TORONTO - Une odeur de résignation bien plus que de confiance flottait au-dessus du terrain lorsque les partisans des Blue Jays ont pris d’assaut le Rogers Centre mercredi après-midi.

Au lendemain de la dégelée de 14-2 encaissée par leurs favoris et d’un déficit (1-3) qui les acculait au pied du mur, les fans étaient loin d’afficher l’enthousiasme remarqué lors des matchs de lundi et mardi. L’entraînement au bâton des Jays s’est déroulé devant des gradins presque vides. Contrairement aux deux premiers matchs alors qu’ils étaient acclamés et sollicités de toute part, les joueurs n’avaient à peu près personne à qui lancer des balles en guise de souvenir. De fait, ce sont les joueurs des Royals qui ont lancé le plus de balles dans les gradins en raison de l’entrée tardive des fans.

Une heure avant le match, sur les trottoirs ceinturant le Rogers Centre, les revendeurs s’impatientaient. Au lieu de vendre les billets qu’ils cachaient sous leurs manteaux à trois, quatre, voire cinq fois leur valeur comme ils auraient pu facilement le faire si les Jays avaient gagné mardi, les revendeurs espéraient de pas trop encaisser de pertes et souhaitaient surtout de terminer leur journée de travail avec plus d’argent dans leurs proches que de billets non écoulés.

À 16 h 08, lorsque Marco Estrada a effectué le premier lancer du match, le Rogers Centre était loin d’être plein. Les revendeurs espéraient que les Jays connaissent un bon début de rencontre et qu’ils demeurent dans le coup de façon à convaincre quelques milliers de travailleurs de venir au stade avant de regagner les banlieues.

C’est exactement ce qui est arrivé. De bien calme et loin d’être rempli qu’il était en début de rencontre, le Rogers Centre s’est garni de partisans et l’ambiance a connu un long crescendo jusqu’à l’apogée survenu à 19 h 04 lorsque Justin Smoak a capté un roulant d’Eric Hosmer pour confirmer la victoire de 7-1 des Jays.

Quelle sortie d’Estrada 

Les Blue Jays sont encore loin d’une place en Série mondiale. Même s’ils compteront sur la présence de David Price au monticule vendredi pour la sixième partie de la finale de la Ligue américaine et celle de Marcus Stroman samedi si la série se rend à la limite des sept matchs, les Jays devront battre deux fois les Royals. Les battre deux fois de suite à Kansas City.

Plus facile à dire qu’à faire.

ContentId(3.1157880):Estrada étincelant
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Mais s’ils ont disputé mercredi leur dernier match de la saison au Rogers Centre, ils auront profité de cette dernière partie pour offrir une victoire, des performances solides et surtout de l’espoir en guise de cadeaux de remerciement à leurs partisans.

Le premier cadeau est venu du partant Marco Estrada qui n’a été rien de moins que « sensationnel » comme l’a déclaré Russell Martin après la rencontre.

« Il avait le parfait contrôle de tous ses lancers. Il a gardé les frappeurs des Royals en déséquilibre à la plaque durant tout le match », a poursuivi le receveur québécois qui a aussi rendu hommage à son coéquipier Dioner Navarro pour la qualité de son travail et sa complicité avec Marco Estrada.

« Parce que nous faisions face à l’élimination, il devait lancer comme il l’a fait. Il devait gagner. Il a donné le ton à la partie. Pour l’instant, il est notre MVP de la série. Ce sera à nous de suivre l’exemple qu’il a donné aujourd’hui », a ajouté Jose Bautista de l’autre côté du vestiaire des Jays.

Dans le camp des Royals, Ned Yost a encore mieux résumé la performance d’Estrada.

« Il était de la dynamite sur la butte. Il a atteint la cible là où il visait. Son changement de vitesse était excellent. Il ne nous a rien donné », a défilé le gérant des Royals.

Quelle sortie Estrada a connue! Il a donné trois coups sûrs et un point aux frappeurs qu’il a affrontés. Un double jeu en quatrième manche lui a permis de se racheter après le simple accordé à Alcides Escobar. Les Royals ont ensuite dû attendre jusqu’en septième avant de placer un autre coureur sur les buts. Mais Lorenzo Cain, à qui Estrada a accordé son seul but sur balles, est demeuré au premier coussin, car le lanceur de Jays a disposé du frappeur suivant (Eric Hosmer) en le contraignant à frapper un ballon dans la gauche.

En sept manches de travail, Marco Estrada a affronté 22 frappeurs. Un de plus que le minimum. Ce n’est pas rien. C’est même phénoménal considérant la qualité des frappeurs des Royals. Des frappeurs qui avaient inscrit 22 points lors des matchs de lundi et mardi au Rogers Centre est-il besoin de le rappeler.

Parce que son équipe profitait d’une avance de 6-0, parce que son partant donnait l’impression de pouvoir lancer sept autres manches sans accorder le point et aussi parce qu’il ne voulait pas se tourner vers sa relève trop vite ou gaspiller le bras de David Price, John Gibbons a étiré l’élastique un peu. On ne lui en voudra pas d’avoir pris cette décision. Surtout qu’elle a permis à Estrada d’ajouter Kendrys Morales à sa liste de Royals retirés sur des prises.

ContentId(3.1157904):« J'aime nos chances »
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Un « à très bientôt » plus qu’un « au revoir »

Lorsqu’il a accordé ses deuxième et troisième coups sûrs du match, un circuit en solo au receveur Salvador Perez et un simple à Alex Gordon, il était temps de rappeler Estrada au vestiaire après qu’il eut effectué 108 lancers, dont 72 prises.

Ovationné à tout rompre par des fans qui l’ont remercié pour sa sortie sans accorder de point et ses cinq retraits sur des prises, Marco Estrada a salué la foule de la main avant de disparaître dans l’abri des joueurs.

J’ai peut-être rêvé. À moins que ce soit mon désir de voir les Jays atteindre la Série mondiale qui a voilé ma vue un brin ou deux, mais j’ai cru que ce salut de la main d’Estrada n’était pas un au revoir jusqu’au printemps 2016, mais plutôt un à mardi prochain alors que commencera la Série mondiale au domicile des champions de la Ligue américaine.

On verra.

Patience au bâton récompensée

Marco Estrada n’est pas le seul joueur des Jays à avoir offert des cadeaux aux partisans de son équipe.

Que non!

Chris Colabello, peut-être le meilleur de son camp depuis le début des séries, a frappé un circuit qui a ravivé les espoirs de ses coéquipiers et de leurs partisans dès la deuxième manche.

Outre la sortie brillante d’Estrada, le plus beau cadeau offert par l’attaque des Jays est venu en fin de sixième manche. Presque aussi solide que Marco Estrada jusque-là, Edinson Volquez qui multipliait les rapides filant entre 97 et 98 miles à l’heure a perdu le marbre.

Ben Revere a obtenu un but sur balles; Josh Donaldson a été atteint par un lancer; Jose Bautista au terme d’un très long duel avec le partant des Royals a aussi obtenu un but sur balles. La quatrième balle aurait aussi pu être une troisième prise, mais la décision a penché – cette fois – en faveur des Jays, au grand désespoir du gérant des Royals qui était convaincu que cette balle était d’abord une prise, et que Bautista s’était compromis sur son élan.

Sans même avoir frappé la balle, les Jays avaient trois coureurs sur les buts. Comme quoi il vaut parfois mieux être patient au marbre plutôt que s’élancer pour un circuit… et fendre l’air. Sans oublier que si l’on veut frapper un grand chelem, il faut d’abord que tous les buts soient occupés!

L’ironie s’est poursuivie lorsque le frappeur de puissance Edwin Encarnacion a fait produire le deuxième point de son club avec… eh oui, un but sur balles!

Espérons que la leçon aura servi.

Mais bon! Parce que les Jays sont les Jays, Troy Tulowitzki qui s’est éveillé offensivement en finale de l’Américaine a ensuite vidé les buts avec un double.

Un autre beau cadeau offert aux fans.

Tout comme les deux coups de deux buts successifs frappés par Donaldson et Bautista en fin de septième, sans oublier le double que Kevin Pillar a tenté d’étirer en triple avant d’être retiré au troisième sur un jeu serré en fin de huitième. Un presque triple qui a poussé Tulowitzki, encore lui, au marbre.

Peu importe ce qui arrivera à Kansas, les Jays ont offert mercredi un tas de beaux cadeaux à leurs partisans avec leur victoire, une performance extraordinaire de Marco Estrada, sept points et de solides claques en offensive et de beaux jeux en défensive. Des cadeaux qui permettront aux fans de panser un peu leurs plaies si les Jays terminent leur envolée sans se rendre en Série mondiale.