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RÉSULTATS

La nouvelle ère des poids lourds?

Daniel Dubois Daniel Dubois - Getty
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Mise à jour

COLLABORATION SPÉCIALE

C'est incroyable à quel point c'est la vérité quand on dit qu'un boxeur est aussi bon que sa dernière performance.

Tu gagnes, tu es un héros. Tu perds et tu n'es plus rien. Bien souvent, on ne met même pas en perspective la qualité des adversaires, ce qui fausse l'évaluation populaire de la réelle valeur de boxeur, dans la victoire comme dans la défaite.

En ce sens, la boxe est un sport unique et le plus cruel. Dans tous les autres sports professionnels, tu as la chance de te reprendre rapidement, le jour même parfois, sinon le lendemain, ou au pire la semaine suivante que ce soit au tennis, au golf, au basketball, au hockey ou au football.

À la boxe, c'est tout ton univers qui est chamboulé en fonction de ta performance, du résultat de ton combat, et ça prend des mois pour changer la situation ainsi que la perception des autres.

Pour un troisième combat consécutif « Dynamite » Daniel Dubois (22-2, 21 K.-O.) était le négligé alors qu'Anthony « AJ » Joshua (28-3, 25 K.-O.) était le pilier populaire de toute la division des lourds depuis la défaite de Tyson Fury aux mains d'Oleksandr Usyk.

La quatrième chute de Joshua au cinquième round, compliment d'un court direct de la droite de Dubois, a entraîné un renversement total de la hiérarchie de la division reine de la boxe.

Mais qu'est-ce qui s'est passé avec Joshua qu'on voyait contre Tyson Fury dans un autre stade complet au printemps 2025 pour le plus grand affrontement de l'histoire riche de la boxe du Royaume-Uni? On disait qu'il se destinait pour rejoindre Lennox Lewis au temple des immortels de la boxe internationale.

Nombreux sont ceux qui pointent la responsabilité sur sa mâchoire fragile. Le problème n'est pas là. Le plus important pour un boxeur professionnel est de connaître sa réelle valeur, ses forces, ses faiblesses, d'établir sa stratégie en conséquence, et surtout ne pas croire en sa publicité, sa promotion.

Le médaillé d'or olympique de 34 ans n'a pas la plus grande capacité de résistance aux coups, c'est vrai et c'est connu. Il faut donc qu'il soit discipliné, responsable défensivement et calculé en attaque.

Samedi dernier au Stade Wembley devant plus de 98 000 spectateurs et des « millions around the world » comme le dit Michael Buffer, le favori de la foule n'a pas du tout respecté son adversaire et a décidé de faire de cet affrontement un « O.K. Corral » digne du meilleur « film de Far West ».

Même après être allé au plancher trois fois, Joshua n'a jamais tenté de trouver la bonne solution. Le meilleur exemple est le résumé de la conversation entre Joshua et son entraineur Ben Devison entre le quatrième et le cinquième round :

« Les dés sont jetés », a dit Joshua. 

« Attention, il va sortir fort au cinquième », de répondre Devison. 

« Il ne vaut pas de la merde, j'en fais mon affaire dans ce round », a répliqué Joshua.

« Oui, mais fais-le intelligemment », a conclu le coach.

Joshua n'a pas compris le « intelligemment ». Une minute plus tard, après s'être rué sur Dubois et même avoir placé quelques droites avec intentions, il s'est écroulé pour le compte.

Cette séquence est le résumé de la prestation de Joshua. Il n'a pas trouvé, pire il n'a pas même cherché la solution aux problèmes que présentait Dubois.

De son côté, Dubois, 27 ans seulement, a été égal à lui-même comme lors de tous ses combats précédents. Il a boxé à l'intérieur de ses limites qui sont d'agresser l'adversaire sans relâche afin de placer un bon coup puissant parce que sa force à lui c'est ça : il est un puissant matraqueur. 

Alors la vraie faiblesse de l'ex-champion déchu a été son manque d'intelligence du ring (boxing IQ). Une erreur qu'Oleksandr Usyk ne ferait jamais. Ce sera peut-être éventuellement la qualité qu'il lui manquera pour aller à Canastota. 

Eddie Hearn, le promoteur de Joshua, a rapidement déclaré que le contrat comportait une clause de combat revanche et que son boxeur était pour l'exercer. C'est possible, mais je suis un peu sceptique.

Après une telle défaite, il est très fréquent que le combat revanche ne se réalise jamais. Lucian Bute avait une clause de combat revanche contre Carl Froch, à Montréal de surcroît, après sa défaite par K.-O. technique à Nottingham le 26 mai 2012. Ce n'est jamais arrivé.

Chad Dawson en avait une également avant de se faire passer le K.-O. en 76 secondes contre Adonis Stevenson. Il n'en a jamais plus été question. Les exemples semblables sont nombreux. Ce n'est pas tout le monde qui est de la trempe d'un Jean Pascal qui s'est attaqué à Sergei Kovalev deux fois malgré une défaite inéquivoque et taxante au premier affrontement.

À mon avis, tout l'avenir de la division des lourds va se décider à Riyad le 21 décembre prochain lors du combat revanche entre l'aspirant Tyson « The Gypsy King » Fury (34-1-1, 24 K.-O.) et le gaucher champion WBC, WBA et WBO Oleksandr Usyk (22-0, 14 K.-O.).

Si l'Ukrainien, qui aura 38 ans en janvier, l'emporte, j'ai l'impression que ce sera la retraite. Il a gagné assez d'argent pour satisfaire aux besoins financiers de plusieurs générations d'Usyk et un peu à l'image de son grand ami Vasyl Lomachenko, il a tout gagné. Il ne verra plus de grands défis à relever. L'usure du ring faisant son œuvre, les priorités ne sont plus les mêmes, la guerre en Ukraine... il va passer à autre chose.

De son côté, si Fury, 36 ans, perd, est-ce qu'il aura la motivation de recommencer comme aspirant pour se qualifier et courir après les ceintures vacantes, ou bien sera-t-il tenté de défier le champion IBF Daniel Dubois? À mon avis, Dubois a tout du style qui est dangereux pour Fury. Disons un Ngannou qui sait boxer!

Si le Gypsy King remportait son combat revanche, il y aurait un Fury/Usyk III et toute la division sera en attente. On verra probablement un Dubois contre Joseph Parker (35-3, 23 K.-O.) qui n'est pas dénué d'intérêts, mais qui ne produira pas de grandes étincelles et une foule de stade qu'on verrait probablement en Arabie Saoudite. 

Peu importe les scénarios, on est à la porte d'une nouvelle génération de boxeurs dans la division des lourds qui a été dominée par les Deontay Wilder, 38 ans, Tyson Fury, Anthony Joshua et Oleksandr Usyk depuis la fin du règne des frères Klitschko en 2015.

Dubois vient de lancer la charge et il sera rejoint très bientôt par d'autres jeunes espoirs qu'on ne connait pas encore très bien, mais qui très bientôt vont se lancer à l'assaut du derby du titre de champion des poids lourds morcelé en quatre ceintures jusqu'à ce qu'un mâle alpha vienne les unifier à nouveau. 

En espérant que ça ne prenne pas 22 ans, comme la dernière fois.

Entre temps, Anthony Joshua va prendre de longues vacances rédemptrices et réfléchir à son avenir alors que Daniel Dubois va attendre les nouvelles. Il est le champion IBF, mais il ne contrôle pas encore son agenda. La suite va dépendre de Joshua, de Fury ou de Usyk. 

Une chose importante que son promoteur Frank Warren va devoir lui enseigner c'est que tu peux battre un adversaire, lui ravir sa ceinture et l'envoyer à la retraite, mais ça ne veut pas dire que tu lui subtilises sa popularité. 

Les Britanniques ont suivi le parcours de Joshua à compter de sa médaille d'or olympique à Londres en 2012 et se sont mobilisés derrière lui au fur et à mesure de ses victoires et ses conquêtes. Ils ont été gagnés par sa prestance, son langage, son charisme et son charme tout autant que son style sur le ring. Ils en ont fait une véritable « star ».

Dubois a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'en arriver là. On ne sait pas encore jusqu'où il va se rendre, mais sa carrière sera belle à suivre et il a une longueur d'avance sur tous ses concurrents de sa génération.

Championnat WBO des mi-moyennes Sandy Ryan contre Mikaela Mayer.

Place aux femmes vendredi en tête d'affiche d'un gala de boxe professionnel.

Vendredi soir sur ESPN, un événement du groupe de Bob Arum, Top Rank, aura lieu au théâtre du Madison Square Garden de New York. 

Chez les mi-moyennes, l'Anglaise de 31 ans Sandy Ryan (7-1-1, 3 K.-O.) va défendre son titre WBO pour la troisième fois. Elle l'a remporté face à la Québécoise Marie-Pier Houle (10-1-2, 3 K.-O.) à Cardiff en avril 2022. Elle affronte l'expérimentée ex-championne IBF et WBO des super plumes Mikaela Mayer (19-2, 5 K.-O.) de Colorado Springs. 

Ce sera la deuxième tentative à un titre des 147 livres pour Mayer, 34 ans, qui s'est inclinée par décision partagée contre une autre Britannique, la championne IBF Natasha Jonas (15-2-1, 9 K.-O.) à Liverpool en janvier dernier.

Cette fois-ci, l'Américaine va avoir l'avantage de la glace. 

Ce sera le deuxième combat en carrière aux États-Unis pour Ryan, qui a été limitée à un match nul en septembre 2023 à Orlando en Floride alors qu'elle tentait d'unifier les titres contre la championne WBA et WBC Jessica McCaskill (12-4-1, 5 K.O.). Selon la majorité, Ryan aurait dû obtenir la victoire.

Une excellente confrontation en perspective. Mayer n'est pas très puissante, mais extrêmement acharnée, et elle mise sur sa condition physique pour constamment mettre de la pression. 

Ryan est globalement plus habile, ses coups ont plus d'impacts et elle réussit généralement à s'imposer.

Les deux sont de la même taille, 5 pi 9 po, mais Ryan se sert habituellement mieux de sa portée. 

Je favorise la championne Ryan par une très mince décision en 10 rounds, même si Mayer possède un style qui l'avantage dans les rounds de deux minutes, où on a tendance à favoriser le volume des coups plutôt que leur impact. 

Le combat sera spectaculaire et mérite amplement une finale sur ESPN au petit théâtre de l'ancienne Mecque de la boxe, le Madison Square Garden.

Bonne semaine!