeu, il importe de comprendre que la suspension pour dopage de Rodriguez tout comme son appel sont entendus par voie d'arbitrage. L’arbitrage est l’équivalent d’un procès au niveau de la preuve et des témoignages, mais l’audition est moins formelle et les règles de procédure sont moins rigides que devant un tribunal de droit commun.

En l’espèce, la poursuite que vient de déposer Alex Rodriguez est présentable devant un tribunal de droit commun. Mais pourquoi Rodriguez l’entame-t-il maintenant alors que son appel en arbitrage est en cours? Cette poursuite a possiblement été instituée en réponse à un début d'arbitrage plus ou moins satisfaisant pour Rodriguez ou encore parce que certains faits pertinents sont ressortis pendant l'audition, rendant ainsi une poursuite contre la MLB et Selig inévitable.

Dans le cadre de cette nouvelle poursuite, les questions en litige ne sont pas d’analyser si Rodriguez a fait l'usage de drogues améliorant la performance ou si sa suspension est valide, car ces questions seront examinées lors de l’arbitrage. Ce que Rodriguez allègue est que la MLB a agi de façon inappropriée dans ses rapports entre Rodriguez et sa prétendue utilisation de drogues. À ce titre, Rodriguez suspecte une potentielle conspiration de la part des défendeurs, laquelle aurait pour but de nuire à sa réputation et à sa carrière.

Par ailleurs, Rodriguez tient la MLB et Selig responsables d’avoir perdu des relations d'affaires potentielles et des contrats de commandites déjà existants. Plus précisément, Rodriguez prétend qu'ils ont porté atteinte à sa capacité d'obtenir des contrats de commandites. En effet, ce dernier allègue que les défendeurs ont délibérément et de mauvaise foi diffusé des informations relatives à son enquête dans les médias, ce qui a indirectement incité les commanditaires à l’abandonner. Il appert de cette poursuite que Nike inc. et Toyota Motor Corp ont mis un terme aux négociations avec Rodriguez quant à un possible partenariat sans compter qu’il s’est vu retiré son personnage du film animé Henry & Me.

Qui plus est, Rodriguez allègue que la MLB et Selig sont allés à la « chasse aux sorcières » pour l'expulser du baseball majeur. Comme tout processus disciplinaire se doit d'être confidentiel, s'il y a des failles et des informations qui échappent aux médias, il y a là des motifs pour l'institution d'une telle poursuite et une faute potentielle des défendeurs. N’oublions pas que Rodriguez prétend au surplus que les éléments de preuve ayant mené à sa suspension ont été obtenus illicitement.

Curieusement, Rodriguez n’a pas poursuivi en diffamation et c’est à se demander pourquoi. Il est difficile de savoir quels sont les motifs exacts, mais il est à considérer que les principaux moyens de défense à faire valoir à l'encontre d'une telle action sont la vérité et la bonne foi. Si Rodriguez avait opté pour une action en diffamation, tel qu’il était question dans le scandale de Bountygate impliquant Jonathan Vilma et Roger Goodell, il aurait dû prouver que la MLB a porté atteinte à sa réputation et qu'elle a stratégiquement divulgué des informations aux médias pour ternir son image. Pour ce faire, Rodriguez aurait dû mettre en preuve que la MLB a agi avec une intention malveillante, c'est-à-dire qu'elle savait ou aurait dû savoir que les informations diffusées sur Rodriguez étaient fausses. Le problème est que si effectivement les informations divulguées par la ligue sont véridiques, alors il y a là motif de défense rendant ainsi les chances de succès minces, voire inexistantes pour un tel recours. Ceci étant, il n’est pas question de diffamation dans la présente poursuite.

À l’encontre de ce recours, les défendeurs devront éventuellement répliquer en produisant une défense. Toutefois, les défendeurs pourraient plutôt opter pour une requête en rejet de l'action puisque conformément à la convention collective, tout différend entre un joueur et la MLB doit être entendu par un arbitre et non porté devant les tribunaux. À ce titre, Rodriguez pourrait riposter que les recours juridiques relatifs à la réputation des joueurs ne sont pas du ressort de la convention collective.

À ce jour, la MLB a nié les allégations de Rodriguez par voie de communiqué le 4 octobre dernier en qualifiant sa poursuite de « tentative désespérée » de déroger aux règles de confidentialité du Joint Drug Agreement, lequel est un accord distinct spécifiquement destiné aux questions liées aux substances interdites. Il n'en demeure pas moins que des 12 joueurs de baseball impliqués dans le scandale Biogenesis, seul Rodriguez conteste sa suspension et va de l'avant avec une poursuite contre la MLB. Quoi qu'il en soit, la suspension de Rodriguez est beaucoup plus sévère que celles imposées aux autres joueurs. Or, nul ne peut nier que l’intégrité du baseball a été grandement affectée depuis le scandale Biogenenis en début d’année 2013. Force est de constater que l’ingérence des substances améliorant la performance athlétique remet en doute le concept du sport « propre ». Sans oublier que les derniers scandales de dopage associés au baseball ont non seulement miné la crédibilité de ce sport, mais aussi celle de la MLB elle-même.

Marianne Saroli, LL.B., avocate