Même si Jean Pascal semble souvent agir d’instinct et cédé à ses émotions dans le but de faire un show, ne vous laissez pas prendre.

Les bananes, c’était prévu.

Faits saillants du point de presse Kovalev c. Pascal II

Depuis le tout début de sa carrière, Jean est épaulé par Robert Schinke, son psychologue sportif. Tout ce qu’il fait en conférence de presse, c’est planifié. Que ce soit les bananes qu’il a offertes au camp de Sergey Kovalev mercredi, la façon dont il est habillé, les invectives... Tout, tout, tout a été songé.

Or, Schinke n’est pas seulement qu’un psychologue sportif, c’est aussi un spécialiste organisationnel pour les mises en situation.

Qui ne se rappelle pas de la fameuse dent de requin offerte par Jean à Adrian Diacomu, dit The Shark, et de la promesse de toutes les lui enlever une fois sur le ring? Ça aussi, comme tous les autres gestes théâtraux qui ont suivi, c’était scénarisé.

Comme ils l’ont fait à maintes reprises dans le passé, Jean et Schinke ont observé et analysé le profil de Kovalev afin d’y déceler des failles et les exploiter. Ça ne veut toutefois pas dire que Jean obtiendra le résultat escompté samedi soir sur le ring du Centre Bell à l’occasion du combat revanche entre les deux boxeurs.

Jean a en effet déjà avoué que malgré toutes ses planifications, il s’est fait jouer un tour lors de son deuxième combat contre le vénérable Bernard Hopkins. Chose certaine, Jean se présentera à Kovalev dans le meilleur état d’esprit possible dans l’espoir de lui ravir ses titres IBF, WBO et WBA des mi-lourds. Rien ne l’aura dérangé et vous pouvez parier qu’il sera dans sa bulle.

Suffisant, l’effet Roach?

Maintenant, est-ce que la présence du réputé Freddie Roach dans le coin de Pascal sera suffisante pour lui permettre de surprendre Kovalev? Vous être nombreux à m’avoir posé cette question.

Ce que l’on a compris jusqu’à maintenant, c’est que Roach n’a pas été facile d’approche. Jean a dû insister et démontré beaucoup de détermination pour le convaincre de se rallier à sa cause. Quand Roach a finalement accepté, il est devenu évident que peu importe ce qu’il allait demander à Jean, ce dernier allait tenter de l’exécuter immédiatement pour montrer qu’il était bel et bien à l’écoute.

Après une association d’une quinzaine d’années, ce genre de connexion n’était peut-être plus aussi présent entre Jean et Marc Ramsay, son ancien entraîneur.

Bref, ce n’est donc pas Roach qui a pu faire une si grosse différence en vue de ce combat, mais bien Jean avec sa propre approche de l’entraînement. Le fait qu’il ait voulu impressionner son nouveau guide fera à mon avis en sorte qu’il arrivera bien préparé. S’il avait été entraîné par Roach pendant toute sa vie avant de s’associer avec Ramsay, ce dernier aurait sans doute eu le même genre d’impact que Roach a pu exercer.

Est-ce que tout cela suffira à Pascal pour pallier à la grosse différence qui le sépare de Kovalev sur un ring? Je ne pense pas.

Quand ça va chauffer, Jean va revenir à ses instincts. Nul doute qu’avant le son de la première cloche, Jean sera bien préparé et armé de bonnes intentions, mais une fois le combat amorcé, c’est le Jean Pascal athlétique avec une bonne mâchoire et beaucoup de cran qui va ressortir.

Lors de son dernier combat, remporté face à Yunieski Gonzalez, ce n’est pas sa préparation qui lui a permis de s’imposer, mais simplement ses viscères, ses instincts. Face à Kovalev, il les laissera encore sur la table, mais son rival est trop puissant et doté d’une trop bonne technique pour ne pas avoir le meilleur.

Kovalev l’a déjà avoué, Pascal est le meilleur adversaire qu’il a pu croiser jusqu’à maintenant, mais il le connaît encore mieux que lors de leur premier choc. J’imagine mal Jean être en mesure de changer tellement de choses qu’il sera capable d’embêter Kovalev.

Le combat ne sera toutefois pas moins spectaculaire et intense. Les gens vont en avoir pour leur argent, mais je pense que Jean va s’incliner avant la limite. Je me trompe peut-être, et je l’espère de tout coeur, mais si je ne m’attarde qu’aux habiletés des deux pugilistes, je ne peux pas voir Jean être déclaré vainqueur.

Jean est fort physiquement, mais il y a longtemps qu’il n’a pas passé le K.-O. à un opposant. Il frappe avec autorité, mais il n’a plus le coup de poing dévastateur du cogneur. Tout le contraire de Kovalev, qui a tout ce qu’il faut pour lui faire perdre ses moyens.

À l’image de Gennady Golovkin, Kovalev s’installe et met de la pression. Ce n’est pas une grande science ou encore une grande stratégie, mais c’est hautement efficace. Ceux-ci sont forts, athlétiques, rapides et munis d’une bonne technique. Kovalev n’a nul besoin de changer.

Qu’est-ce que Jean Pascal peut donc modifier pour déjouer les pronostics? J’ai du mal à voir quoi.

Lors du premier duel, la tactique mise au point par Jean et son entraîneur de l’époque Marc Ramsay était d’essayer Kovalev. L’essayer vraiment. C’est ce qu’il a fait pendant huit rounds intenses.

Si le représentant de HBO est allé à la rencontre du promoteur Jean Bédard immédiatement après le choc pour organiser une revanche, c’était en raison de la façon dont Jean s’est comporté sur le ring. C’est la stratégie mise de l’avant par Ramsay qui a fait de cet affrontement un combat aussi intéressant.

Si Jean décide cette fois de se déplacer beaucoup, il va finir par manquer d’air. Pour gagner des rounds et se créer de l’espace, Jean se doit de se faire respecter. Il ne peut pas se contenter de bouger, retenir et utiliser son jab. Il ne peut pas être très tactique, il se doit à mon avis d’être physique.

Roach semblait dire récemment que Jean allait être beaucoup plus tactique, ce qui me laisse songeur. J’ai de la difficulté à croire que cela puisse fonctionner, mais qui sait, peut-être que Freddie a vu certaines choses qui nous ont échappées.

L’après-Kovalev

Que réservera le futur à Jean advenant une deuxième défaite contre Kovalev samedi?

Contrairement à ce que clame Kovalev pour le bien de la promotion du combat, je ne crois pas qu’il mettra un terme à la carrière de Pascal.

La seule façon de mettre un terme à la carrière d’un boxeur, c’est en provoquant sa mort (ce que Kovalev a déjà fait en 2011 face à Roman Simakov) ou en le poussant vers la retraite. Cela n’arrivera pas.

Quand Manny Pacquiao a été terrassé par Juan Manuel Marquez en décembre 2012, plusieurs observateurs n’ont pas hésité à lancer qu’il n’allait jamais se relever d’un pareil K.-O.. Eh bien Pacquiao a empoché plus d’argent depuis que pendant toute la période précédant son combat avec Marquez.

On disait la même chose de Lucian Bute après ses retentissantes défaites contre Carl Froch et Pascal. Eh bien il vient de livrer le combat de sa carrière à James DeGale.

Le pire qu’il puisse arriver à Jean advenant un revers avant la limite après avoir déployé un vaillant effort, c’est que de jeunes boxeurs voudront par la suite se frotter à lui afin de se faire un nom. Ce serait alors à Jean de renverser la vapeur, les battre et remonter dans la hiérarchie.

Dans le monde de la boxe, tu es aussi bon que ta dernière performance. Tant que Jean aura la volonté de se préparer et de payer de sacrifices, d’efforts, de sueur et de sang à l’entraînement, il sera une entité importante dans la division des mi-lourds.

*Propos recueillis par Mikaël Filion