Hier, un jury fédéral a conclu que Derrick Rose des Knicks de New York n'était pas responsable d'une agression sexuelle en groupe intervenue en août 2013.

Le procès civil avait débuté le 4 octobre dernier à Los Angeles. Près de trois ans s'étaient écoulés depuis l'évènement et pour justifier ce délai, les avocats de Jane Doe prétendaient qu'elle était trop embarrassée pour le signaler avant.

Rappelons que cette femme poursuivait civilement Rose pour 21,5 millions $ et qu'aux fins des procédures civiles, elle était identifiée en tant que Jane Doe pour protéger son identité. Il appert qu'elle avait été en relation avec Rose de 2011 à 2013.

Litige civil

D'entrée de jeu, il s'agissait d'une demande au civil et non au criminel. Par conséquent, Doe cherchait à recevoir une compensation financière seulement de la part de Rose. Pour que Doe obtienne une indemnité, elle devait prouver la commission d'une faute par Rose, les dommages qu'elle a subis ainsi qu'un lien causal entre cette faute et les dommages.

Dans une affaire civile, le fardeau de la preuve incombe à la partie demanderesse et la norme est la prépondérance des probabilités.  Plus particulièrement,  Doe avait le fardeau de prouver au jury fédéral que sa version était la vraie par prépondérance de la preuve, soit que les faits reprochés étaient plus probables qu'improbables.  En revanche, Rose avait le droit de faire valoir des arguments pour se défendre.

Autrement dit, les jurés ne pouvaient pas condamner Rose s'ils ne croyaient pas collectivement que ce dernier avait probablement engagé sa responsabilité envers Doe.  Ainsi, le jury a constaté que la version des faits présentée par Doe était moins crédible que celle offerte par Rose.

Versions des faits

Doe prétendait que Rose et deux de ses amis, Ryan Allen et Randall Hampton, avaient pénétré illégalement dans son appartement et avaient abusé d’elle sexuellement alors qu’elle était semi-inconsciente après une soirée bien arrosée. Ces allégations étaient contestées par Rose, lequel soutenait que la relation sexuelle était plutôt consentante.

Rose a admis qu'une relation sexuelle avait eu lieu, mais il était en désaccord quant au fait qu'elle n'y avait pas consenti. À ce titre, Doe insistait qu'elle était trop ivre pour avoir donné son consentement éclairé à cette relation sexuelle en groupe, mais Rose contestait son niveau d'intoxication.

Lors du procès, Rose a insisté sur le fait que Doe était suffisamment sobre pour offrir son consentement, ce qu'il a pu prouver notamment par des messages textes.  Pour renforcer ce point, Rose a indiqué que Doe l'avait agressivement sollicité pour avoir des relations sexuelles. Les avocats de Rose ont également déposé en preuve une série de messages textes envoyés après l'incident par Doe à Rose, par lesquels elle lui réclamait le remboursement de son taxi et évoquait des sujets superficiels qui ne seraient normalement pas soulevés par une personne qui viendrait tout juste d'être agressée. 

Verdict

Plusieurs médias ont rapporté hier que Rose avait été trouvé non coupable de l'agression. Toutefois, cette information est erronée et il est nécessaire de rétablir certains éléments pour assurer une bonne compréhension de cette affaire.

D'abord, Rose n'a pas été trouvé «non coupable», car cette expression est réservée aux procès criminels. Comme il s'agissait d'une affaire civile, Rose a plutôt été trouvé non responsable.  Par ailleurs, Rose ne faisait pas face à des accusations d'agression sexuelle, mais bien à une poursuite civile de 21,5$ millions dans laquelle on lui reprochait une erreur de conduite. Hier, le jury a jugé moins probable qu'improbable que Rose était responsable des faits qui lui était reprochés par Doe. Le jury n'avait pas instruction d'établir hors de tout doute raisonnable que Rose avait commis un crime.

Est-ce que Jane Doe pourrait faire appel de cette décision?

Doe peut faire appel du jugement devant la Cour d'appel des Etats-Unis pour le neuvième circuit. Pour ce faire, elle doit identifier une erreur de droit commise par le juge de district américain Michael Fitzgerald, lequel présidait le procès Rose. Par exemple, Doe pourrait soutenir que le juge Fitzgerald a donné au jury des instructions trompeuses ou prêtant à la confusion, lesquelles ont mené le jury à une mauvaise application de la loi.

Un appel est un long processus et ne comporte généralement pas de témoignages, ni de nouvelle preuve.

Est-ce Rose pourrait, malgré tout, faire face à des accusations criminelles?

Il est peu probable, mais encore possible que Rose soit maintenant accusé d'agression sexuelle. Cela dit, la loi californienne prévoit un délai de prescription de six ans en matière de crimes à nature sexuelle. Rose pourrait donc être accusé au criminel jusqu'à ce que le délai de prescription expire en 2019. Ceci étant, la plupart des éléments de preuve et des témoignages relatifs à cet évènement ont déjà été dévoilés et n'ont pas mené à des accusations encore. Il faut aussi insister sur le dossier factuel et particulièrement sur le fait que Doe n'a ni signalé l'incident à la police, ni subi d'examens médicaux subséquents à sa prétendue agression sexuelle.

Toutefois, le 26 septembre 2016, la police de Los Angeles a confirmé qu'une enquête relativement à une plainte pour agression sexuelle contre Rose était toujours en cours. La détective Nadine Hernandez a dévoilé que le dossier était ouvert depuis moins d’un an, mais que la date où la plainte avait été déposée ne pouvait être divulguée. Hernandez avait également indiqué que Rose n’avait pas encore été rencontré par la police et qu'aucune date n’avait été fixée pour la conclusion de l’enquête.

Mentionnons cependant qu'Hernandez a été retrouvée morte le 11 octobre dernier. La mort d'Hernandez a incité les théories du complot sur Internet, mais il n'y a aucune preuve qui lie actuellement sa mort à Rose.

Est-ce que la NBA pourrait punir Rose?

Même si la responsabilité de Rose n'a pas été retenue dans le cadre de cette affaire civile, le commissaire Adam Silver pourrait sanctionner Rose en vertu de l'article 35 de la Constitution de la NBA par des amendes et des suspensions s'il considère que sa conduite était préjudiciable à la réputation, à l'image publique et au meilleur intérêt de la ligue ou de son sport. Silver pourrait justifier la suspension de Rose en alléguant que sa conduite n'était pas conforme aux normes morales. Évidemment, la médiatisation entourant l'affaire Rose n'a pas été favorable à l'image de la NBA et dans cette optique, peut-on penser que la NBA sanctionnerait Rose?

À titre illustratif, la NBA a suspendu le 2 octobre 2016 Darren Collison des Kings de Sacramento pour 8 matchs après qu'il ait plaidé coupable à une accusation de violence conjugale. En 2014, Silver a suspendu Jeffrey Taylor des Hornets de Charlotte pour 24 matchs parce que celui-ci avait plaidé coupable à une accusation de violence conjugale après avoir brutalisé sa femme dans le couloir d'un hôtel. Il y a quelques distinctions entre les situations de ces deux joueurs et celle de Rose. Tout d'abord, ces deux joueurs ont été accusés au criminel alors que Rose a gagné un procès civil et ne fait toujours pas l'objet d'accusations criminelles. Ensuite, les deux joueurs ont admis avoir commis une erreur et ont exprimé le désir d'améliorer leur conduite alors que Rose insiste qu'il n'a rien fait de mal et le verdict rendu hier par le jury va dans ce sens également.

À ce jour, la NBA n'a jamais suspendu des joueurs à la suite de poursuites civiles. Il n'en demeure pas moins que le procès de Rose portait sur de graves allégations et que la NBA pourrait intervenir. Néanmoins, l'absence de précédents, en matière de joueurs de la NBA ayant été punis par la ligue après avoir eu gain de cause dans un litige civil, pourrait inciter l'Association des joueurs à s'opposer à toute sanction imposée par la NBA contre Rose.