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RÉSULTATS

« David Lemieux a donné tout ce qu'il avait à donner » à la boxe québécoise

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Novembre 2013. David Lemieux attend patiemment derrière un immense rideau noir dans les coulisses du vieux Colisée de Québec que l'annonceur Christian Gauthier l'invite à marcher vers le ring. Ce soir-là, le Québécois alors âgé de seulement 24 ans joue en quelque sorte sa carrière.

De quel côté de l'histoire se retrouvera-t-il? Celui de l'espoir promis à un grand avenir qui a su se relever après deux échecs survenus deux ans plus tôt? Ou celui qui n'a jamais su effectuer les changements nécessaires pour éventuellement cimenter sa place au sein de l'élite mondiale?

Lemieux avait connu une ascension fulgurante dans le monde de la boxe professionnelle en gagnant 24 de ses 25 premiers combats avant la limite, mais avait été brutalement ramené sur terre par Marco Antonio Rubio en s'inclinant dans un duel éliminatoire des moyens du WBC.

Il s'était ensuite séparé de son entraîneur de toujours Russ Anber, mais ses débuts avec Marc Ramsay n'avaient pas été couronnés de succès, puisqu'il avait subi une défaite par décision majoritaire des juges face à Joachim Alcine, que tout le monde croyait alors au bout du rouleau.

L'équipe de Lemieux avait ensuite entrepris de rebâtir sa confiance en lui offrant des rivaux qui sont pratiquement tous tombés au premier ou deuxième round. Jose Miguel Torres représentait alors son premier véritable défi. Comme Lemieux, le frère cadet de l'ancien champion des super-légers Ricardo Torres est un cogneur. Personne ne s'attend à ce que le choc se rende à la limite.

Le Québécois sait pertinemment qu'il joue gros. Ce combat s'inscrit dans un plan échafaudé par son promoteur de l'époque Yvon Michel selon lequel le boxeur croisera éventuellement le fer avec le populaire champion du WBC Sergio Martinez. La pression est à son paroxysme. Il y aura toujours de place pour des boxeurs comme Lemieux, mais un revers le condamnerait à un rôle de personnage secondaire. Dangereux, mais dont les failles en défense sauront être exploitées.

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Un peu moins de dix ans après ce soir de novembre 2013, il est maintenant évident que Lemieux a su se placer du bon côté de l'histoire. Il ne s'est jamais mesuré à Martinez, mais il a néanmoins réussi à devenir champion du monde en battant Hassan N'Dam par décision unanime en mai 2015.

Pourtant, ce n'est pas nécessairement le plus beau souvenir que conserve la garde rapprochée de Lemieux, qui a annoncé sa retraite le 13 août dernier après 48 combats, dont 43 victorieux. Lemieux a été champion, mais a surtout fait vivre des moments d'une très, très grande intensité.

« Toute l'époque où nous faisions les demi-finales de [Saul] Canelo [Alvarez] à Las Vegas, c'était le gros show. J'ai vécu de beaux moments avec David Lemieux, a avoué son entraîneur Marc Ramsay au cours d'un récent entretien avec RDS.ca. J'ai eu beaucoup, beaucoup de plaisir. »

« C'est probablement le gars le plus spectaculaire que nous avons connu au Québec, a ajouté son promoteur Camille Estephan. C'est un gars du peuple. Il n'y avait pas d'hypocrisie chez lui. »

Les frissons engendrés par la puissance de Lemieux sont parvenus à faire oublier ses prestations contre Gennadiy Golovkin, Billy Joe Saunders ou encore David Benavidez où il n'est même pas passé près d'enlever un round. Contrairement à d'autres, les échecs ne lui collent pas à la peau.

Instinctivement, les amateurs se souviendront des corrections qu'il a servies à Glen Tapia, Curtis Stevens ou encore Gary O'Sullivan. Il faut dire que le nom de Lemieux restera à jamais gravé dans les livres d'histoire étant donné qu'il a réussi le K.-O. de l'année contre Stevens en 2017.

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Lemieux a probablement eu mille et une occasions de se laisser abattre au cours de sa carrière, et pourtant, il s'est toujours présenté avec la profonde conviction qu'il gagnerait ses combats.

Une certaine forme d'insouciance qui séduit, mais qui atteint un jour ses limites. N'étant plus capable de respecter la limite de 160 livres, il était trop petit pour réussir à 168. Sa formidable puissance n'avait plus du tout le même effet, mais il y a toujours cru jusqu'au denier moment.

« C'est un trait de caractère des athlètes qui ont réussi à atteindre le niveau mondial, qui sont devenus champions du monde, explique Ramsay. Jean Pascal était comme ça. Eleider Alvarez était aussi très compétitif... je dirais même orgueilleux. Artur Beterbiev a ça en dedans de lui. »

« En plus, il a tout le temps offert de bons combats. Je n'ai jamais vu de combats ennuyants de David. C'est un gars qui a tout le temps donné sa pleine mesure. Il n'était peut-être pas le gars le plus hypertalentueux, mais c'est un gars qui a travaillé très, très, très dur pour connaître la carrière qu'il a connue. Avec le recul, je peux dire qu'il a donné tout ce qu'il avait à donner. »

« C'est un gars avec un très, très grand cœur, a continué Estephan. Il ne faut pas oublier qu'à ses débuts dans les rangs amateurs, il avait perdu quatre combats de suite, mais il n'a jamais lâché. David n'a jamais hésité à faire ce qu'il faut pour avancer. Je le place dans une classe à part. »