Quand Al Haymon a lancé Premier Boxing Champions (PBC), il a pris le pari de faire de la boxe un sport majeur en présentant des combats sur des chaînes généralistes et câblées américaines.

Jusqu’à maintenant, PBC a présenté 17 événements, dont un mettant en vedette le champion des poids mi-lourds du WBC et The Ring Adonis Stevenson en avril dernier sur les ondes de CBS.

Si les amateurs québécois et canadiens ont pu voir son combat contre Sakio Bika gratuitement, ils devront cependant payer pour son prochain prévu en septembre ou pour celui que disputera Lucian Bute samedi soir au Centre Bell. Pourtant, les téléspectateurs américains pourront visionner en direct ces deux duels s’ils sont abonnés à Spike TV ou NBC Sports Network.

Certains n’ont pas manqué de souligner cette importante contradiction, d’autant plus que Bute a publié plusieurs messages accompagnés du mot-clic freeboxing4all sur les réseaux sociaux au cours des dernières semaines. Mais malgré toute l’indignation possible, il faudra s’y faire.

« Pour faire boxer tout le monde, nous avons besoin de ressources et de revenus. Les revenus de la télévision américaine paient le combat de Bute, mais pour le reste (de la carte) , c’est nous qui payons, a expliqué le promoteur Yvon Michel en entrevue au RDS.ca plus tôt cette semaine.

« Nous avons besoin de revenus et nous ne pouvons pas présenter les combats gratuitement ici. Cela mettrait en péril notre modèle d’affaires et la façon d’opérer de l’industrie. Et il ne faut pas oublier que samedi, nous allons présenter huit ou neuf combats à la télévision à la carte canadienne contre seulement deux ou trois à la télé câblée américaine. C’est le bon modèle. »

Le promoteur est évidemment conscient qu’il ne pourra probablement jamais confondre les sceptiques, mais il tient à rappeler que sans la télévision à la carte, il lui aurait été impossible de tenir le coup et de présenter autant de galas d’envergure comme il le fait depuis plus de dix ans.

« Nous avions la possibilité de présenter le combat de Bute dans un casino au Connecticut, révèle Michel. La télé américaine aurait payé son combat et la production, tandis que le casino se serait chargé du reste. Mais Bute tenait absolument à se battre devant les siens à Montréal.

« Nous nous sommes assis avec nos partenaires et nous avons décidé de respecter la demande de Bute. Cela nous a permis de placer Eleider Alvarez en demi-finale et de permettre à d’autres jeunes boxeurs comme Erik Bazinyan, David Théroux et Yves Ulysse fils d’être de la sous-carte.

« Pensez-y. Un gars de Colombie pas très connu contre un gars du Paraguay qui vit en Argentine et qui n’est pas plus connu, ce n’est pas très vendeur. PBC n’achète pas de temps d’antenne au Canada et nous n’avons tout simplement pas les cotes d’écoute pour suivre ce modèle-là. »

Un marché qui n’est pas de taille

Le président et directeur général de Groupe Yvon Michel a déjà présenté des galas le samedi en après-midi sur les ondes des trois chaînes généralistes québécoises au cours des premières années d’existence de son entreprise au milieu des années 2000. Une expérience dispendieuse.

« Nous l’avions fait pour augmenter l’intérêt, mais nous perdions de l’argent à chaque événement, se rappelle Michel. Il fallait que nous payions pour aller là et nous n’avons jamais été en mesure de vendre de la publicité par la suite. Il n’y a pas ce genre d’intérêt pour la boxe.

« Les entreprises font toujours directement affaire avec nous, car il n’y a aucune agence (de pub) qui propose la boxe à ses clients. Nos partenaires sont là surtout parce que l’un de leurs dirigeants s’intéresse à la boxe. Certains se font même tirer l’oreille - c’est notamment le cas de Coors Light parce que les Cages aux Sports sont les plus gros vendeurs de bière au Canada. »

Le promoteur suggère également aux amateurs de cesser de comparer la situation qui prévaut au Québec avec celles des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou de l’Allemagne. La taille des marchés n’est pas comparable et ne le sera jamais. Le Québec représenterait une anomalie.

« Aucun marché semblable au nôtre n’a réussi à devenir aussi gros et à présenter des résultats aussi exceptionnels, affirme Michel. Si nous avons réussi à présenter plus de 30 combats de championnat au cours des 20 dernières années, c’est parce que nous nous sommes inventés un modèle qui passe par la télévision à la carte. La télévision généraliste et câblée ne paie pas. »

Au final, la dynamique créée par la farouche compétition que se livrent ABC/ESPN, NBC, CBS et Fox pour l’acquisition de différentes propriétés sportives au cours des dernières années rappelle malheureusement qu’il n’y a que deux groupes qui se battent pour un seul sport au Québec.